Qui n'a jamais eu cette réaction en s'entendant parler - ou chanter - sur un enregistrement : "Quelle horreur ! C'est à ça que ressemble ma voix" ? Selon le Dr William Cullinan, directeur de l'Integrative Neuroscience Research Center de l'université Marquette aux Etats-Unis, cette réaction est tout à fait normale. Explications.
Vous enregistrez un message pour votre messagerie vocale - répondeur - et au moment de l'écouter vous vous dites : "Ce n'est pas vrai, je n'ai pas une voix aussi aigüe ?!?". Réaction normale, bien que disproportionnée, qui rappelle les angoisses de l'adolescent en pleine puberté, dont le timbre hésite entre l'enfance et l'âge adulte. La journaliste Jordan Gaines, contributrice au blog The Body Odd (les bizarreries du corps, en anglais) de la NBC, nous explique les résultats de cette étude très sérieuse menée par le département de recherches neurologiques de l'université Marquette.
Les deux formes de propagation du son, interne et externe, passant par différents matériaux, ont des fréquences de vibration différentes, et font que notre perception de la voix sortant de notre bouche est automatiquement plus grave que la perception d'une voix étrangère, ainsi que de notre voix quand elle est enregistrée et diffusée par voie aérienne. Quand on s'entend parler, ce sont nos os qui transmettent les vibrations jusqu'à l'oreille, alors que quand on écoute un enregistrement de sa voix le son est transmis par vibration des molécules d'air. La fréquence de l'un est très différente de celle de l'autre, ce qui explique qu'on ne se reconnaisse pas forcément et qu'on puisse être troublé, surpris voire horrifié.
Les sons se déplacent différemment selon les différents matériaux
Vous avez probablement déjà constaté qu'un train qui arrive en gare se signale d'abord par le son de la vibration des rails. Parce qu'ils sont faits d'une matière plus dense (le métal) que l'air qui nous entoure, les vibrations se propagent plus vite et sont plus graves que celles qui voyagent dans l'air. Or, la voix aussi est une vibration, et quand elle est émise par notre corps, elle voyage plus vite à l'intérieur (dans les os) qu'à l'extérieur. Et la boite crânienne qui joue le rôle de caisse de résonnance nous fait entendre la vibration qui s'est propagée par les os plutôt que celle qui a voyagé dans l'air. Les organes qui servent à l'audition (tympans, osselets et cochlée) réagissent donc à cette vibration des os et nous font entendre une voix plus sourde et plus grave que celle qui a voyagé dans l'air.
Les vibrations des cordes vocales qui constituent le son de notre voix sont perçues différemment en fonction de ce milieu de propagation. Mais quelle est la voie par laquelle notre voix nous parvient le plus souvent, depuis qu'on est petit ? Bien sûr, c'est la voie interne, quand la vibration se propage par les os et atteint notre oreille avant le son diffusé dans l'air, par la voie "normale". Donc plutôt que la voix "normale" qui est celle qu'entendent les autres, et qu'on peut découvrir en s'enregistrant, c'est à la voix "interne" qu'on s'identifie. Et la surprise que constitue le fait de s'entendre par voie aérienne est la cause de ce malaise qu'on peut ressentir en s'enregistrant sur un répondeur.
Jordan Gaines compare le fait d'entendre cette voix étrange à l'impression dont témoignent les personnes qui n'aiment pas se voir en photo : de la même façon, nous somme habitués à l'image de nous que renvoie un miroir. Mais sur une photo, le point de vue est rarement celui qu'on a lorsqu'on se regarde dans la glace. Nos asymétries et nos défauts apparaissent d'une façon troublante, par rapport à l'image à laquelle nous sommes habitués. Tout est question de perspective.
Source : Slate.fr et Gaines on Brains