Vous êtes-vous déjà demandé comment il était humainement possible à Noël que vous engloutissiez quand même une part de bûche alors que vous étiez pourtant sur le point d'imploser dès l'apéritif après votre dixième toast au foie gras ? Selon The Guardian, un phénomène scientifique appelé "rassasiement sensoriel spécifique" permet d'expliquer cette tendance à l'excès. Explications
Au moment des repas de fêtes de fin d'année, c'est l'abondance qui prime et il faudrait être bête pour ne pas en profiter – à moins évidemment de vouloir faire attention à sa ligne. Vous l'avez peut-être remarqué, mais c'est dans ces moments là que notre estomac semble capable d'engloutir des quantités gargantuesques de foie gras, de dinde ou encore de bûche. Le concept de "rassasiement sensoriel spécifique" (RSS) permet de comprendre pourquoi.
Les signaux mécaniques, chimiques et sensoriels (le goût et l'odorat) jouent un rôle crucial dans le processus de faim. D'après la revue Appetite, le principe du rassasiement sensoriel spécifique est la diminution progressive, jusqu'au rassasiement, du plaisir tiré de la consommation d'un aliment particulier tandis que le plaisir relatif à d'autres aliments aux caractéristiques sensorielles différentes reste intact. En gros, même si nous sommes écœurés au bout d'un moment par un aliment, nous avons tout de même encore de l'appétit pour quelque chose d'autre.
Comme si nous étions en situation de survie
Dans son livre Poids et obésité, Jean-Michel Lecerf indique que le RSS est à différencier du "rassasiement conditionné" permettant à chacun de réguler ses habitudes alimentaires en fonction de leur teneur énergétique et d'anticiper les conséquences métaboliques de l'ingestion de tel ou tel aliment. À l'inverse, le rassasiement sensoriel spécifique est utile pour notre survie : partant du principe que nous sommes omnivores, il est donc nécessaire que nous mangions des aliments variés.
De fait, ce mécanisme nous force à manger autre chose que notre nourriture favorite. Une chose est sûre, en effet, personne ne survivrait bien longtemps s'il ne mangeait que du Nutella et du Beaufort 12 mois d'affinage. Résultat, comme l'indique au Guardian Marion Hetherington, de l'université de Leeds : même si l'on se régale avec un plat de pâtes au départ, ces dernières ne vont plus paraître aussi goûteuses une fois arrivé à mi-parcours. Ce qui va soit nous amener à rajouter un peu de sauce, soit nous faire arrêter et nous faire passer à la salade.
Un mécanisme très actif chez les bébés et les enfants
En réalité, le RSS est particulièrement développé chez les bébés et les enfants. À tel point que selon Hetherington, ce serait contre nature, du moins contraire à ses signaux, de forcer à tout prix un enfant à finir son assiette de légumes.
Un phénomène à double tranchant, dans notre société…
Aujourd'hui, dans notre monde où tout est abondance, il nous est possible d'avoir accès à une multitude d'aliments en toute simplicité. Or, le RSS n'est fondamentalement valable que dans une société où l'on est obligé de manger par exemple du riz à tous les repas, ce qui n'est plus le cas désormais. Résultat : alors que ce mécanisme sert au départ à éviter la monotonie alimentaire et les carences, il conduit dorénavant à une suralimentation liée à une trop grande variété alimentaire.
En somme, à Noël, si votre repas se compose en tout et pour tout de toasts au foie gras, alors il y a de fortes chances que vous mangiez considérablement moins que si les plats avaient été variés, même si vous ne jurez que par le foie gras…
Sources : The Guardian, Slate, Appetite, Santelog