Alors que les séniors n’ont en réalité pas plus d’accidents que les autres conducteurs, beaucoup semblent pourtant bien disposés à leur imposer des contrôles d’aptitude. Une telle mesure serait-elle pour autant justifiée ?
En juillet dernier, le sénateur de la Marne Yves Détraigne déposait une proposition de loi avec pour objectif la mise en place d’une évaluation médicale à la conduite réservée aux conducteurs de 70 ans et plus. Si un certain nombre d’observateurs estime une telle décision comme légitime, les assureurs constatent pour leur part que les séniors appartenant à la tranche 65-74 ans et ou celle des 75 ans et plus, n’ont pas plus d’accidents que le reste de la population.
D’après un rapport de l’OCDE – organisation de coopération et de développement économique – datant de 2001 intitulé Vieillissements et transports : concilier mobilité et sécurité, les personnes âgées sont en effet nombreuses à éviter de conduire dans des situations risquées telles que la nuit, les heures de pointe ou encore les jours de pluie.
Mais attention toutefois, souligne l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière à travers son bilan 2011 : les conducteurs les plus âgés sont quand même plus souvent responsables d’accidents. Ainsi, la responsabilité des accidents mortels serait attribuée aux plus de 75 ans dans 66 % des cas. C’est 3 % de moins seulement que les 18-24 ans (69 %).
Quoiqu’il en soit, la majorité des experts s’opposent au principe du contrôle d’aptitude. Motif invoqué : les personnes les mieux placées pour évaluer la santé du conducteur ne sont autres que les médecins, mais ces derniers sont tenus au secret professionnel.
Halte à la stigmatisation, pointent les associations
Pour la Ligue contre la violence routière, les accidents impliquant des séniors suscitent un trop plein d’émotions tendant vers la stigmatisation. Pour cette raison, l’association invite les médecins à faire de la prévention auprès de leurs patients âgés en leur déconseillant par exemple de conduire après avoir pris des médicaments provoquant une somnolence. À noter, d’ailleurs, que le ministre des Transports avait en 2005 émis un avis semblable.
Et un arrêté du 31 août 2010 avait quelque temps plus tard permis de mettre au point une liste des états de santé supposant une incompatibilité avec la conduite. C’est notamment le cas des altérations visuelles, des pathologies cardio-vasculaires, métaboliques ou pneumologiques ou encore des pratiques addictives.
Enfin, si des proches ou des membres de la famille jugent que la personne âgée n’est plus capable de conduire, ces derniers ont la possibilité d’envoyer une lettre au service des permis de conduire de la préfecture. À la clé : une visite médicale effectuée par un médecin agréé, autorisé à recommander au préfet, en cas d’inaptitude, une suspension définitive ou temporaire du permis.
Reste toutefois, selon certains sénateurs, que les proches ou les familles recourent rarement à cette méthode.
Arrêter de conduire, perçu comme un deuil
Pour la psychosociologue Catherine Espinasse, la personne âgée contrainte d’arrêter de conduire vit souvent cette situation comme un deuil. Ce qui explique notamment la difficulté de laisser la voiture au garage.
Comme le rappelle le sénateur Yves Détraigne, la France est un des rares pays d’Europe à ne pas mettre en place de contrôle obligatoire pour les séniors à partir de 70 ans, à l’inverse entre autres du Royaume-Uni, de l’Espagne, du Danemark, de la Finlande, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Hongrie et du Luxembourg.
Considérée comme une discrimination envers les personnes âgées, la proposition de Détraigne a été rejetée par la commission des lois le 5 juin, avant d’être une nouvelle fois rejetée par les sénateurs le 13 juin dernier.
Sources : LeMonde, Senat.fr, securite-routiere.fr, violenceroutiere.org