La ministre de l'économie numérique, Fleur Pellerin, songe à taxer la bande passante générée en France par les acteurs français et étrangers, pour enfin parvenir à taxer les Google et Facebook, les deux géants qui ont réussi pour l'instant à passer entre les mailles du fisc. Les fournisseurs d'accès soutiendraient cette initiative, selon le site d'information sur le numérique Numerama.
Peu de temps après la remise du rapport Colin & Colin, l'idée forte du rapport, intéressante dans l'absolu mais quasiment impossible à mettre en place techniquement et juridiquement, qui est de taxer les entreprises qui collectent les données privées des internautes, commence à se concrétiser. Le projet envisage de créer de nouvelles ressources fiscales françaises applicables aux géants américains, et d'inciter les taxés à agir avec modération dans la collecte des données personnelles.
Selon le premier projet, l'imposition était modulée en fonction du degré de transparence de la collecte ou du degré de contrôle laissé aux internautes sur leurs données personnelles, ou du respect de la vie privée des internautes, à travers l'évaluation des procédures de sauvegarde. Mais le principal problème technique était de savoir sur quelle base taxer les entreprises, et à cette question Collin et Colin donnaient une solution qui ressemblait plutôt à une menace qu'à une solution : le DPI (deep paquet inspection).
"Envisageable en dernier recours"
La base de l'imposition pourrait être le volume des données sortantes, envoyées par les internautes français vers les services étrangers. Mais pour cela, il faut pouvoir distinguer, parmi toutes ces données, celles qui sont des informations personnelles collectées, taxables, et celles qui relèvent d'un simple échange de données diverses. Ce qui "impliquerait d'exiger des fournisseurs d'accès français qu'ils procèdent à ce tri à travers la mise en place d'une procédure de deep paquet inspection (DPI)", selon Collin et Colin. "Techniquement possible, une telle éventualité ne doit cependant être envisagée qu'en derniers recours : elle risquerait en effet d'être perçue comme une intrusion inhabituelle des pouvoirs publics dans le contenu des flux échangés sur Internet".
Selon Winston Maxwell et Xenia Legendre, avocats, la DPI, mise en place pour faciliter la taxation des collectes de données personnelles, "soulèvera, paradoxalement, une menace importante pour la protection des données personnelles". Mais les services du ministère de Fleur Pellerin ont pensé à une solution qui ne ferait pas espionner les consommateurs ni ne les obligerait à payer la nouvelle taxe. La voie la plus sérieusement étudiée est donc celle d'une taxe sur la bande passante, selon une information qui a été confirmée par une source proche des télécoms. L'idée serait d'imposer une taxe sur le volume d'octets de bande passante consommés en France par les énormes utilisateurs que sont Google et Facebook.
Paradoxalement, l'idée de Fleur Pellerin aurait le soutien d'opérateurs comme Orange ou Free, qui y voient une manière d'imposer une généralisation du "peering payant", très défavorable aux petits acteurs."Nous devons veiller à assurer l'équité entre les différents acteurs, quelle que soit leur nationalité", affirme la ministre, mais Orange, qui est le premier fournisseur de transit IP en France avec sa filiale Open Transit, aurait tout à y gagner. C'est pourquoi il faudra veiller à ne pas faire payer les opérateurs en fonction du seul débit mais aussi des tarifs publicitaires qu'ils pratiquent : pour Google, une bande passante de 100MB rapporte plus qu'à un petit acteur ayant la même bande passante, le prix d'un encart sur Google étant beaucoup plus cher qu'un encart sur un site de moindre renommée.
Pour rappel, la taxe sur les publicités en ligne a pour but de "rétablir la neutralité du marché publicitaire". Elle consistait initialement à taxer à 1 % les régies publicitaires en ligne. La taxe, telle qu'elle était définie, devait être mise en place au 1er janvier 2011. Elle a finalement été repoussée au 1er juillet 2011 avant d'être définitivement supprimée le 29 juillet 2011.
Sources : Numérama, Rapport sur l'économie numérique