En raison de l’exigence des consommateurs, les enseignes de la grande distribution ont tendance à adopter un calibrage zéro défaut en matière de fruits et légumes. Cette sélection implique un important gaspillage alimentaire. Conscients de la situation, des étudiants et des restaurateurs ont décidé de recycler les “légumes moches”. Décryptage.
Les clients boudant les “légumes moches” ont récemment fait polémique en France. De nombreuses personnes ont ainsi eu l’idée de récupérer les produits invendus chez les maraîchers et de les transformer. Ces initiatives atypiques ambitionnent de changer les mentalités et de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Prise de conscience des professionnels
Travaillant dans leur ferme de La Ferté-Gaucher, un couple de Seine-et-Marne a marqué les esprits en rachetant à des producteurs de fruits et légumes locaux leurs surproductions et leurs invendus. Apolline Filitowski, formée en hôtellerie, ainsi que son compagnon Julien Masson, diplômé dans l’agroalimentaire, ont fondé la Conserverie de Larnière et la marque Bocatille pour lutter contre le gaspillage. Ainsi, leurs matières premières sont essentiellement constituées de produits maraîchers hors gabarit et de restes de tri, également connus sous le nom de “légumes moches”. Jusqu’à présent, ils ont produit jusqu’à 2 000 bouteilles artisanales de compotes, de soupes et de coulis dans leur ferme.
De leur côté, depuis 2015, Shéhrazade Schneider et Élodie Le Boucher proposent des plats faits à partir de “légumes moches” dans leur restaurant situé dans le 9e arrondissement de Paris. À travers cette démarche, les deux restauratrices souhaitent redonner une seconde vie aux betteraves mutantes, aux abricots tachetés, aux radis biscornus et à tous les laissés pour compte de la grande distribution. Elles cherchent aussi à interpeller l’opinion sur la nature comestible et le potentiel culinaire de ces produits alimentaires considérés comme “ingrats”.
L’avenir de la lutte contre le gaspillage alimentaire
Le collectif des Gueules cassées fait partie des principaux lanceurs d’alerte concernant le gaspillage alimentaire généré par le calibrage de la grande distribution et les habitudes des consommateurs. En 2014, les membres du collectif ont ainsi décidé de réintroduire les “légumes moches” sur le marché en affichant un tarif moins élevé de 30% par rapport à la moyenne. Depuis, des restaurateurs, des producteurs et des entreprises familiales contribuent à réhabiliter ces produits boudés par les vendeurs et les consommateurs.
Outre les conserves et les plats des restaurants, les “légumes moches” peuvent également être transformés en chips aux formes atypiques qui n’ont rien à envier aux produits zéro défaut. Cette idée a vu le jour dans le cadre d’une collaboration entre un maraîcher bio de Dordogne et des étudiants en Sciences et Technologies Alimentaires du lycée agricole de La Peyrouse (Périgueux). Ils ont notamment apporté un vent de fraîcheur dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et sur la culture bio.