Depuis quelques années, l'obésité s'insinue de plus en plus dans la société. Les facteurs qui la provoquent se multiplient, et les aides pour l'éviter ou la soigner sont bien peu écoutées. Cette inflation d'obésité a immanquablement fait exploser le taux de pathologies et d'accidents sanguins (diabète, AVC, hypertension…), entre autres conséquences néfastes pour la santé. Pour un patron, cela est synonyme d'absence au travail et donc de perte d'argent. Pour le système de santé, c'est une dépense colossale. Pour le concerné, c'est une santé vacillante. Alors, aux gros maux les grands remèdes.
Plutôt que de lutter contre l'obésité, comme on lutte contre le tabagisme ou d'autres maladies et addictions, on s'adapte à elle, mettant davantage en danger les personnes concernées. Celles-ci développent alors de graves maladies, et manquent le travail. De plus en plus de patrons américains proposent donc à leurs employés des primes, voire des augmentations, si ceux-ci font plus attention à leur santé. Il peut s'agir d'arrêter de fumer ou de maigrir.
Payer plus pour gagner plus
Subventionner le régime d'un employé serait considéré en France comme de la discrimination. Aux Etats-Unis, cela s'appelle sauver le pays d'un fléau qui décime la population. En effet, ces 10 dernières années, l'obésité aux Etats-Unis, comme en France, n'a fait que croître. Le système économique en est victime puisque les coûts pour prendre en charge les malades sont colossaux, et l'absence au travail diminue la production. Économiquement parlant, l'entreprise et le système de santé payent un individu qui ne rapporte rien. Pour remédier à la situation, il faut que cet individu travaille, et coûte moins au système social. Autrement dit, il faut qu'il maigrisse. Depuis la loi Affordable Care Act, votée en 2010 sous le président Obama, les chefs d'entreprises peuvent dorénavant récompenser financièrement leurs employés lorsque ceux-ci décident d'améliorer leur état de santé. Le but n'étant pas de pointer du doigt un individu en particulier mais sa volonté d'améliorer sa santé, l'approche se ferait de manière collective.
Cette idée est renforcée par une étude, réalisée par l'université du Michigan, qui démontre que proposer de maigrir à un groupe de personnes, de façon collective, contre rémunération est un moyen très efficace de parvenir à ses fins. Deux groupes de 5 personnes obèses ont participé : chaque participant du premier groupe recevait 100 dollars s'il parvenait à tenir l'objectif fixé ; les membres du deuxième groupe se partageaient les 500 dollars entre ceux qui avaient tenu l'objectif. Deux groupes de 5 avec les mêmes objectifs et la même récompense, mais un partage différent. Autrement dit, si dans chacun des deux groupes, seule une personne a relevé le défi, elle ne gagnera que 100 dollar dans le groupe 1, et 500 dans le groupe 2.
La faim justifie-t-elle vraiment les moyens ?
L'objectif est de faire en sorte que ce soit la personne en surpoids qui décide de maigrir, et saisisse d'elle-même les moyens pour y parvenir. La récompense est mensuelle et l'objectif revisité en fonction du résultat, de sorte que chaque mois, chacun ait un challenge en adéquation avec son point de départ. Aussi, chaque participant peut véritablement progresser. Les résultats sont plus que positifs, ceux du 2e groupe étant bien meilleurs que ceux du premier.
Durant les 6 mois d'essai, chaque participant, voulant à tout prix gagner la prime, jouait le jeu avec beaucoup de sérieux. Mais, dans le groupe 1, la récompense est la même, que l'individu soit seul ou non à avoir tenu le challenge. Immanquablement, la volonté s'affaiblit, puisqu'un effort supplémentaire n'est pas mieux récompensé. Dans le groupe 2, celui qui réussit mieux gagne plus. Cela fait des années que de nombreux chercheurs, diététiciens, patrons ou tout simplement des inconnus notoires mais concernés, cherchaient des moyens de convaincre les personnes en surpoids ou obèses de maigrir. Car comme pour la cigarette, l'arrêt soudain d'une habitude établie sur plusieurs années est très difficilement tenable.
Pourtant, la situation ne fait que s'aggraver : en France, nous comptons aujourd'hui plus de 9 millions de personnes obèses, soit 15 % de la population. Les chiffres ont doublé depuis 5 ans et ne cessent d'augmenter. Aussi, un enfant sur six est obèse en France. Malheureusement, les promesses lointaines telles que "tu te sentiras mieux" s'évanouissent peu à peu lorsque la faim tiraille, et les "camps" de régime n'amènent pas d'amélioration, bien au contraire. Mêler l'argent à la santé est assez controversé en France, et pointer ainsi du doigt une population peut sembler discriminatoire, malgré les résultats probants de cette étude. Reste à savoir si les principes fondamentaux de notre société sont prêts à laisser de la place au pragmatisme américain.
Source : Annals of Internal Medicine