Pharrell Williams et Robin Thicke ont été reconnus, mardi 10 mars, coupables d’avoir copié "Got to give it up" de Marvin Gaye, avec leur tube "Blurred Lines". Les deux chanteurs doivent en conséquence verser la somme de 7,4 millions de dollars aux héritiers du mythe de la soul. Mais pour l’industrie musicale, cette condamnation souffle un vent de panique. Et pour cause : les procès pour copies se faisaient jusqu’à présent rares dans le monde de la pop…
À en croire Michael Harrington, compositeur et expert musical du SAE Institute, la condamnation de Pharrell Williams et Robin Thicke pour plagiat pourrait signer le début d’une importante vague de poursuites dans l’industrie musicale. Outre les 7,3 millions de dollars que les deux stars devront verser aux ayants droit de Marvin Gaye – Blurred Lines aurait toutefois généré 10 millions –, c’est la nature du jugement qui inquiète. Cette fois, ce n’est non pas la règle scientifique de la copie qui a été invoquée, mais l’intention claire des vedettes de calquer l’esprit du "Got to give it up" du pape de la soul. Autrement dit, le fait de chanter à la manière d’un autre ou de proposer une mélodie sous influence serait dorénavant risqué. De fait, un sacré chambardement pourrait s’abattre sur la planète pop.
Une nouvelle sans précédent pour l’industrie musicale
Un coup d’œil dans le rétroviseur de la pop permet de noter que les plagiats avérés n’y ont jamais été légion. Et en dépit de quelques exemples ici ou là, cet espace musical revendique une endogamie assumée. Si quelques bisbilles résonnent de temps à autre, les artistes suspectés bottent en touche en évoquant un plagiat inconscient. Bref, la musique comme tous les médiums culturels est de ces univers où chacun emprunte à l’autre. Et personne ou presque n’y voyait jusqu’à aujourd’hui à redire. Mais ça, c’était avant.
À l’avenir, une simple influence pourrait-elle donner lieu à un procès ? Peut-être. D’autant plus qu’à en croire le calcul mathématique d’un certain Frank Behrens, la probabilité de dupliquer avec exactitude une séquence mélodique en partant des douze notes de la gamme chromatique serait nulle ou presque : 0,0000002 %. Résultat, toute similitude ne serait en aucun cas fortuite.
La pop, un univers vraiment impitoyable ?
En 1963, Chuck Berry obtînt certes gain de cause pour son Sweet Little Sixteen dupliqué par les Beach Boys avec Surfin’USA, de même que les Chiffons pour leur He’s so fine mimé par My Sweet Lord de Georges Harrison. Aussi, Manu Dibango décrocha en 2009 un règlement à l’amiable de la part de Michael Jackson, qui niait le plagiat prémédité de Soul makossa sur Wanna be startin’ somethin’. Mais il faut chercher pour multiplier les exemples. Le nerf de la guerre se trouvant avant tout dans le porte-monnaie, il n’est évidemment pas toujours évident aux faibles de s’en prendre aux géants. Reste maintenant à savoir si le jugement de Pharrell Williams et de son acolyte Robin Thicke changera la donne.