Une chose est étrange avec les médicaments : quel que soit l'endroit douloureux, l'estomac, les reins, l'intestin ou autre partie de l'organisme, cela revient au même, le médicament s'avale. Ainsi, il se dissout et circule par le sang partout dans le corps. L'une de ses limites réside donc dans son mode d'administration. Plus exactement, dans la difficulté à amener ce médicament en question exactement au bon endroit avant qu'il ne se fasse absorber par un autre organe. Cette limite est dépassée, les médicaments qui se commandent à distance font désormais partie de notre réalité.
Des scientifiques et chimistes de l'université de Sherbrooke (Québec) ont réalisé l'impossible : grâce à une petite lumière, ils pourront décider de l'endroit où le médicament éclatera pour irriguer la zone sensible et être d'autant plus efficace qu'il aura été protégé durant tout le voyage à travers l'organisme.
Des cages protectrices déverrouillées à distance
Avec son équipe, Yue Zhao a mis au point des petites boites réactives à la lumière, appelées aussi "porteurs photosensibles". C'est dans ces porteurs que le médicament transitera à travers l'organisme jusqu'à l'endroit visé. Ultra-résistants, ils protègeront le médicament pour qu'il ne soit pas absorbé par un autre organe et, au moment choisi, ils seront déverrouillés à l'aide de rayons lumineux, libérant en masse le médicament qu'ils contiennent.
A peine 1 000 fois plus petit que l'épaisseur d'un cheveu, ces porteurs ne changeront strictement rien dans l'utilisation des médicaments pour le malade. En revanche, les doses administrées seront moindres puisque plus précises et mieux localisées, et par conséquent, plus efficaces. Les surdoses pour garantir un effet pourraient bien disparaitre. Ainsi, de nouveaux médicaments vont certainement arriver peu à peu sur le marché, notamment les médicaments jugés trop fragiles et dont l'impact sur l'organisme était alors insignifiant.
L'obstacle de la lumière
Pour que ces petits porteurs puissent s'ouvrir, il faut un rayonnement lumineux. Celui qui était utilisé était l'ultra-violet car les cages lui sont réceptives. Malheureusement, en plus de ne pas traverser assez la peau, le rayonnement ultraviolet risque d'être nocif pour les tissus du malade s'il est utilisé trop longtemps et de manière localisée. Aussi, l'équipe de scientifiques est à la recherche des rayons qui pénètreraient sous la peau de quelques micromètres supplémentaires. Yue Zhao ne désespère de rien et vient de trouver une solution.
Alors que certains lui proposaient de créer de nouvelles cages qui seraient réceptives à d'autres rayons, il a eu une autre idée : dans la cage, avec le médicament, une molécule sera placée. Cette dernière détient une particularité : sous la lumière rouge, elle émet de la lumière ultra-violette. Aussi, lorsque le médicament sera au bon endroit, la lumière rouge activera la molécule qui produira, elle, une lumière violette, qui déclenchera l'ouverture des petits porteurs.
Sur la photo ci dessous, vous pouvez apercevoir le rayon lumineux rouge activant la molécule qui lui est réceptive, symbolysée ici en vert. Cette dernière émet alors un rayon ultra-violet qui libère le médicament (en jaune) de la cage.
Et demain, quel impact ?
Mais ce n'est pas tout. Le chimiste veut, par la suite, profiter des rayonnements émis lors de l'ouverture des porteurs pour observer ce qui se déroule dans l'organisme. Cette technique, l'imagerie optique, complètera les images obtenues par imagerie à résonnance magnétique. Ainsi, nous pourrions avoir une idée complète de ce qu'il se passe lorsque le médicament atteint sa cible, et comment il agit. Lorsque la technologie sera parfaitement mise au point, les scientifiques se pencheront peut être sur une télécommande.
Sources : Université de Sherbrooke ; Chemical & Engeneering News ;