Un économiste de l'université de Californie, Gregory Clark, a récemment publié un livre (The son also rises) qui ne fait pas l'unanimité. Selon ce dernier, le statut socioéconomique ne serait non pas une question de culture mais de nature. Ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde…
Pour arriver à ce résultat, Gregory Clark a étudié le destin de générations sur plusieurs siècles et à travers différentes sociétés disposant de régimes politiques variés : les États-Unis, la Chine, la Suède, le Chili, l'Angleterre, l'Inde, le Japon et la Corée du Sud. Objectif de son étude : observer les mobilités sociales de génération en génération tout en recherchant les noms de famille rares des prestigieuses familles de l'aristocratie.
À la lumière de cette analyse, l'économiste est arrivé à la conclusion que le statut social des générations ne change que très peu et que les noms des familles de l'élite gardent leurs avantages au fil des siècles. Ainsi, l'auteur écrit dans une tribune du New York Times que les noms rares ou distinctifs renvoyant aux familles de l'élite sont systématiquement représentés de façon inégale au sein des élites contemporaines. De fait, toujours d'après Clark, si le nom de famille d'une personne est rare et que l'un de ceux qui portaient ce dernier est passé par Oxford ou par exemple Cambridge dans les années 1800, alors la personne a quatre fois plus de chances d'aller dans l'une de ces universités que la moyenne.
Dans la même veine, Bloomberg indique que le statut social s'hérite au même titre qu'un trait biologique tel que la taille. Et de rappeler, pour expliquer en partie ce mécanisme de reproduction sociale, la transmission du capital financier et du capital culturel (diplôme, aisance culturelle, accès à la culture, etc.). D'après la sociologie de l'éducation, une telle reproduction sociale transforme en quelque sorte le privilège de l'héritage en une forme de reconnaissance de talent et de valeur intrinsèque de l'enfant. Les sociologues soulignent d'ailleurs à ce titre que l'astuce est de faire passer cet héritage pour quelque chose qui se mérite.
Une conclusion à prendre avec des pincettes…
Cependant, la conclusion de Gregory Clark, dont les implications sont jugées "incendiaires" par le Wall Street Journal, n'arrive pas au même résultat. Ainsi, l'économiste avance que ces avantages découleraient d'une "compétence sociale" s'apparentant à une "unité de gènes, valeurs, avantages matériels, et talent ou tendance à choisir un partenaire ayant la même compétence sociale". Autrement dit, la mobilité sociale aurait des caractéristiques proches de la génétique. Un résultat qui n'est pas sans rappeler la théorie pour le moins controversée de Charles Murray et Richard J. Hermstein, d'après laquelle le destin des personnes est dépendant de leur QI, qui se transmettrait partiellement par les gènes.
Comme le met en évidence The Economist, si le livre de Gregory Clark n'est pas un livre raciste, il ferait néanmoins commerce du déterminisme génétique. Chose que l'auteur réfute dans sa tribune du New York Times en faisant remarquer qu'aucune preuve n'a permis au cours de l'étude d'affirmer que certains groupes ethniques étaient plus performants de façon innée que d'autres. Aux États-Unis, par exemple, les groupes au plus haut statut social regroupent notamment des Juifs Ashkénazes, des Égyptiens coptes, des Iraniens musulmans, des Indiens hindouistes et chrétiens ou encore des Africains de l'Ouest.
Reste que la conclusion de Gregory Clark ne devrait pas manquer de lui attirer de nombreux ennemis. Et ce, aussi bien du côté de ceux pensant que certaines cultures réussissent naturellement plus que d'autres, que de ceux attribuant le succès aux capitaux financier et social de la famille ainsi qu'aux réseaux.