Depuis la catastrophe de Fukushima survenue en mars 2011, l'énergie nucléaire n'est plus en odeur de sainteté pour de nombreux gouvernements. Certains d'entre eux se sont d'ailleurs demandé s'il existait une solution pour limiter les risques liés au nucléaire. À rebours des idées reçues, une équipe de scientifiques a décidé prendre le problème à l'envers pour savoir si l'atome permettait, au contraire, de sauver des vies.
Mardi 2 avril, c'est la revue scientifique Environmental Science & Technology qui, la première, a jeté le pavé dans la mare : et si, contre toute attente, le nucléaire sauvait des vies ? C'est en tout cas la question que soulève les chercheurs à l'origine d'une étude édifiante repérée par C&EN, émanant par ailleurs de sources indépendantes de tout lobby nucléaire et pour le moins renommées. D'après cette dernière, l'énergie nucléaire aurait permis de sauver quelques 1,84 million de vies entre 1971 et 2009.
À noter que d'éminents scientifiques ont participé à cette enquête, parmi lesquels Pushker Kharecha, chercheur à la NASA ou encore James Hanse, l'un des premiers à avoir cherché à sensibiliser le monde à la lutte contre le réchauffement climatique. Son financement a en outre été réalisé conjointement par la société à but non lucratif Lenfest, l'université de Columbia et la Nasa.
Comment expliquer pareils chiffres ?
Pour arriver à de tels résultats, les chercheurs se sont appuyés sur de nombreuses données. D'une part, ils ont évalué quelle était la production énergétique des énergies fossiles et estimés le nombre de morts liés à cette exploitation – qu'il s'agisse des décès de mineurs entrainés par l'exploitation de charbon comme de ceux relatifs à la pollution –. Ces informations ont par la suite été étudiées pour connaître le nombre de morts supplémentaires qui auraient pu être engendrés, proportionnellement, si l'énergie produite par le nucléaire avait été créée à l'aide d'énergies fossiles (charbon, gaz naturel ou encore pétrole).
En sus de ces données, l'équipe a également soustrait du résultat obtenu le nombre de décès relatifs à l'énergie nucléaire civile. Or, même en utilisant ces méthodes et en tenant compte les cancers dus aux radiations et les accidents de travail, l'exploitation de l'énergie nucléaire de 1971 à 2009 aurait entrainé la mort de seulement 4 900 personnes. Attention toutefois, les décès retenus par l'étude sont ceux ayant été causés directement par le nucléaire et approuvés en tant que tel scientifiquement.
À titre d'exemple, un rapport publié en 2008 par le comité scientifique de l'ONU au sujet des conséquences des émissions radioactives expliquait que la catastrophe de Tchernobyl avait en définitive entrainé la mort de 43 personnes, et pas une de plus.
Jusqu'à 7 millions de décès en moins grâce au nucléaire d'ici 2050
Toujours en respectant la même méthode et en se basant sur les scénarios de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) des années 2010 - 2050, Pushker Kharecha et James Hanse ont cherché à savoir ce que nous réserveraient les 40 prochaines années. Résultat, 4,39 millions à 7,04 millions de personnes mourraient en plus si l'énergie aujourd'hui créée par le nucléaire était remplacée par du charbon.
Reste toutefois que dans le cas du gaz naturel, 420 000 à 680 000 décès pourraient à l'inverse être évités. Mais si le gaz naturel serait donc une alternative de choix – du moins au niveau du nombre de décès entrainés –, cette solution reste marginale. Ainsi, le charbon – beaucoup moins coûteux que le gaz – est encore largement utilisé, en Chine mais aussi en Europe, comme en Allemagne, où une dizaine de centrales à charbon très polluantes ont été financées pour compenser le récent abandon du nucléaire.
Évidemment, comme l'expliquent les chercheurs, l'étude demande encore à être certifiée par d'autres enquêtes du même type.
Sources : Environmental Science & Technology, C&EN, AIEA, The Huffington Post, Unscear