Le site internet Smithsonian vient de relayer une étude étonnante attestant que les personnes qui ne s'excusent pas seraient en réalité beaucoup plus heureuses que celles prenant la peine de le faire. Doit-on pour autant arrêter de dire pardon ? Pas si sûr. Quoiqu'il en soit, cette conclusion pourrait sans doute remettre en question l'idée selon laquelle s'excuser offrirait un regain de sérénité.
Les sociologues semblent de plus en plus nombreux à se l'avouer : la société d'aujourd'hui est malade et les individus qui la composent ne parviennent plus à comprendre les tenants et les aboutissants de leur environnement. Changement de mœurs ou témoignage de ce grand vide contemporain, le fait de cesser de présenter des excuses devrait-il être considéré comme l'un des nombreux symptômes de cette pathologie qui ne dit pas son nom ?
Sans s'appuyer sur de telles présuppositions, une équipe de chercheurs de l'European Journal of Social Psychology, dont l'étude a été diffusée par le site Smithsonian, s'est demandée ce que le fait de demander pardon pouvait à l'heure actuelle induire sur notre état d'esprit. Pour répondre à cette question, les scientifiques ont demandé aux participants de l'étude de se remémorer des transgressions de leur passé, comme par exemple de ne pas laisser passer un piéton prioritaire en ville ou, plus grave, une histoire de vol.
Par la suite, les personnes participantes ont été invitées à envoyer un mail pour présenter des excuses ou à ne rien faire si elles préféraient au contraire ne pas demander pardon. À la lumière des résultats, les chercheurs ont été en mesure de conclure que le fait de refuser de s'excuser permettait d'avoir "une meilleure estime de soi" et même un sentiment "de pouvoir et de contrôle". De là à appliquer une telle conclusion au comportement leste des badauds se tamponnant les uns les autres dans les artères obstruées des grandes villes ou le long des couloirs exigus du métro, il n'y a qu'un pas.
Arrêter les excuses, une bonne chose ?
Mais s'arrêter de dire pardon est-il vraiment une bonne idée ? Rien n'est moins sûr pour les spécialistes, d'autant que l'excuse a la plupart du temps le pouvoir de corriger une erreur ou encore de renforcer une relation personnelle ou professionnelle. Attention toutefois : il est important de ne pas s'y prendre n'importe comment – l'art de l'excuse n'étant pas chose facile. À noter à ce titre qu'un site internet a d'ailleurs eu l'idée se développer exclusivement en fournissant les meilleures excuses à donner et ce quelle que soit la circonstance.
Reste que même si vous ne vous sentez pas disposé à cesser les excuses, posez-vous la question de leur sincérité : ces dernières sont-elles sincères et spontanées ou conventionnelles et forcées ? D'après une étude menée par les chercheurs Jane L. Risen et Thomas Gilovich qui s'est intéressée à la question, la réalité est sans appel : une grande part des excuses que nous formulons sont prononcées à contre cœur – à l'instar du fameux "pardon" prononcée à la dérobée lorsque l'on percute quelqu'un dans la rue.
À l'inverse, la personne recevant ces mêmes excuses les acceptent pour la simple et bonne raison qu'elle demande elle-même chaque jour pardon par politesse. Et dans ce tourbillon sans fin, franchise et bonne-foi sont les grandes absentes.
Sources : European Journal of Social Pychology, Manageris, Slate, Lesitedesexcuses