Dans un arrêté publié le 25 mai, le ministère de l’Enseignement et de la Recherche propose des mesures pour élargir les conditions d’accès au doctorat et professionnaliser la formation. Ce projet de réforme a provoqué l’ire dans le milieu académique : les universitaires craignent une dévalorisation du plus haut niveau de diplôme et de l’enseignement supérieur français.
Vers un doctorat en apprentissage
La « professionnalisation » du doctorat n’est pas une idée nouvelle. La loi du 17 janvier 2002 prévoit déjà la possibilité de s’inscrire en doctorat sans master et d’obtenir le diplôme grâce à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Mais la nouvelle réforme, qui pourrait s’appliquer dès septembre 2016, va plus loin dans ce sens afin de « favoriser l’insertion des jeunes doctorants ». Ainsi, le doctorat pourrait bientôt comprendre des modules « professionnalisants », au détriment du travail original de recherche et de réflexion qui occupe déjà les doctorants à plein temps.
L’encadrement pédagogique est également remis en cause. Le gouvernement envisage de mettre en place des « comités de suivi » composés de membres extérieurs à la discipline de recherche. Ces médiateurs seraient chargés d’évaluer l’avancée des recherches du doctorant, mais également de contrôler le directeur de thèse qui n’aurait même plus le droit de faire partie du jury. Coup de grâce pour les chercheurs : les mentions seraient supprimées au nom de l’égalitarisme.
Un texte en décalage avec la réalité
Sur le papier, les objectifs du ministère de l’Enseignement et de la Recherche sont louables : promouvoir le diplôme à l’international et faciliter l’insertion des jeunes doctorants sur le marché du travail. Il s’agit également de permettre aux élites des grandes écoles de faire valoir leurs compétences en Europe où le Ph.D, c’est-à-dire le doctorat, est demandé pour accéder aux plus hautes fonctions. Malheureusement, une telle « démocratisation » dénature le doctorat français, qui n’est pas censé être une formation pro ou une passerelle, mais un premier travail en soi. Une autre question reste en suspens : qui va payer ? Les universités, déjà en faillite, n’ont pas les moyens d’organiser les formations professionnelles prévues par la réforme…
Si une ouverture des modalités d’obtention du doctorat est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment de l’excellence du diplôme français. Espérons que le débat restera ouvert entre le gouvernement et les milieux académiques pour ajuster cette réforme dans le bon sens.
Sources : Le Monde, Le Figaro, France culture, Le Point, Fabula