Dans une circulaire gouvernementale, les fonctionnaires russes se sont vu interdire d'employer certaines expressions, ainsi que d'aborder certains sujets pouvant faire penser qu'ils attendent un pot-de-vin, dans leurs relations avec le public. Ces consignes cherchent à combattre le niveau de corruption dans l'administration du plus grand pays du monde, qui est aussi l'un des plus corrompus selon l'indice publié par l'ONG Transparancy International (133e sur 176 pays classés du moins au plus corrompu) et l'avant dernier pays "occidental", devant l'Ukraine (144e).
La patrie de Lénine et ancien royaume des Tzars est donc classée ex-æquo avec le Kazakhstan, l'Iran ou le Honduras, loin derrière le Monténégro (75e) et la Chine (80e), pourtant régulièrement montrés du doigt pour des scandales impliquant jusqu'aux plus hautes autorités de l'Etat. Ce constat s'ajoute aux nombreuses critiques d'autres ONG, comme Amnesty International, qui dénoncent les atteintes aux droits de l'homme récurrentes dans les affaires politico-financières, comme lors de l'arrestation, puis de la mort suspecte de l'avocat et opposant Sergueï Magnitski, dont le procès posthume doit se tenir prochainement, au grand dam des partenaires de la Russie.
Un mal endémique, difficile à éradiquer
Les consignes de la circulaire visent à proscrire le genre de phrases qui peuvent être interprétées comme des invitations à verser un pot-de-vin, pratique qui est apparemment répandue à tous les niveaux de hiérarchie. Des phrases telles que "Que fait-on maintenant ?", "On peut s'entendre" ou "Votre question est difficile à résoudre, mais pas impossible, il faut des arguments plus convaincants" sont désormais formellement interdites. De même pour les remarques sur le faible niveau de rémunération des emplois de la fonction publique, qui peuvent être interprétées comme une demande de dessous-de-table.
La semaine dernière, un haut fonctionnaire - le recteur de l’Université d’État russe de l’Administration, Viktor Kozbanenko - a été pris en flagrant délit de corruption passive en acceptant 7 millions de roubles (175 000 €) d'une entreprise recrutée pour l'entretien du campus universitaire. L'ancien président (par "intérim") et désormais premier ministre Dmitri Medvedev a reconnu avoir "largement échoué" à endiguer ce mal endémique. Mais comme le dit un proverbe chinois, en matière de corruption "le poisson pourrit par la tête", c'est-à-dire que si les plus hautes sphères du pouvoir ne se montrent pas exemplaires, la lutte contre ce fléau n'a aucune chance d'aboutir. Et ces pays pourtant riches en ressources naturelles sont voués à voir une grande partie de ses recettes détournées par ceux-là même qui sont chargés de les protéger et de les gérer dans l'intérêt du peuple.
La France n'échappe pas à toute critique, même si sa situation est en amélioration progressive depuis plusieurs années (elle gagne une ou deux places dans le classement par an), elle reste classée derrière le Honduras et le Chili, et, plus grave, à égalité avec les Bahamas, qui sont de notoriété publique un paradis fiscal, favorisant donc la corruption à l'échelle internationale. Pourtant, la situation est très différente de celle de la Russie, car le délit de corruption sur un agent de la force publique (par exemple un policier) constitue une infraction formelle, punissable en tant que telle même si elle n'a pas abouti. Elle est punie de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.
Sources : Courrier International, Libération