À chaque ramadan, sur les marchés du Maghreb et d'Afrique, la grande distribution n'hésite pas à augmenter considérablement le prix des denrées alimentaires. Mais comment expliquer ce phénomène alors que le neuvième mois musulman est une période de jeûne ?
Si le ramadan est surtout connu pour être le mois du jeûne, il s'agit dans le même temps de l'une des périodes de l'année au cours desquelles la consommation augmente le plus. Tant et si bien que les produits phares de type dattes, semoule, tomates, sucre ou encore oignons voient leurs prix s'envoler. Ainsi, dans la plupart des marchés d'Alger, comme le souligne le quotidien algérien Liberté, le poulet passe de 220 dinars algériens (2,20 euros) – prix moyen observé en dehors de la période du ramadan – à 370 dinars (3,70 euros) le kilo.
Un phénomène identique pour les fruits et légumes, dont le prix est jugé complètement inabordable par le quotidien Le Temps d'Algérie. Il faut en effet actuellement compter 120 dinars (1,20 euro) pour un kilo de tomates et 140 dinars (1,40 euro) pour un kilo d'oignons. De même, à N'Djamena, la capitale du Tchad, certains prix, comme celui des oignons ou de l'huile alimentaire importée, ont doublé.
Des grossistes et des commerçants profitent de l'aubaine
Si certains n'hésitent pas à expliquer cette flambée des prix traditionnels pendant le ramadan en rappelant la loi de l'offre et de la demande, reste que cela ne suffit pas à expliquer la hausse. Par exemple, les marchés de la ville de Casablanca, au Maroc, sont largement assez approvisionnés, d'après le quotidien marocain Le matin. Résultat : les petits commerçants pointent les grossistes et leurs tarifs agressifs alors que ces derniers se retournent pour leur part contre la spéculation sur les marchés des denrées alimentaires. Mais cette dernière ne peut être tenue pour responsable de ce mouvement haussier si l'on en croit les dernières statistiques de la FAQ (Food and Agriculture Organization of the United Nations), qui montrent que le prix des denrées était à la baisse depuis le mois d'avril.
De là à dire que ce phénomène d'augmentation des prix n'est autre qu'un effet d'aubaine abusif, il n'y a qu'un pas. À noter d'ailleurs que les céréales et les huiles végétales sont bien souvent achetées un moment avant le ramadan, en prévision de cette augmentation. Un schéma par ailleurs repris à la lettre par de nombreuses ONG, qui préfèrent s'y prendre longtemps à l'avance pour préparer les livraisons alimentaires dans les pays musulmans durant le ramadan. Pour ce faire, ces dernières négocient avec les fournisseurs 5 à 6 mois avant le mois du jeûne.
Vers la mise en place d'un contrôle des prix
D'après le Conseil de coopération du Golfe, la situation est limpide dans le cas des pays important la plupart de leurs denrées alimentaires. Car il est dans cette situation impossible de se dédouaner en prétextant une envolée imaginaire des cours mondiaux, invisible aux yeux des consommateurs des autres pays. Ainsi, il suffit de quelques négociants pour contrôler l'approvisionnement et créer artificiellement une rareté pour quelques produits. Dans ce cas, il est facile d'augmenter les prix dès qu'une opportunité intéressante se présente.
À tel point que certains gouvernements ont décidé de mettre en place des dispositifs contre l'inflation. Une façon d'éviter l'exclusion des plus pauvres des festivités du ramadan et d'amener certains foyers à s'endetter. En Algérie, pas moins de 6 000 agents de contrôle seront prochainement déployés pour réguler ces augmentations. Au Tchad, le ministre du Commerce et de l'Industrie prévoit quant à lui la mise en place d'un arrêté permettant de fixer sur une période donnée le prix des denrées alimentaires. À N'Djamena, un numéro vert est par ailleurs disponible pour faire appel à une brigade de contrôle des prix. Reste toutefois que les prix sont rarement affichés sur les marchés, rendant les contrôles bien souvent complexes…
Sources : Liberté, Le Temps d'Algérie, Le matin, Conakryinfos