Le paysage médical français reprend un coup. Après le Mediator, la pilule Diane et les prothèses PIP, tout laissait penser que le France allait être épargnée quelques années d'autres scandales sanitaires, les autorités concernées étant en alerte. Pourtant, un nouveau trafic vient d'être porté au grand jour : les prothèses articulaires de Ceraver ne seraient pas conformes aux règles de sécurité sanitaire en vigueur. Ce laboratoire, situé à Roissy-en France et comptant 70 salariés, est le deuxième fournisseur de prothèses articulaires (hanche, genou, cheville, poignet) dans l'Hexagone.
Ce monstre de la prothèse, qui vend 3 000 prothèses chaque année à différents hôpitaux français, dont 300 à l'hôpital de Lariboisière (Paris), son premier client, était jusqu'à avril 2013 synonyme de qualité. Pourtant, après un mois d'enquête sur ce laboratoire, des experts de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) ont effectué un contrôle surprise des locaux et des produits.
La prothèse qui vous a été greffée est-elle la prothèse que vous avez commandée ?
Les résultats du contrôle sont de taille : le laboratoire a laissé greffer au moins 650 prothèses non certifiées "CE". Ce marquage, obligatoire pour de nombreux produits, assure qu'ils sont conformes aux règles européennes. Pour qu'il soit apposé à un produit, ce dernier doit respecter de nombreux critères. Cela lui permet ensuite de circuler et d'être utilisé librement sur le marché européen. Depuis 2009, le marquage "CE" est indispensable aux prothèses. Malgré cela, le PDG de Ceraver, Daniel Blanquaert, a écoulé de nombreuses prothèses non conformes. Ce dernier reconnait cependant sa faute, mais estime que les quelques modifications effectuées aux prothèses ne justifient pas de les soumettre à nouveau au marquage, dont le parcours peut prendre jusqu'à deux ans. Les modifications, mineures, ne mettraient selon lui pas la santé en jeu. Or, l'organisme qui délivre le passe-droit affirme le contraire.
La fouille des documents et des produits a révélé une autre liberté que s'octroyait le laboratoire : certains emballages et notices étaient marqués "CE" sans en détenir l'autorisation officielle. Heureusement, le directeur adjoint de l'ANSM, Francois Hébert, a déclaré au Parisien qu'aucun risque sanitaire n'a été détecté pour le moment, seulement des problèmes de conformité. Des milliers de prothèses ont été mises de coté afin de vérifier leur conformité, mais on estime à 650 le nombre de patients ayant une hanche ou un genou non conforme. L'enquête se poursuit, et l'ANSM a demandé aux chirurgiens concernés d'effectuer un suivi individualisé des patients possédant ces prothèses, avec examen clinique et radio afin de garantir leur bonne santé.
Des expériences à l'échelle humaine
À travers son enquête, le Parisien révèle d'autres activités auxquelles le laboratoire est mêlé. En 2011, le laboratoire aurait, avec l'aide de 2 médecins, implanté des tiges métalliques dans le fémur de 4 patients,. La particularité de ces tiges est leur bio-revêtement antibactérien, tout à fait nouveau. Pour être implanté à l'homme, les tiges devaient répondre à certaines exigences et le laboratoire détenir certaines autorisations des autorités sanitaires. Pourtant il n'en était rien. Autrement dit, les tiges ont été implantées illégalement, et n'ont pas été médicalement approuvées.
Néanmoins, elles auraient été au préalable testées sur des souris. Les expériences se sont soldées par des résultats surprenants : 50 % des souris en sont mortes. L'étude aux résultats catastrophiques est également contestée par Ceraver. Les médecins qui ont implanté ces tiges affirment qu'ils l'ont fait à la demande du laboratoire, mais ce dernier leur renvoie la responsabilité.
Des mesures gouvernementales pour y voir plus clair
Une faute rejetée de tous côtés, des expériences humaines clandestines, des prothèses non conformes qui circulent à l'insu des autorités sanitaires, des marquages frauduleux… l'être humain semblerait petit-à-petit devenir une sorte de cobaye. Marisol Touraine, ministre de la Santé, promet d'"identifier les causes de ces dysfonctionnements, les responsables en cas de fraude avérée et les mesures à prendre afin d'éviter tout risque sanitaire".
Source : enquête du Parisien ; economie.gouv ; ANSM