À partir de 1966, Linus Pauling, chimiste et physicien américain doublement nobélisé, a popularisé l'idée selon laquelle la vitamine C soignerait le rhume, voire le cancer. Seulement voilà : de nombreux scientifiques, à l'instar du pédiatre Paul A. Offit, sont aujourd'hui en mesure d'affirmer qu'il n'en est rien et que Pauling était peut-être l'un des plus grands charlatans du monde.
Comme le souligne Wikipédia, Paul A. Offit est un pédiatre américain, spécialisé dans les maladies infectieuses, doublé d'un expert en vaccins, de l'immunologie à la virologie. À travers un livre intitulé Do you believe in Magic ? – The sense and nonsense of alternative medicine, sur lequel The Atlantic s'est basé pour publier un article sur le mythe des vitamines, ce dernier se livre à un véritable réquisitoire contre la prise de vitamines – du moins contre celles présentes autrement qu'à l'état naturel dans une alimentation saine. Un réquisitoire en grande partie adressé contre l'homme nous ayant fait croire qu'il fallait prendre des vitamines : Linus Pauling.
Selon Paul A. Offit, ce que la plupart des gens ignore, c'est que leur engouement pour les vitamines provient d'un seul et même homme. Un homme à la fois si brillant qu'il a remporté deux prix Nobel, et si spectaculairement trompeur qu'il est sans doute l'un des charlatans les plus éminents qu'a connu le monde. Cet homme hors du commun, prénommé Linus Pauling, n'est autre que le seul scientifique à être parvenu à décrocher deux prix Nobel – Marie Curie ayant partagé les siens – dans deux catégories différentes (Nobel de chimie et Nobel de la Paix).
Mais, quid des vitamines dans le parcours du scientifique ? D'après Paul A. Offit, tout aurait débuté en 1966, alors que Pauling était âgé de 65 ans. C'est en effet à ce moment qu'il reçoit une lettre du biochimiste Irwin Stone, qui lui indique qu'il prend chaque jour sur ses conseils 3 000 milligrammes de vitamine C par jour et qu'il pourra vivre au moins 25 ans de plus. Dès lors, Pauling entretient une véritable fascination pour la vitamine C. Bientôt, il débute lui-même un traitement et remarque qu'il n'attrape plus les gros rhumes qui le faisaient auparavant beaucoup souffrir. À tel point qu'il augmente les doses jusqu'à 18 000 milligrammes par jour.
Pourtant, la vitamine C ne soigne pas le rhume
À l'horizon 1970, Pauling publie La Vitamine C contre le rhume – un prix Nobel vous dit comment éviter les rhumes et améliorer votre santé, best seller instantané. Bientôt, les Américains se mettent à la vitamine C et les pharmacies ont du mal à répondre à la demande. Pendant ce temps, de nombreux scientifiques s'intéressent à la question et mènent des études pour savoir si ce procédé fonctionne bel et bien.
Parmi ces dernières, explique Paul A. Offit, une équipe de recherche de l'université du Maryland a donné 3 000 milligrammes de vitamines par jour durant trois semaines à 11 volontaires, et un comprimé de sucres à 10 autres. Chacun des volontaires ont ensuite été infectés par un rhume, mais tout le monde a développé les mêmes symptômes.
Une expérience similaire a également été menée à l'université de Toronto sur 3 500 cobayes, avec le même résultat, et aux Pays-Bas, en 2002, sur 600 cobayes. Conclusion : pas la moindre variation d'une expérience à l'autre.
Tant et si bien que Paul A. Offit est parvenu à montrer grâce à une quinzaine d'études au bas mot, que les vitamines ne permettent pas de soigner le rhume. À tel point que ni la prestigieuse FDA, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, ni l'académie américaine de pédiatrie, ni même l'American Medical Association ne conseillent un complément de vitamine C pour prévenir ou traiter le rhume.
Reste néanmoins que cet état de fait n'a pas eu pour conséquence d'arrêter Pauling, qui après avoir réaffirmé les bienfaits de la vitamine C en cas de rhume, a avancé qu'elle pouvait soigner le cancer. Pour vérifier ses dires, des scientifiques cherchent alors aussitôt à vérifier, mais les résultats, d'un patient sous vitamine C à un autre, sont une nouvelle fois identiques.
Encore une fois, Pauling continue sur sa lancée, en indiquant que la vitamine C, combinée avec des doses massives de vitamines A, de vitamine E, de sélénium et de bêta-caroten, est à même de soigner l'ensemble des maladies connues de l'homme. Et de lister un inventaire de ces dernières : "les maladies cardiaques, les maladies mentales, la pneumonie, l'hépatite, la poliomyélite, la tuberculose, la rougeole, les oreillons, la varicelle, la méningite, le zona, les boutons de fièvre, les aphtes, les verrues, le vieillissement, les allergies, l'asthme, l'arthrite, le diabète, le décollement de la rétine, les accidents vasculaires cérébraux, les ulcères, les chocs, la fièvre typhoïde, le tétanos, la dysenterie, la coqueluche, la lèpre, les fractures, (…), la rage et les morsures de serpent".
Quid du sida ? Dès l'apparition de la maladie, Pauling n'hésite pas une seconde à assurer que la vitamine C peut la soigner.
Au contraire, la vitamine C favoriserait le cancer
En réalité, toute la théorie de Pauling tenait en un seul mot : antioxydant. Pour Paul A. Offit, la logique de ce dernier est irréfutable : compte tenu du fait que les fruits et légumes contiennent des antioxydants, si les gens consomment en quantité ces mêmes fruits et légumes, ils seront en meilleure santé. Autrement dit, les personnes prenant des compléments d'antioxydants seront également en meilleure santé. Problème : il se trouve que c'est en réalité l'inverse.
Ainsi, en 2011, l'AFP, citée dans un article du Point, rappelait notamment, en s'appuyant sur une étude publiée le 11 octobre 2011 aux États-Unis, qu'une augmentation de 17 % du risque de cancer de la prostate est à prévoir chez les hommes prenant une dose importante de vitamine E. Dans le même temps, une expérience mise au jour le 10 octobre 2011 montre que les multivitamines ne servent à rien et augmentent le risque de mortalité. À noter qu'une telle conclusion avait déjà été soulignée en 2007 lorsque des chercheurs étaient parvenus à relier les suppléments de sélénium à un risque accru de diabète adulte.
Quid du mythe de la vitamine C ?
Chose étonnante, par ailleurs mise en relief par Paul A. Offit dans son article : à la question, posée en 1980 au cours d'un entretien à la Oregon State University, de savoir si la vitamine C a oui ou non le moindre effet secondaire sur le long terme, au-delà du gramme, Linus Pauling répondit fermement, "Non".
Pour autant, quelques mois plus tard seulement, une femme qui consommait en quantité ces fameuses vitamines, mourut d'un cancer de l'estomac. Et quelques années plus tard, en 1994, Pauling en personne succomba d'un cancer de la prostate.
Sources : TheAtlantic, Slate, LePoint