Imaginez une maisonnette à roulettes, quelque part entre la roulotte et la cabane, qui nécessiterait non pas un permis de construire mais un permis de conduire. Descendante d'une tradition américaine de nomadisme reprenant l'esprit des explorateurs de l'Ouest Américain, cette petite maison ou "tiny house" vient tout juste de débarquer dans l'Hexagone.
Pour Yves Saint-Jours, un passionné particulièrement sensible à la vie en forêt par ailleurs à l'origine de la revue La Maison Écologique et du magazine Kaizen, les maisons portables sont en quelque sorte le "trait d'union entre un doux foyer et l'environnement qui l'accueille". Lorsqu'il a pris connaissance de leur existence en 2008 dans le cadre de la réalisation du dossier "éco-habiter petit et pas cher" (pour La Maison Écologique), il a immédiatement été séduit par ces petites bâtisses. Il découvrait alors un habitat à mi-chemin entre une caravane, un mobil-home et un camping-car.
Dès lors, Yves Saint-Jours réalisa de nombreuses recherches au sujet de cette tendance qui a vu le jour aux États-Unis en 1999, ce en grande partie sous la houlette de Jay Shafer. Accompagnant cette montée en puissance, le designer a au départ souhaiter mettre au point un habitat pour remettre un peu de simplicité dans son existence. Mais il s'est également fixé pour objectif de respecter les principes de l'architecture sacrée et symbolique. Résultat : Shafer est parvenu à penser une maison à la fois minuscule et spacieuse, aux proportions harmonieuses. Alors que la surface au sol n'est que de 10 m², l'ensemble parait bien plus vaste.
Un sentiment renforcé, comme le souligne Yves Saint-Jours, par la présence de nombreuses fenêtres permettant d'amplifier les volumes. Outre-Atlantique, où le phénomène des "tiny houses" ne cesse de se développer activement depuis 2005 (soit après l'ouragan Katrina), une cinquantaine de blogs ont par ailleurs été repérés par Saint-Jours.
Les micro-maisons ou la science de l'optimisation de l'espace
La construction de la première mini-maison hexagonale, en tout point made in France, a débuté le 6 mai 2013 dans un verger en Normandie. Elle va reposer sur un plateau de voiture tractable de quatre mètre par deux, accessible par le biais d'une extension du permis B. Compte tenu du poids de ce dernier (650 kilos), il a fallu peser un par un chacun des éléments occupant la structure en s'assurant de ne pas dépasser les 2 000 kilos. Le poids maximal est en effet de 2 700 kilos au total.
Au rez-de-chaussée de cette maisonnette, sur la gauche, on trouve notamment un petit placard, une banquette pouvant servir de lit d'appoint située sous une large fenêtre et de nombreux et astucieux petits tiroirs roulants. Un espace libre permet par ailleurs d'y loger un petit fauteuil. L'espace à droite accueille pour sa part le plan de travail de la cuisine, doté d'un évier, de plaques mais également d'un petit réfrigérateur.
À cela s'ajoutent une seconde petite banquette et, au fond de la pièce, une toute petite salle de bain comprenant une douche, un lavabo et des toilettes. La chambre, composée en tout et pour tout d'un lit pour deux personnes, se loge en hauteur dans une mezzanine. À noter que le couple d'amis à l'origine du projet envisage par ailleurs de réaliser, en prévision des années à venir, une seconde maisonnette de ce type pour leur fille de 15 ans. Enfin, les rangements, nombreux et particulièrement ingénieux, ne sont pas en reste, offrant même la possibilité d'intégrer une mini bibliothèque.
Une nouvelle façon d'appréhender l'habitat et le lien social
Si Yves Saint-Jours devait résumer cet habitat, il le comparerait volontiers à un bateau, mais sur terre. Car la particularité de cette micro-maison est évidemment de permettre le nomadisme, invitant ainsi à changer d'air et à découvrir de nouveaux horizons. Compte tenu des filtres finlandais installés dans la maison permettant de ne pas être contraint de se raccorder à des canalisations, un simple tuyau d'arrosage et une rallonge suffisent pour "s'amarrer" quelque part. Résultat : cette première maison sur roues révolutionne en quelque sorte la façon de tisser du lien social.
À tout moment, cette nouvelle façon d'habiter – il n'est pas ici question de propriété ni de location – offre la possibilité d'être le nouveau voisin de quelqu'un. Une aventure originale au coût limité : 15 000 euros en auto-construction et 25 000 euros en faisant appel à un professionnel. Reste maintenant à savoir comment l'administration va accueillir ce nouveau mode de vie.
Pour en savoir plus sur les législations en vigueur concernant les modes d'habitat alternatifs, c'est par ici.
Sources : La Maison Écologique, Kaizen, Tumbleweedhouses, Le Monde