Une enquête publiée dans le numéro de mars du magazine 60 millions de consommateurs révèle les pratiques discriminatoires mises en œuvre par les agents immobiliers. Tour d'horizon.
Il ne fait pas bon être d'origine étrangère, en France, lorsqu'il s'agit de trouver un logement en location. C'est en tout cas ce que démontre un "testing" réalisé par 60 millions de consommateurs auprès d'agences immobilières, qui met au jour les a priori et pratiques discriminatoires de certains professionnels.
À noter que pour mener à bien cette étude, mise au point par le défenseur des droits, Dominique Baudis, six candidats à la location disposant du même niveau de revenus et de la même situation professionnelle ont répondu à 150 annonces immobilières en prenant rendez-vous par téléphone. Résultat, l'accueil réservé à certains d'entre eux s'est avéré désagréable.
Ainsi, si le candidat de référence (Anne, une assistante de direction de 28 ans) a reçu systématiquement une réponse positive de l'agence immobilière, la personne s'exprimant avec un accent africain (Babacar, un commercial de 31 ans) a essuyé des refus dans plus d'un tiers des cas. De même, si le ton était plutôt courtois avec Anne, il n'en était pas de même avec les autres candidats. Par exemple, dans près de la moitié des appels (42 %), les professionnels ont demandé à Babacar s'il gagnait bien trois fois le montant du loyer. Une question que ces derniers ont posée dans à peine 10 % des cas à Anne.
Des discriminations liées à de nombreux facteurs
De son côté, Christelle, une mère célibataire vivant avec un enfant, n'a pas obtenu un accueil plus courtois que Babacar. Dans un tiers des cas, celle-ci n'est ainsi pas allée plus loin que le coup de téléphone alors qu'Anne a décroché un rendez-vous à chaque fois. Et quand Christelle et Babacar parviennent finalement à en obtenir un, ces derniers sont alors tenus de fournir de nombreuses pièces justificatives. Et les résultats ne sont pas plus engageants pour les autres candidats : le jeune sous curatelle a essuyé 29 % de refus, et la personne âgée de 71 ans, 24 %.
Le journaliste Lionel Maugain, auteur de cette enquête, souligne que l'enjeu était de montrer que les discriminations ne sont pas seulement relatives aux origines, mais aussi à l'âge, à la situation familiale ou encore au handicap. Une situation pour le moins exsangue, à l'heure où le marché locatif est particulièrement difficile d'accès.
Toutefois, ce n'est pas la première fois que de telles pratiques sont révélées. Dominique Baudis publiait notamment en 2012 Guide pratique pour les propriétaires et les professionnels de l'immobilier : louer sans discriminer. Reste maintenant à savoir si la commission de contrôle des professions immobilières, qui découle de la loi ALUR de Cécile Duflot, et les sonnettes d'alarme du défenseur des droits parviendront à améliorer la situation. Une chose est sûre, quoi qu'il en soit : les preuves sont à ce titre très délicates à obtenir, à moins de réaliser d'autres "testing" en continu.
Sources : 60millions-mag ; lci ; LeMonde