Les Français dépenseraient-ils trop en médicaments ? Si l’on compare les dépenses de l’Hexagone à celles de ses voisins européens, il semblerait bien que oui. D’après l’étude menée par trois experts, la France pourrait réaliser près de 10 milliards d’économies en dépense de médicaments. Certaines mesures ciblées permettraient d’économiser d’importantes sommes et d’épargner le déficit de la sécurité sociale, estimé à 8 milliards d’euros d’ici la fin de l’année 2013.
Pendant plusieurs mois, une équipe constituée de l’eurodéputée (EELV) Michèle Rivasi, du président de l’Institut Necker, Philippe Even, et d’un pharmacien, Serge Rader, a étudié les prix des différentes factures de médicaments entre plusieurs pays européens. Lorsqu’ils ont comparé la situation de la France et de l’Italie, un pays qui ressemble socio-économiquement au nôtre, ils ont remarqué une différence de montant considérable.
Des médicaments plus coûteux en France
10 milliards d’euros, c’est le montant exorbitant que pourrait économiser la France si elle alignait les prix de ses médicaments à ceux de ses voisins européens. Lorsque l’on compare les deux pays, notre consommation nationale de médicaments est pratiquement deux fois supérieure à celle de nos voisins transalpins, soit 33 milliards d’euros en 2012 contre 17,83 milliards pour l’Italie.
Si l’on se penche sur le cas du Plavix, un antiagrégant plaquettaire, en France ce médicament est vendu 37 euros l’unité contre 18 euros en Italie soit près de 58 millions d’euros qui auraient pu être économisés pour la France (avec près de 2,5 millions de ces boîtes vendues par an). D’autres exemples sont tout aussi saisissants concernant différentes familles de médicaments : anticholestérol, antiépileptiques, antidépressifs… Ces différences touchent tout autant les médicaments que leurs génériques.
D’autre part, le marché du générique français est en retard, comparé à ses voisins européens. Les génériques, moins onéreux que les originaux, n’occupent que 31 % du marché pharmaceutique dans l’Hexagone, contre 50 % en Grande-Bretagne ou encore 80 % en Allemagne.
Les Français grands consommateurs de médicaments
En plus d’être les plus coûteux en France, les médicaments sont également le plus consommés par les Français, champions d’Europe de dépenses en médicaments. Pour preuve, il y a 30 ans, les Français achetaient pour 5 milliards d’euros de médicaments, alors que ce chiffre est aujourd'hui de 37 milliards.
Les trois auteurs dénoncent ainsi les médecins et leur tendance à rallonger les ordonnances (élaborant souvent des listes avec une dizaine de médicaments). Ils déplorent aussi le manque de formation des médecins mais aussi le gaspillage réalisé sur les médicaments. Par exemple, en France, les boîtes vendues comportent généralement entre 28 et 30 doses, que le patient ne prendra pas toujours dans sa totalité. En Grande-Bretagne ce chiffre est plus raisonnable puisqu’un médicament comporte souvent 14 doses.
Les propositions pour économiser 10 milliards d’euros
Les trois auteurs ont donc avancé six propositions afin de diminuer ces dépenses. D’une part, ils prônent la mise en place d’honoraires indépendants du prix du médicament au lieu des actuelles marges commerciales dont bénéficient les pharmaciens.
De l'autre, ils proposent également de diminuer de moitié les prix des génériques, une fois que les honoraires évoqués plus hauts seront mis en place mais aussi quand la concurrence entre les 22 opérateurs de génériques sera instaurée. L’eurodéputée souhaiterait par ailleurs que les médicaments dépourvus de plus-value thérapeutique ne soient remboursés qu’en contrepartie d’une très forte diminution des prix.
Une autre solution concernerait le corps médical, où les experts préconisent que l’information des médecins ne doit plus être sous l’influence des laboratoires, mais au contraire indépendante. Il faudrait ainsi optimiser les prescriptions médicales en coût et en volume.
Toujours dans le but de faire des économies, les prix des médicaments devraient être équivalents d’une officine de pharmacie à une autre. Enfin, ces économies, estimées à 10 milliards d’euros après trois ans, pourront par la suite être utilisées dans le financement de la recherche publique.
Sources : Le Monde ; FranceInfo