Et s'il existait une explication culturelle à l'humeur sombre souvent mise en avant des Français ? C'est en tout cas la question que pose à travers une étude la professeure à l'École d'économie de Paris Claudia Senik, qui estime que le Français ne serait finalement pas si étranger à sa morosité.
Il n'est pas rare que les étrangers s'amusent de la légendaire mauvaise humeur des Français. Pas étonnant, donc, à ce que l'étude de Claudia Senik ait au départ fait le bonheur de la presse anglo-saxonne. Dans un entretien recueilli par The Guardian, la professeure et chercheuse à l'École d'économie de Paris explique que si le Français voit souvent la vie en morose, c'est avant tout surtout de sa faute.
À travers son étude sur le lien entre culture et bonheur, Claudia Senik avance que nous ne devrions en réalité notre fameuse mauvaise humeur qu'à des facteurs culturels. Afin d'étayer sa conclusion, la chercheuse souligne que les Français sont en effet beaucoup moins heureux que ce que leur indice de développement humain (IDH) ne laisse supposer. Celui-ci dépend à la fois du revenu, du système éducatif ou encore de l'espérance de vie à la naissance. Des facteurs auxquels le Guardian ne manque pas d'ajouter avec ironie les fameuses trente-cinq heures de travail hebdomadaires, qui n'ont entre autres pas manqué d'attirer 150 000 Britanniques expatriés.
Mais alors le bonheur c'est quand ?
Comme chacun le sait, la France détient l'une des consommations de psychotropes les plus élevées d'Europe, sans compter un taux de suicide endémique presque aussi élevé que celui de la Finlande, grand vainqueur dans cette catégorie. Tant et si bien que d'après une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le suicide est aujourd'hui la deuxième cause de mortalité en France chez les 15-44 ans (derrière les accidents de la route) et le premier chez les 30-39 ans.
Comment expliquer ce paradoxe ? Pour Claudia Senik, ce phénomène prend racine avec ce qu'elle nomme "la socialisation à la française". Ainsi, comme elle le montre dans son étude, les Français sondés résidant à l'étranger se révèlent bien moins heureux que les habitants originaires des pays où ils sont installés. De même, les immigrés se placent invariablement plus haut sur l'échelle du bonheur que les Français nés dans l'Hexagone. Or, d'après l'enquête, ces mêmes immigrés vont avoir tendance à se considérer plus malheureux au fil de leur intégration dans la société. Moralité : le bonheur a donc une dimension culturelle, ce qui confirme l'existence d'un "malheur français".
Une semaine après la célébration de la Journée internationale du bonheur – par ailleurs décrétée pour la première fois en 2012 par l'ONU – et à un an du prochain rendez-vous, comment se sensibiliser au bonheur en France ? La question est épineuse pour Claudia Senik, qui estime qu'il serait nécessaire de faire du bonheur un véritable objectif de politique publique. Comment ? En étudiant pourquoi pas les pays où la population est la plus heureuse et où l'IDH est cependant le moins élevé. De quoi peut-être mettre en évidence ce que la culture française ne serait pas parvenue à saisir. Pour Buzzfeed, la solution est toute trouvée : il nous faudrait simplement nous tourner vers les enfants, seuls détenteurs du secret du bonheur – ou comment s'extasier devant une bulle de savon ou des feuilles mortes.
Sources : europeansocialsurvey, guardian, oms, who.int, buzzfeed