Rappelez-vous il y a quelques années, lorsque vous êtes tombé de votre tricycle et êtes allé voir un proche en pleurant : ce dernier vous avait dit "ce n'est rien, tu n'as pas mal" et vous avait fait un "bisou magique". Soigner une blessure par un bisou, et une douleur par un "tu n'as pas mal" semble absurde, et pourtant cela fonctionne. C'est l'effet placebo, la force du mental. L'effet placebo, (du latin "je plairai"), expression à la mode utilisée à toutes les sauces, désigne les effets positifs d'un "faux" médicament – le placebo -et non la croyance naïve d'un patient.
Le placebo est un médicament sans principe actif, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas agir sur le mal dont vous souffrez (une vitamine C pour soigner le cancer par exemple) ou un faux médicament (une gélule de sucre). Pour parler d'effet placebo, il faut l'intervention d'un élément extérieur, sur lequel toute la croyance repose : les effets positifs dus à la croyance d'un traitement. Le placebo est utilisé notamment pour évaluer l'agissement d'un médicament : parmi ceux qui prennent le médicament et ceux soignés au placebo, combien guérissent ?
De multiples critères peuvent provoquer cet effet, entre autres la relation patient-médecin (si le patient se sent pris en charge il guérira plus vite), ainsi que l'aspect du médicament (la couleur et la forme du médicament influent sur l'humeur du patient). Le médecin détient une force particulière du fait de sa condition de savant, comme l'a prouvé Milgram. Une étude lyonnaise laisse penser que le placebo fonctionne 2 fois mieux chez les enfants : le professeur Philippe Ryvlin a étudié des patients épileptiques auxquels il a administré, à leur insu, des placebos. Les effets ont été très bénéfiques, provoquant une "diminution d'au moins 50 % de la fréquence des crises" pour 10 % des adultes contre 20 % des enfants. Peut être est-ce du à leur innocence qui développe davantage leur confiance envers la médecine.
Auriez-vous des placebos dans votre trousse à pharmacie ?
A priori, votre médecin traitant vous prescrit des médicaments dans le but de soigner votre mal. Pourtant, beaucoup d'entre vous ont déjà été soignés à coup de gélules de sucre. Seul votre médecin sait si le médicament qu'il vous a prescrit est un vrai ou un placebo. Le docteur parisien Jean-François Bergmann explique que certains patients ont davantage besoin d'un traitement en soi que du médicament en lui-même. Aussi, pour ceux-là, il leur prescrit des placebos et leur dit que tout ira mieux. Et, incroyable, les patients guérissent. Il a été montré à maintes reprises que le rire et le moral aidaient considérablement le cancer à ne plus s'étendre, voire à se résorber. C'est la force mentale.
Ainsi, sans évoquer le terme précis de "placebo", chacun sait que le système nerveux a sur le corps un impact inimaginable. L'important est que le patient croie qu'il va guérir. Le professeur Bergmann comme bien d'autres médecins prescrivent des placebos. En effet, selon une étude publiée en mars 2013, plus de 90 % des médecins généralistes britanniques avouent prescrire des placebos, à l'insu de leurs patients. Pas encore de chiffres récents disponibles concernant la France. Et peut-être est-ce aussi bien. Les effets sont cependant très puissants et, mal maitrisés, peuvent être nocifs.
Mettez toutes les chances de votre coté
Pour guérir vite et bien, ne polluez pas votre esprit avec les risques potentiels de contracter tel ou tel effet secondaire, de savoir si oui ou non votre médicament est vrai ou efficace. Laissez les pensées noires à votre médecin, qui saura mieux les gérer, et mettez de votre coté toutes les chances de guérison. Car la crainte peut avoir de graves effets. Le "placebo" est l'effet positif. Et le médicament "sans principe actif" peut avoir des effets négatifs appelés "nocebo" (du latin : je nuirai). C'est le coté obscur de la force mentale. Le simple fait de craindre des effets négatifs peut les provoquer, comme le montre une étude psychiatrique. Pour avancer cela, Bergmann a mené plusieurs études sur le sujet : 23 % des patients prenant le placebo ont contracté les effets secondaires indiqués sur la notice. Par leur seule force mentale, inconsciemment.
Pour les médecins, le cauchemar va plus loin. Qu'il s'agisse ou non d'un placebo, le médecin ne sait jamais quels seront les effets sur le patient et si celui-ci va guérir. Il doit alors miser sur le moral et les conditions psychologiques du patient. Si le médecin montre quelque signe de peur ou de désespoir, s'il doute, c'est perdu d'avance, il brise son aura de "maître". Même pour les cas semblant être définitivement perdus, le médecin dira qu'une bataille n'est jamais perdue d'avance, afin de vous mettre en condition de lutte. Cependant, beaucoup se retrouvent dans un dilemme : il faudrait réduire au maximum les informations sur les effets secondaires pour éviter l'effet nocebo, mais le patient doit être prévenu. La meilleure issue est alors : "ce traitement a aidé beaucoup de patients", signifiant à la fois que tout devrait bien aller, mais que ce n'est pas certain, et que les effets secondaires n'importent pas dans la guérison.
Une grosse partie de la guérison repose sur le patient qui doit se faire violence afin de garder un moral d'acier. Maitriser ainsi la force mentale afin de ne pas sombrer dans le coté obscur, qui bien souvent semble être l'issue unique. Quitte à ce que le médicament agisse, autant que ce soit dans le bon sens. Car il serait dommage d'attraper une fausse maladie, se faire soigner par un faux médicament, et de ne contracter que les effets négatifs qui eux pour le coup seront bien réels.
Sources : JAMA Psychiatry ; Plos One