L'idée peut faire peur au début : ne plus avoir de bureau personnel du tout. Pourtant, vous pourriez choisir en arrivant si aujourd'hui vous préférez vous asseoir plutôt près de la fenêtre, ou plutôt au fond de la pièce. En effet, si cette pratique, commune aux États-Unis, se répand peu à peu en Europe, elle n'est pas encore très significative en France. Néanmoins, le Tour de France du Télétravail donne de nouveaux renseignements qui pourraient bien changer nos habitudes de travail, et supprimer purement et simplement le bureau personnel.
Cela faisait presque 7 ans qu'aucune donnée officielle sur la part de télétravail dans les entreprises n'avait été fournie. Or, avec les nouvelles façons de travailler, majoritairement sur ordinateur, la question d'avoir un espace personnel dans lequel stocker ses papiers, documents et livres se posent de moins en moins, faisant le succès du coworking, et mettant à mal le bon vieux bureau individuel.
La liberté de travailler où l'on veut
En 2008, le premier espace de télétravail voit le jour à Paris, et 5 ans plus tard, on en compte 150. Dans ces salles dédiées, le calme règne, les connexions internet sont bonnes, et l'ambiance est productive, parfois plus qu'à l'entreprise. L'espace est plus que rentabilisé puisque vous n'occupez qu'un bout de table. Avec les prix de l'immobilier qui ont atteint des sommets exceptionnels, une surface conséquente inutilisée est du luxe. L'idée est donc de reporter le même fonctionnement à l'entreprise. Cela s'appelle le desk-sharing ou le partage du bureau. Le but n'est pas d'entasser les salariés dans un espace réduit, mais privilégier l'espace commun, faire en sorte que les salariés puissent travailler vraiment ensemble, où ils le souhaitent et comme ils l'entendent pour être à leur aise, sans occuper une surface 3 fois trop grande.
La société évoluant à grande vitesse, les espaces professionnels sont pour beaucoup contraints de suivre la cadence. Or, le télétravail qui hier ne représentait rien, regroupe aujourd'hui 17 % des Français, dont près de 80 % restent à domicile. D'autres privilégient les espaces aménagés à dessein, les salles de co-working, voire les cafés, et les bureaux se vident peu à peu. Avec le télétravail, les entreprises concernées ont réalisé au moins 30 % d'économie d'espace, et les salariés, eux, ont obtenu un emploi du temps allégé.
Un salarié normal sur 2 est un salarié absent
En effet, la majorité des salariés ne passe pas 100 % de leur temps à leur bureau, entre les réunions, les déplacements ou encore les pauses. A cela s'ajoutent les aléas de la vie comme les retards, les maladies, les jours de congés, etc. Outre cet aspect, de plus en plus de professions proposent une mobilité partielle : les rendez-vous et réunions à l'extérieur, les voyages professionnels, les séminaires, qui sont autant de temps qui laissent le bureau vide. Finalement, le taux d'occupation des locaux oscillerait entre 50 % et 60 % selon Flore Saulnier, responsable de recherche corporate chez Jones Lang LaSalle, le spécialiste de l'immobilier d'entreprise, relaie le Journal du Net.
Par conséquent, les bureaux classiques et personnels sont peu à peu remplacés par des open-space, bien plus rentables : dans une pièce aux mêmes dimensions, vous n'aurez pas 1 mais 4 salariés. De plus en plus présents en France, ces espaces se généralisent. Néanmoins, même si le rapport production – prix de l'espace de travail est meilleur en open-space, les entreprises payent des espaces dans des bâtiments, peu ou pas occupés par les salariés. En effet, pour 10 salariés, il faut bien 10 bureaux. Mais si, par roulement naturel, seuls 5 salariés sont présents quotidiennement à l'entreprise, pourquoi ne pas prévoir que 5 bureaux ?
Quand la recherche de simplicité complique la vie du salarié
Si cette organisation anglo-saxonne a rencontré un succès chez IBM ou Hewlett-Packard, il en a été autrement chez Microsoft, Renault ou Accenture. En effet, Microsoft s'est retrouvé face à un souci logistique : les milliers de salariés, éparpillés dans les locaux, ont énormément de mal à se retrouver. S'ils souhaitent travailler à plusieurs, il leur faut trouver des places disponibles et en assez grande quantité. Et quand tout cela est enfin réglé, il faut pouvoir parler sans gêner les autres. Le salarié se retrouvait dans la situation de l'étudiant en bibliothèque, alors que ce système était censé aider à la production et au bien-être. Des quartiers par services et activités ont donc été aménagés, précise Rue 89.
Du coté de Renault, le trouble a été émotionnel. Les salariés, perdant leurs repères et leur sentiment d'appartenance à l'entreprise, s'y sont sentis mal à l'aise. Passant la majorité de la journée à travailler, physiquement sur place ou non, le salarié nécessite certainement une place bien à lui si ce n'est un local. Cette sensation de rejet ressentie par le salarié a été bien plus vive pour les employés d'Accenture, dont l'organisation trop carrée a vite montré ses limites.
Les salariés devaient, pour obtenir une place assise, réserver au préalable depuis chez eux sur le web, un espace pour le jour voulu, à une certaine heure, pendant un certain temps, avec ou non internet… Exactement l'inverse de ce qui était prévu puisque, d'une part, le salarié ne se sent plus "faire partie de la famille" , il est véritablement considéré comme un étranger à la société, et doit jusqu'à s'inscrire pour seulement s'asseoir ; d'autre part, aller travailler est devenu plus compliqué encore avec le système d'inscriptions, alors qu'il s'agissait, rappelons-le, d'un moyen de faciliter les déplacements des salariés. Inévitablement, les liens sociaux en ont pâti : "comme l’équipe se retrouvait éclatée, nous échangions par e-mail. J’ai mis quatre mois à croiser tous mes collaborateurs. En fait, personne ne se connaissait plus dans l’entreprise. D’ailleurs, on repérait facilement les nouveaux, ils disaient “bonjour” quand ils entraient dans l’ascenseur" explique un ancien cadre dirigeant.
Source : Rue 89 ; Tour de France du Teletravail. fr