Ça y est c'est la fin, vous êtes déjà debout, les mains en l'air à taper dedans comme un sourd. Cinéma, théâtre, opéra ou discours quelconque, vous applaudissez au signal : le rideau qui se referme sur la scène, le maestro qui s'est courbé en avant, le générique de fin qui défile sur l'écran. Les premiers "clap clap" sont timides, hésitants, et l'on ne sait jamais vraiment d'où ils démarrent, puis ils deviennent plus nombreux, énergiques, et se fondent alors dans un brouhaha. Pourquoi ? Parce que ce serait un virus qui s'attaque au cerveau.
Des scientifiques suédois et allemands ont étudié le principe de l'applaudissement. Pour ce faire, ils ont regroupé des étudiants, qu'ils ont observés. Leurs résultats, publiés dans le Journal of the Royal Society, indiquent que l'on applaudit pour applaudir et non pour manifester sa joie.
Deux mains qui tapent et 600 personnes qui se lèvent
Les étudiants, qui étaient un peu plus d'une centaine, étaient divisés en 6 groupes distincts. Chaque groupe a été mis en condition d'applaudissement. Après 12 séances ainsi, comparées entre elles, les médecins et biologistes se sont aperçus de 3 choses : tout d'abord, d'une séance à l'autre, les étudiants reproduisaient le même schéma dans le démarrage de leurs applaudissements. L'évolution du nombre de personnes qui s'ajoutent par seconde était la même, ainsi que la durée des clappements puis le temps de retour au silence. Certes, il s'agissait des mêmes personnes d'une séance à l'autre.
Cependant, dans la salle d'à coté, un autre groupe était soumis au même exercice. En tout, 6 groupes applaudissaient. Or, chacun d'eux a pourtant reproduit le même schéma. La propagation de l'envie d'applaudir, ce déclencheur qui vous fait sortir les mains des poches, n'est finalement ni personnelle ni individuelle, selon cette expérience. Nous aurions, au contraire, tous les mêmes déclencheurs. Ce qui signifie donc que l'applaudissement est quelque chose de commun, qui n'existe réellement qu'en groupe. Ce qui nous mène à la troisième découverte.
Applaudir serait maladif ?
La courbe illustrant les différents moments de l'évolution des applaudissements (temps de départ, évolution, temps d'arrêt) est la même que la courbe de propagation d'un virus au sein d'une population. On peut aujourd'hui dire que l'envie d'applaudir se répand dans une salle comme un virus. C'est pourquoi jamais il n'y aura qu'une personne qui applaudira, seule. C'est pourquoi aussi, si personne n'applaudit, vous n'applaudirez pas. Enfin, c'est pourquoi lorsque vous commencez à taper dans vos mains vous n'êtes pas frénétiques, mais une fois que toute la salle est débout en criant des "bravo", vous vous prenez au jeu et frappez sans retenue.
Nous sommes en effet tous connectés lorsque nous sommes dans une foule, et encore plus lorsqu'il fait sombre. C'est ce qui explique notamment le caractère hypnotique du cinéma. Quoi qu'il en soit, lorsque nous nous retrouvons dans une pièce close avec une foule, celle-ci trouve son rythme et devient une entité. Allez dans une cour d'immeuble qui résonne et marchez en rond, avec une quinzaine de personnes mises les unes dernières les autres. Vous verrez que vous vous calerez les uns sur le rythme des autres. Le mimétisme agit comme un virus, et l'effet de foule peut être immédiat.
Le mimétisme, base de notre société
C'est pourquoi, de nombreuses entreprises de marketing s'y intéressent et jouent avec pour attraper dans ses filets les futurs consommateurs. C'est le principe de la publicité et de la mode : vous voulez ressembler ou être assimilé au mannequin qui représente le produit que vous venez d'acheter. Si l'on prend les réseaux sociaux : allez-vous "liker" une page qui n'est likée par personne ?
Être le premier est toujours difficile, et se fondre dans une masse moins risqué. C'est ce que l'on appelle le "marketing viral", l'étude des comportements viraux dans une dimension marketing. Des études vont de plus en plus se développer, afin de mieux comprendre ce phénomène, d'un point de vue scientifique.
Sources : Journal of the Royal Society ; POPCSI