Jean-Michel Six, chef économiste pour la France de l'agence de notation Standard & Poor's, s'est inquiété ce matin, dans une interview accordée à Radio Classique, des hypothèses de croissance du PIB formulées par le gouvernement pour l'année 2013 et l'année suivante. Selon ces hypothèses de croissance officielles, la richesse devrait progresser de 0,3 % en 2013 et de 1,2 % l'an prochain mais d'après le FMI, rejoint par l'agence de notation S&P, le PIB devrait au contraire reculer de 0,3 %.
Les hypothèses de croissance sont très importantes pour le gouvernement, en ce qu'elles fondent la politique économique du pays. C'est en se basant sur ces prévisions qu'on peut déterminer quel sera le niveau de déficit public à la fin de l'année, et que les ministres mènent leur mission, en fonction de l'objectif qui est à la fois de relancer la croissance et de limiter l'endettement. Or, si cette projection est erronée, les conséquences en terme à la fois de retombées économiques mais aussi de crédibilité peuvent être immenses. C'est pourquoi l'évaluation de la situation et l'anticipation de la trajectoire des dépenses publiques sont très importantes dans l'exercice de fonctions exécutives, et doivent être le plus sincères possibles.
Or, cette controverse entre le gouvernement d'une part, qui table sur une croissance certes faible, mais positive (0,3 % en 2013 et 1,2 % l'année prochaine), et d'autre part le FMI et les agences de notation qui voient plutôt une récession poindre à l'horizon, est mauvaise pour la confiance des investisseurs (c'est-à-dire de nos créanciers) et laisse planer la menace d'une nouvelle dégradation de la note du pays, un peu plus d'un an après avoir perdu notre AAA. D'autant plus que le PIB de la zone euro devrait se contracter de 0,5 % cette année, selon les dernières prévisions de Standard & Poor's, avant d'atteindre 0,8 % en 2014. Qui, du gouvernement français ou de l'agence américaine de notation, aura parié juste ?
Les moteurs de croissance sont grippés et la marge de manœuvre réduite
Selon Jean-Michel Six, "on a du mal à voir ce qui serait derrière cette forte accélération. Les marges de manœuvre [du gouvernement français] pour relancer la croissance sont très étroites". En effet, en étant liés par leur promesse de ramener le déficit public en-dessous de la barre des 3 % du PIB avant la fin de l'année prochaine, les membres du gouvernement sont obligés de réduire le niveau de dépenses. Du coup, ils n'ont plus les moyens financiers de relancer ou de stimuler la croissance (par des allègements de cotisations sociales, ou des incitations fiscales) et sont coincés dans une économie qui tourne au ralenti.
Le principal moteur de notre économie, qui est la consommation, est grippé par le taux record de chômage et par la stagnation, voire le recul, du pouvoir d'achat des Français. La part du budget moyen consacré aux dépenses obligatoires est devenue critique, ce qui réduit d'autant la marge de manœuvre de nombreux ménages, désormais obligés d'arbitrer entre différentes dépenses non-obligatoires. Tout cela pousse l'économie dans ses retranchements, avec les conséquences que l'on voit : les recettes fiscales se font rares, ce qui pousse le gouvernement à prendre des mesures dites d'austérité, et "étrangle" d'autant plus les contribuables des classes moyennes et populaires, ce qui pèse sur la consommation et ainsi de suite. C'est le cercle vicieux de la récession qui se met en place.
Malgré les annonces rassurantes du gouvernement, et un certain nombre de mesures qui devraient à terme porter leurs fruits et rendre notre économie plus résistante, plus forte et capable d'assurer à un plus grand nombre une source de revenus stables, il faut probablement se préparer à affronter une nouvelle période de récession, avec tout ce qu'implique ce terme. Espérons que Standard & Poor's se trompe dans son pronostic - ça ne serait pas la première fois - et que les prévisions officielles de croissance par Bercy s'avèreront justes, ce qui voudrait dire que nous sortirions enfin de la crise - que nous n'avons pas vraiment quitté depuis 2008.
Sources : La Tribune, Bourse.lesEchos, Boursorama