Se servir de la chaleur que dégagent les ordinateurs, telle est l'ambition de la start-up Qarnot Computing dirigée par Paul Benoit. En effet, lorsque l'on y pense, tous nos appareils électriques produisent de l'énergie que l'on pourrait réutiliser. Pourtant, on ouvre les fenêtres quand il fait trop chaud, et on allume le chauffage quand il fait trop froid. La situation est paradoxale : les ordinateurs produisent tant de chaleur que nous sommes même venus à les refroidir à l'aide d'autres machines, qui produisent davantage, et dont l'énergie est perdue…
Les ordinateurs mis en veille, tout comme chacun des appareils branchés sans cesse, dégagent une chaleur constante. Selon le baromètre AFP-Powermetrix publié récemment, les appareils que nous laissons en veille au quotidien - TV, ordinateur, prises branchées… - nous coûtent 86 € par an en moyenne. Cela représente plusieurs milliards d'euros à l'échelle mondiale, et assez d'énergie pour alimenter des villes, qui pourtant partent en fumée.
Un chauffage écologique et pratique
Il suffit de poser sur vos genoux un ordinateur portable pour vous rendre compte de l'énergie et de la chaleur qu'il dégage. Imaginez plusieurs centaines d'ordinateurs dans une même pièce : c'est un data center. Ces "centres de données" stockent toutes les informations dont l'internaute a besoin pour naviguer sur le web : photos, vidéos, textes etc. Pour que ces machines ne surchauffent pas, on les refroidit. La consommation est double pour une chaleur non réutilisée.
Aussi, dans le département de Seine et Marne, la chaleur dégagée par le système de refroidissement d'un réseau informatique a été utilisée pour alimenter en chaleur quelques 600 000 m².
Qarnot Computing souhaite reprendre cette idée en l’intégrant à l'échelle individuelle. Si transporter de la chaleur est très difficile, en revanche, transporter des données l'est moins. Aussi, l'idée serait d'installer à l'intérieur des radiateurs des micro-processeurs informatiques qui relaieront les données. Le particulier aura chez lui un radiateur apparemment classique, à travers lequel des données informatiques transiteront. De cette façon il sera alimenté en énergie, et donc en chaleur.
Et à l'échelle du particulier ?
Le fondateur de la start-up, Paul Benoit, explique que la diffusion du premier volet de la saga animée Shrek a nécessité 5 millions d'heures de calcul : cela aurait pu chauffer 200 personnes pendant un an. Concernant Shrek 4, la proportion est multipliée par 10 : 50 millions d'heures de calcul qui auraient pu servir 2 000 personnes. Les sources d'énergie sont donc suffisantes pour que de nombreux appartements puissent en bénéficier.
Aussi, un essai "grandeur nature" a été lancé par la mairie de Paris. Des résidences HLM vont être équipées de ces nouveaux radiateurs, et le chauffage sera alors gratuit. Pour l'utilisateur, rien ne change : s'il souhaite cesser l'approvisionnement de chaleur, il n'aura qu'à tourner le bouton, comme avec n'importe quel radiateur classique. Si les résultats sont concluants, le maire pourrait envisager d'en équiper d'autres appartements mais aussi les écoles ou certains bâtiments publics.
Source : Le Parisien ; 20 minutes