Vous l'ignorez peut-être mais il existe des entreprises qui proposent à leurs salariés de prendre les congés qu'ils souhaitent, parfois même de façon illimitée. Parmi elles, quelques-unes proposent par exemple de verser 1 000 dollars au premier employé qui prend sa semaine là où d'autres s'adonnent au tirage au sort pour désigner celui qui doit partir. Mais est-ce pour autant une bonne façon de chasser le stress des salariés ?
Une entreprise qui offre une flexibilité sans limite à ses employés, ça n'existe pas ? Il faut croire que si puisque Red Frog, une société spécialisée dans l'évènementiel et basée à Chicago, permet à ses employés d'arriver le matin quand ils veulent et de partir quand ça leur chante. Cerise sur le gâteau : ces derniers peuvent aussi prendre autant de congés que désiré. Contrairement aux idées reçues, ces entreprises à contre courant sont plus nombreuses qu'on ne le pense.
Chez les anglo-saxons, quelques sociétés de petite ou moyenne taille ont ainsi décidé de ne pas limiter les congés de leurs salariés. C'est notamment le cas de Netfix (Vidéo à la demande), Evernote (stockage de données), WANdisco (logiciels), LRN (conseil) ou encore Inbucon (consulting RH), d'après une liste proposée par le Financial Times. Évidemment, une telle organisation du travail peut faire rêver, mais en pratique, les choses sont bien plus compliquées qu'elles en ont l'air.
Tout le monde travaille pour tout le monde
L'entreprise WANdisco, spécialisée dans la conception de logiciels, a mis en place ce fonctionnement voilà un an. Son co-fondateur, David Richards, considère qu'autoriser les employés à "manager" véritablement leur temps est une bonne façon de solidifier la culture d'entreprise. Ainsi, chacun travaille avec les autres et pour les autres.
En pratique, le salarié qui souhaite partir en congés doit simplement déposer une demande, par la suite validée ou pas. Mais jusqu'à aujourd'hui, aucun refus n'aurait été enregistré pour aucun des 130 salariés, selon David Richards.
Des avantages pour se sentir bien… au travail
Pour la plupart de ces entreprises, le principe est qu'un salarié éreinté ou qui a tout simplement l'esprit ailleurs ne doit pas se rendre au bureau. Ce qui ne l'empêche pas, toutefois, d'avoir à travailler "un peu" à distance. Bref, l'employé peut en théorie récupérer dès qu'il en ressent le besoin.
Souvent, ces sociétés mettent à disposition de leurs employés des services pour qu'ils s'y sentent bien. Ainsi, certaines proposent une assurance maladie, une voiture électrique, un mois sabbatique tous les cinq ans ou encore une conciergerie. Il faut savoir que ce type d'organisation présente de nombreux avantages pour les employeurs : les études montrent en effet qu'un tel dispositif permet d'augmenter la productivité, d'attirer les cerveaux et talents mais aussi d'amoindrir les coûts de gestion administrative.
1 000 dollars pour la personne qui accepte de prendre des vacances
Évidemment, une telle organisation suppose donc que personne ne s'occupe de la gestion des congés des salariés, ce qui induit des économies non négligeables pour l'employeur. Et contre toute attente, les employés ne se bousculent finalement pas pour prendre des vacances et jouer les globe-trotters. Dans un groupe américain de médias financiers en ligne, les salariés prennent environ trois ou quatre semaines de vacances par an.
Mais il a cependant fallu mettre en place un jeu pour les pousser à partir : chaque mois, un nom d'employé est tiré au sort et ce dernier est alors contraint de prendre deux semaines de vacances durant le mois en cours. Dans la même logique, d'après le Financial Times, le groupe Evernote donne 1 000 dollars à la personne qui prend au moins une semaine de vacances.
Chez WANdisco, les salariés partent quant à eux en moyenne seize jours par an, contre vingt avant la mise en place du dispositif.
Seulement pendant les périodes de ralentissements
Selon David Richards, une telle liberté est rendue possible pour les employés dans la mesure où l'entreprise WANdisco a un mode de fonctionnement par projets et par missions. Au fil de ces derniers, des périodes de ralentissements succèdent à des périodes d'accélérations. Malheureusement, c'est seulement au moment où le projet prend fin que la récupération du salarié est possible, ce qui limite considérablement les latitudes pour prendre des congés.
Pour l'avocat Stéphane Béal, qui a en charge le département droit social au cabinet Fidal, il est nécessaire que des contreparties soient appliquées en réponse à ces périodes d'intensité. Dans l'Hexagone, le nombre de congés alloué est fixé par la loi et ne peut être augmenté qu'à travers les conventions collectives. Ces possibilités de repos ont été établies afin de protéger la santé de l'employé. Et l'employeur est tenu de s'assurer que ces congés soient pris. Résultat : le système de "vacances illimitées" n'est pas applicable en France.
Si des "règles collectives et négociées" sont notamment envisagées en France par l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) afin d'offrir aux salariés une meilleure responsabilité individuelle et la possibilité de réguler leur engagement, reste que cela peut conduire à de nombreux problèmes. Il peut par exemple s'agir pour certains du sur-travail, du sous-travail pour d'autres ou de manière plus générale d'une désorganisation des collectifs.
Sources : Financial Times, Rue89, Anact, Fidal