Alors que le monde entier se souvient de la catastrophe de Fukushima, il y a deux ans, le Japon a décidé de développer une source d'énergie alternative au nucléaire : les "glaces qui brûlent", ou hydrates de méthane, sont des réserves sous marines de gaz naturels qui pourraient à terme être une solution viable pour remplacer l'atome. Le gouvernement a annoncé en avoir extrait pour la première fois hier.
Lancés depuis 2001 dans un gigantesque programme de recensement des réserves d'hydrates de méthanes présents dans leurs eaux territoriales, le gouvernement Japonais commence maintenant l'exploitation expérimentale de ces ressources. Extrêmement instable, la molécule qui constitue les hydrates de méthane est difficile à extraire, et potentiellement dangereuse. En effet, cette molécule est constituée d'une "cage" d'eau à l'intérieur de laquelle est enfermé, à très haute concentration, le méthane. Ce gaz naturel est considéré comme une alternative possible au pétrole (dont le Japon ne possède aucune réserve), autant pour le chauffage de ville que pour les transports et la production d'électricité.
Alors que le pays a éteint ses centrales nucléaires pendant plus d'un an, suite à la catastrophe de mars 2011 à Fukushima, le gouvernement conservateur de Shinzo Abe, à peine élu, a décidé de les remettre en marche pour assurer la production d'énergie qui était tombée à un niveau insuffisant. Dans ce contexte, la mise en route du programme d'expérimentation d'extraction d'hydrates de méthane est une bonne nouvelle pour les japonais : un grand nombre d'entre eux demeurent hostiles à l'énergie atomique et un renouvellement du modèle énergétique semble s'imposer au pays du soleil levant.
Un programme de 10 milliards de yen sur 10 ans
En investissant dans la "glace qui brûle" le gouvernement japonais cherche d'abord à remplacer avantageusement le nucléaire, mais aussi à réduire leur dépendance aux pays producteurs de pétrole et à prendre la main sur cette nouvelle énergie qui pourrait représenter l'avenir. Chaque cm3 de cette neige renferme 164 cm3 de gaz, à pression atmosphérique normale. Mais, si les réserves au niveau mondial semblent inépuisables, une bonne partie s'échappe déjà du fond des océans et des plaines gelées de Sibérie, et on estime que 7 millions de tonnes de méthane par an sont ainsi rejetées dans l'atmosphère, contribuant donc au réchauffement climatique.
En effet, le méthane est un gaz à effet de serre, qui contribue à l'augmentation continue de la température à la surface du globe, mais aussi à celle des océans. Or, comme c'est le réchauffement qui provoque la libération de ces réserves de méthane "cachées", les scientifiques craignent un effet boule de neige : le réchauffement climatique provoquerait une accélération de la libération de méthane, qui en retour accentuerait l'effet de serre et accélérerait le réchauffement. On est face à ce que certains spécialistes appellent une bombe à retardement climatique.
Selon la spécialiste russe du climat Natalia Shakhova, "Le relargage dans l’atmosphère de seulement un pourcent du méthane supposé stocké dans les dépôts d’hydrate de faible profondeur pourrait multiplier l’effet actuel du méthane atmosphérique par trois ou quatre. Les conséquences climatiques d’un tel événement sont difficiles à prévoir." Seule une poursuite des recherches et une application stricte du principe de précaution peuvent nous permettre de déterminer si ce modèle énergétique est viable, et sans danger à plus long terme. Si l'hypothèse d'un dégazage massif consécutif à une hausse de la température est confirmée, il faudra trouver absolument d'autres alternatives au pétrole et à l'énergie nucléaire. Sous peine de voir la fonte des glaces s'accélérer et le phénomène s'emballer.
Sources : Futura-sciences, Le Monde