Alors qu'un couple de Français est encore entre les mains de la justice pour avoir tenté d'acheter un bébé, il est légitime de se demander quand commence le crime, et où s'arrête la loi. Après tout, le simple fait de ne pas passer par la procédure officielle d'adoption - qui peut durer plusieurs années - transforme-t-il pour autant le bon samaritain en trafiquant d'êtres humains ?
Un couple de Français a été arrêté jeudi dernier. Leur crime : ils sont soupçonnés d'avoir participé à l'achat d'un nouveau né, estimé à 15 000 euros. Les vendeurs de ce dernier : sa mère, une jeune Rom de 19 ans et sa grand-mère de 37 ans.
Si la mère est accusée de "délaissement de mineur de moins 15 ans" risquant donc 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende, la grand- mère, elle, risque 6 mois de prison et 7 500 euros pour "provocation à l'abandon". Le couple d'acheteurs est, pour sa part, accusé de "recel de délaissement de mineur". Il ne s'agit donc pas de "trafic d'être humain", et la grand-mère n'est pas accusée de "complicité".
Pourquoi l'adoption frauduleuse, même de la part de "bons parents", est-elle punie ?
Le principe de l'adoption classique est le transfert des droits de l'enfant. Autrement dit, l'enfant reste une personne à 100 %, et vous obtenez juridiquement les droits sur lui, qui impliquent aussi de nombreux devoirs moraux (éducation, santé, patrimoine…). Aussi, lorsqu'un parent décide de mettre son enfant dans un service d'adoption, il le laisse après avoir rempli les papiers obligatoires et ne touche aucun argent : la vie n'est pas monnayable et l'humain n'est pas vendable.
De la même manière, lorsqu'un parent souhaite adopter un enfant, il ne l'achète pas : il paye les services d'administration et garantit son éducation. C'est le droit de l'enfant d'avoir de bons parents, et non le droit des parents d'obtenir un enfant parce qu'ils ont un compte bancaire suffisant. Remettant en cause les adoptions facilitées de certaines personnalités publiques.
Quand parle-t-on de "trafic d'être humain" ?
Alors qu'il s'agit bel et bien d'une vente d'être humain, on ne parle pas encore de "trafic". Comme dans le cas de cette famille française, le chef d'accusation est "recel de délaissement de mineur" : il est orienté vers le comportement de la mère (délaissement), dont s'est servi le couple d'acheteurs (recel) et non vers la vente en soi. En effet, il s'agit d'un fait ponctuel - et non d'une organisation -, qui par ailleurs n'a été ni prouvé ni jugé, on ne peut donc pas parler de "trafic". En revanche, on pourrait évoquer de la "traite" d'être humain.
Cependant, la traite d'être humain suppose une intention de commettre "des infractions […] contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit". Le couple présumé ne souhaitait a priori qu'avoir une famille. Pour finir, c'est aussi eux qui sont allés voir les policiers pour se faire connaitre et rendre l'enfant.
Le cas délicat des mères-porteuses
En janvier dernier, la GPA (Gestation Pour Autrui) était au centre de l'actualité à la suite d'une circulaire de Christiane Taubira. Aujourd'hui illégale, la fonction de mère-porteuse est acceptée aux Etats-Unis et au Canada, et acheter un bébé là-bas pose donc de sérieux problèmes à la législation française. En France, les mères porteuses, bien qu'illégales, sont nombreuses.
Pourtant, la loi de 1994, réaffirmée en 2011, interdit catégoriquement la gestation pour autrui, et punit les "futurs" parents comme la mère-porteuse ainsi que tous les intermédiaires. Car dans les faits, bien que les termes soient différents, le cas de la mère porteuse est considéré comme une véritable vente de bébé et les "futurs parents" coupables de "location" et d'achat d'être humain.
Pourquoi la grand-mère n'est pas accusée d'être "complice" ?
Alors que dans la Justice Française, le complice d'un crime ou d'un délit risque autant que le fauteur, - voire davantage dans certains cas -, la grand-mère ne risque qu'une petite peine, comparée à celle de sa fille : elle n'est pas accusée d'être complice, mais d'avoir poussé sa fille à abandonner l'enfant. Rien n'indique qu'elle a participé à la vente ou profité de l'argent.
Sources : LégiFrance ; AFP avec Libération ; Maître Céline CAMPI, avocat à la Cour