Évènement. Le centre Pompidou ouvre aujourd'hui ses portes à l'un des artistes les plus excentriques du 20ème siècle, l'éminent Salvador Dalí. Tour à tour cubiste, surréaliste, anticlérical, catholique, franquiste, royaliste, déloyal à tout sauf à lui-même, le peintre a marqué au fer rouge la peinture et l'art en général.
Plus de trente ans après l'exposition organisée du vivant de l'artiste en 1979 – qui entraina alors un record de visites –, le centre Pompidou remet le couvert aujourd'hui. Façonnée sous la direction de Jean-Hubert Martin, cette rétrospective 2012 est scénographiée avec une précision toute fantaisiste, reprenant à son compte le kitsch et le baroque qui faisaient la personnalité de Dalí. Dessin, peinture, films, photographie, toutes les facettes du grandiloquent performer pop gominé sont représentées. En découle un tableau extravagant donnant parfois à voir l'artiste catalan comme un Andy Warhol survolté.
Pour Salvador Dalí, l'enfance est comme une coquille d'œuf dont il faut nécessairement se débarrasser. Poule pondeuse, œufs à toutes les sauces, ce grand mégalomane en dépose une véritable batterie sur ses toiles – sans oublier ces fameuses montres molles, que l'on dirait cuisinées au plat, et qui feront la renommée de l'artiste. Surprise : cette jeunesse désabusée se fait sentir dès le début de la rétrospective, par laquelle le spectateur entre par une grotte-œuf blanche et ronde.
S'ensuit un voyage psychédélique à l'accent hispanique carmagnole brassant une bonne partie des obsessions de Dalí. Des plaines désertiques et froides de Cadaqués (Caramba, encore raté !) à Luis Buñuel (Un chien Andalou) en passant par les grands peintres espagnols – Goya, Zurbarán, Le Greco, Velasquez, dont le génie catalan s'est approprié la griffe (Les Ménines) – la rétrospective du centre Pompidou fascine. Elle rappellera d'ailleurs aux cinéphiles que Dalí a collaboré avec un certain Alfred Hitchcock en 1945 pour les besoins du film La Maison du docteur Edwardes, dont il dessina les décors (à la manière d'un Tim Burton).
Désormais, les reproductions des peintures les plus célèbres du peintre aux bacchantes figurent parmi les classiques des boutiques de souvenirs, quelque part entre la photo d'Einstein tirant la langue et celle du Che. Aussi saugrenu soit-il, Dalí continue d'émerveiller et d'influencer les amateurs et les artistes de tout bord dans un fatras mêlant poésie et art moderne. Dans un bric et de broc haut en couleur, le centre Pompidou fait mouche et signe un hommage éclatant.