Cinq caisses contenant des bouteilles de whisky et de brandy appartenant à l'explorateur polaire Sir Ernest Shackleton ont été miraculeusement retrouvées après avoir passé plus d'un siècle dans la glace. L'alcool est resté intact dans les caisses et on pouvait entendre le liquide bouger dans les bouteilles en les remuant. L'odeur de whisky autour des caisses indique aussi qu'une ou plusieurs bouteilles ont été cassées. Un cadeau du ciel pour les amateurs de whisky ?
Les grands vins, dits "de garde", peuvent être conservés pendant des décennies dans des conditions spéciales (humidité, température, lumière), avant d'être dégustés comme des mets de luxe. Les vins moyens, eux, peuvent être gardés pendant quelques temps (des mois, voire des années pour certains s'ils sont conservés dans les meilleures conditions), mais leur qualité ne s'améliorera que faiblement et ils peuvent être dépassés au moment de la dégustation (piquant, vinaigré). Qu'en est-il des alcools forts et distillés, tels que le whisky ?
La fabrication du Whisky : une affaire de traditions
Le whisky est une boisson fermentée à base de céréales (blé, maïs, avoine, seigle ou orge malté), et les différentes sortes de whisky tiennent à la fois aux céréales (par exemple, le bourbon est à base de maïs et le rye à base de seigle) et aux procédés de fabrication utilisés (le single malt provient d'une seule distillerie, alors que le blended malt est un assemblage de "whisky de malt" - pour le goût - et de "whisky de grain"). La plupart des whiskies sont des assemblages de plusieurs années mais il existe des "crus" millésimés, donc fait à partir d'une seule année. Dans un premier temps, tous les whiskies murissent en fût de chêne (sauf pour les whiskies japonais, qui sont vieillis dans du Mizunara, que l’on présente comme le chêne japonais).
Le bourbon vieillit dans des fûts neufs et dans un environnement relativement sec, alors que le scotch est vieilli dans des fûts déjà utilisés et un environnement relativement humide. En vieillissant dans des fûts flambant neufs, le bourbon a besoin de moins de temps pour profiter des substances du bois : il s’imprègne avec une grande facilité des saveurs de vanille et de caramel et des touches d’épices. Bon nombre de ces fûts de bourbon, une fois vidés, font le voyage vers l’Ecosse où ils sont utilisés pour faire vieillir du scotch. A ce moment-là, le bois a été vidé d’une bonne partie de ses "substances" et le scotch a donc besoin de davantage de temps pour en aspirer le reste.
L'important, c'est de bien vieillir en fût
La maturation en fût est le moment où se forge l'identité gustative du whisky, ce qui fait que le temps passé en fût a un impact important sur la qualité de la boisson obtenue au final. Mais ce n'est pas - et de loin - la seule opération qui donne à un whisky sa particularité. Le type de fût utilisé (neuf ou ancien, ayant contenu un autre alcool auparavant ou non…) fait que deux variables jouent un rôle décisif : l’histoire du fût et le climat dans lequel a lieu sa conservation. L’âge idéal de vieillissement du rye est compris entre 9 et 11 ans, tandis que l’âge correct pour le bourbon se situe entre 6 et 10 ans. Le scotch, lui, a besoin de plus de temps pour capturer les notes d'épices et les substances particulières contenues dans le bois : selon Dave Pickerell, ancien distillateur en chef de Maker's Mark (Kentucky Bourbon), "cela dépend naturellement du type et du style de scotch, mais 20 ans est un bon chiffre".
Bien sûr, ces règles sont variables en fonction de la région et du procédé de fabrication : on trouve quantité d’excellents bourbons de vingt ans d’âge. Toujours selon Dave Pickerell, "Le Pappy Van Winckle en 20 ans d’âge est un bourbon très parfumé, sans trop de tanin, mais le 23 ans d’âge est très tannique" (les tannins, présents également dans le vin, sont les éléments responsables de la sensation de sécheresse et d’âpreté que l'on ressent parfois en goûtant certains crus).
Mais qu'en est-il du vieillissement en bouteilles ? Il n’existe aucune raison de penser que le contenu des bouteilles va s’améliorer avec l’âge. Au contraire, une partie des éléments organiques contenus dans l'alcool risque de voir leurs saveurs s’altérer. Conclusion : pour déguster des alcools venants de la nuit des temps, mieux vaut s'en tenir au vin. Les spiritueux, notamment le whisky, ont une durée de vie limitée et méritent d'être savourés à leur meilleur âge, c'est-à-dire entre 10 à 15 (pour un bourbon ou un rye) et 30 ans (pour un whisky japonais par exemple, et plus généralement pour le scotch).
Source : Slate.fr