Censures aberrantes, contraires à la liberté d'expression et virant au ridicule, telle est l'image que donne aujourd'hui Facebook à ses adhérents. Si le réseau social a été mis en place pour faciliter les échanges, il est désormais vécu comme une nouvelle police de la pensée, inculte de surcroit. En effet, on se rappellera que, fin mars dernier, le musée du Jeu de Paume a vu son événement fermer car il ne respectait pas les termes du contrat de publications : une étude datant de 1940, réalisée par Laure Albin Guillot sur une photo d'une femme, présentait cette dernière la poitrine dénudée.
La distinction du Bien et du Mal est un casse-tête depuis plus de 2 000 ans. On ne peut donc demander à un réseau social de mener à bien cette mission. Et c'est ce qui lui est reproché : Facebook, par sa politique de "non nu" a décidé de supprimer toute photo présentant une chair non couverte, quel que soit le contexte, le support, l'époque.
De nombreuses plaintes ont été enregistrées au fil des ans, notamment par des jeunes mamans donnant le sein à leur jeune progéniture, et dont la photo passait à la trappe. Une femme qui, suite à sa rémission du cancer du sein, avait décidé de se faire tatouer le haut du buste pour masquer ses cicatrices, avait eu l'idée de faire partager sa joie et son tatouage à sa famille et ses amis. Sa poitrine photographiée (photo ici), entièrement recouverte de dessins, a été jugée chocante par le réseau, et s'est faite supprimée. Chose amusante, une photo d'une jeune femme portant le minimum vital, mais dont l'attitude pourrait être plus équivoque, resterait sur le site. Après tout, elle est habillée, et c'est ce qui compte. Alors, comment savoir ce que l'on peut publier, et comment apprendre au réseau à différencier pornographie ou érotisme de vie quotidienne ou art ?
Une journée consacrée au nu
Le photographe français Alain Bachelier a trouvé une solution : faire une journée consacrée au nu sur Facebook. Pour que l'événement ait de l'impact, il invitait à se joindre à lui, ce lundi 20 mai 2013, le maximum d'inscrits au réseau social. Pour participer, rien de plus simple : publier des photos de certaines parties du corps découvertes, généralement cachées en société. Si, pour la plupart des adhérents, les photos mises en ligne étaient tirées d'œuvre d'art, notamment picturales et assez anciennes histoire de renforcer le contraste entre la censure et son objet, d'autres ont préféré la jouer moderne et libérée, en postant leur propre anatomie. En effet, le nu en soit est un style courant dans l'Art, qu'il s'agisse de la peinture comme de la photo, et ce depuis la nuit des temps.
Mettre dans la même catégorie certains tableaux de la Renaissance avec certaines œuvres actuelles plus crues, reviendraient à vouloir supprimer les différents tableaux de guerres moyenâgeuses sous le prétexte de l'incitation à la haine et du port d'arme. En France, où la liberté d'expression est l'un des fondements de la société, ce type de pratique n'est que difficilement acceptée. Tant et si bien qu'il n'aura fallut qu'une matinée pour regrouper près de 9 000 internautes selon le Huffington Post, pour défendre leurs photos et détendre la censure.
Des sanctions qui ne se font pas attendre
Inévitablement, l'événement s'est vu écourté par le système de répression de Facebook : peu après 13h, les modérateurs ont fermé l'événement, sans prévenir au préalable son administrateur, Alain Bachelier, illustrant une nouvelle fois leur toute puissance. Toute puissance qui agit outre frontière puisque l'artiste-peintre Daniel Sprick, qui exposait ses œuvres sur Facebook, a reçu une lettre du réseau social lui notifiant leur suppression : ses peintures montraient des femmes dénudées. Il en va de même pour le musée du Jeu de Paume, auprès duquel Facebook ne s'est pas montré très tendre.
Après la fermeture de son événement, le musée explique la situation à ses abonnés sur sa page Facebook: "nous avions déjà commis d'autres infractions en publiant des nus de Willy Ronis et Manuel Alvarez Bravo. Au prochain avertissement de Facebook, notre compte risque d'être définitivement désactivé". La direction du musée, abasourdie par de telles mesures, se voit néanmoins impuissante face à la censure : "nous ne publierons plus de nus, même si nous pensons que leur valeur artistique est grande et que ces photographies, en rien pornographiques, respectent "le droit de publier des contenus de nature personnelle"".
Le photographe Bachelier, révolté par l'interruption forcée de son événement, prévient qu'une nouvelle journée sera organisée, et ce, jusqu'à ce que la politique change, car il ne s'agit pas de protection, mais de jugement, selon ce dernier.
Source : Facebook ; The Huffington Post