L'association Respire, en partenariat avec le magazine "We Demain", a récemment dévoilé son classement des 100 plus grandes villes européennes selon la qualité de leur air. Tour d'horizon.
Il y a un peu plus de deux mois, juste au moment du pic de pollution aux particules fines historique enregistré à Paris, un économiste du CNRS, Thibault Gajdos, signait la tribune "Pour en finir avec un air meurtrier". Se basant sur des études menées par le réseau européen Aphekom, le chercheur soulignait en effet que si les Parisiens subissaient une exposition aux particules fines en règle avec les normes de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), et ce en permanence, cela permettrait d'éviter 1 400 décès chaque année. En d'autres termes, cela correspondrait à six mois d'espérance de vie supplémentaire à l'âge de 30 ans. De quoi par ailleurs déboucher sur une économie de 2,1 milliards d'euros chaque année.
Reste que si les particules fines ont bel et bien gagné une part importante de l'Hexagone au printemps, c'est surtout dans les métropoles, à savoir là où vit la plupart de la population, qu'elles ont entraîné le plus de craintes. Mais il faut savoir que la majorité des grandes villes n'échappent pas à ce type de phénomène en Europe, puisque les taux de polluants dans l'air excèdent bien souvent les directives européennes et les objectifs établis par l'OMS. Résultat, pas moins de neufs citadins sur dix respirent régulièrement quelques-uns des polluants les plus mauvais pour la santé, et ce dans des proportions jugées dangereuses pour l'organisme par l'OMS.
Ainsi, quelque sept millions de morts prématurées ont été entraînées par la pollution de l'air en 2012, toujours d'après l'OMS. Ce qui a poussé l'association Respire à étudier en détail la qualité de l'air des 100 plus grandes villes européennes. Les résultats de cette étude ont fait l'objet d'un rapport rendu public mercredi 4 juin, en association avec le magazine We Demain.
Un bonnet d'âne pour la France
Le classement, basé sur le nombre de jours de dépassement des seuils sanitaires, comprend cinq villes françaises. Parmi elles, la mauvaise élève Marseille, qui se place en 94ème position. Il faut dire que la ville a enregistré plus de 200 jours par an de dépassement des seuils de particules (ozone, dioxyde d'azote, entre autres). Paris, pour sa part, se place en 84ème position, avec 139 jours de dépassement. Quant à Nice, Lyon et Toulouse, ils ont enregistré respectivement 90, 60 et 51 jours de dépassement des seuils sanitaires en particules.
Principal problème, comme le met en évidence Amélie Fritz, ingénieure chez Airparif chargée de surveiller la qualité de l'air en Île-de-France interrogée par Le Parisien : la circulation des voitures. À noter d'ailleurs, d'après le quotidien, que 73 % des habitants circulent dans des véhicules diesel à Nice et à Marseille. Or, les moteurs diesel sont connus pour émettre davantage de particules fines que les moteurs essence.
À l'Est, les villes les plus touchées par la pollution
À en croire le rapport de l'association Respire, ce sont les villes d'Europe de l'Est qui sont les plus concernées par ces problèmes de pollution. Ainsi, Budapest (Roumanie), Sofia (Bulgarie), Varsovie (Pologne) ou Prague (République tchèque) dépassent chacune les seuils sanitaires. Un phénomène qui s'explique notamment par l'utilisation abusive du chauffage au charbon ou au bois, notamment en Bulgarie, une des principales causes de pollution, d'après l'Agence européenne de l'environnement.
Le magazine Sciences & Avenir souligne de son côté que les centrales thermiques, qui dégagent d'importantes doses de particules de dioxyde de soufre, sont aussi largement responsables.
Les villes du Nord, premières de la classe
À l'inverse, les villes du nord de l'Europe sont les mieux placées. Contrairement à ce que la plupart pensent, les villes comme Liverpool, Manchester ou Leicester, avec leurs cheminées d'usine par dizaines, sont en réalité parmi les moins touchées d'Europe. Elles cumulent d'ailleurs seulement 30 jours de dépassement. Rappelons que dans un rapport de 2009, l'association européenne des villes en transition énergétique, Energy Cities, soulignait les efforts réalisés par Manchester en matière de limitation des émissions de CO² ou encore au niveau de l'utilisation de la voiture.
Des résultats néanmoins jugés douteux par certains spécialistes
Pour autant, une partie des résultats semblent étranges. Par exemple, la première ville du palmarès est Cluj-Napoca (Roumanie), alors que l'association Respire indique dans le même temps que cette même ville de 324 000 habitants que dispose que de deux capteurs défaillants. Pire, les capteurs en question ne mesureraient même pas les particules fines. De même, de nombreuses stations de mesure ne seraient pas disposées correctement et de manière homogène en Europe. Ce qui permettrait à un certain nombre de pays de tricher en se servant exclusivement des capteurs placés dans les endroits moins pollués, ou pire en ne transmettant pas les bonnes informations.
Vers une baisse de la pollution ?
Le rapport relève que si un certain nombre de villes essayent d'appliquer des politiques de limitation de la pollution de l'air, les résultats sont très relatifs. Pourquoi ? Parce que la pollution parcourt des milliers de kilomètres et ne connaît évidemment pas de frontière. Raison pour laquelle l'association Respire demande la mise en place de politiques coordonnées au niveau européen et mondial. À ce titre, elle voudrait que la directive européenne NEC (National Emission Ceilings), chargée d'établir les plafonds d'émission de polluants à ne pas dépasser à compter de 2020 et 2030 devienne un des principaux outils de la politique européenne. Malheureusement, les objectifs affichés par la Commission européenne serait selon elle beaucoup trop limités.