Comment définit-on la soul ?
Dérivée du Gospel, version adoucie et habitée du Rhythm’nBlues, la "musique de l’âme" est une musique noire américaine apparue dans les années 50. Elle bénéficiera d’un développement très important dans les années 60, s’étendant sur différents points névralgiques du territoire américain (Memphis, Detroit, Philadelphie, Chicago, New-York, etc.) et séduisant des générations de mélomanes jusqu’à nos jours, bien au-delà de ses frontières. La musique soul au sens originel n’aura duré que peu d’années mais irrigué si profondément les musiques populaires que l’on peut ressentir son influence dans bon nombre de nos productions musicales actuelles.
La soul est avant toute chose la marque d’une intention. Une intensité émotionnelle que revendique le genre en adoptant des attitudes habituellement réservées aux chants sacrés, pour aborder des thématiques profanes. Déclarations d’amour (spirituel et physique), chants de rupture, messages politiques, chaque sujet est abordé avec ce petit plus d’authenticité qui caractérise le genre (le mot soul en argot noir américain signifie "sincérité"). Le genre est marqué par d’incroyables personnalités, des voix extraordinaires, quasi systématiquement élevées sur les bancs des églises américaines où retentissaient de poignants gospels.
Les instruments
Les instruments les plus caractéristiques de la soul music sont :
- la guitare basse ;
- la batterie ;
- le piano ;
- la guitare électrique ;
- l’orgue ;
- d’autres instruments à cordes.
Les principaux genres
La Soul se decline en plusieurs genres :
- Pop-Soul ;
- Northern Soul ;
- Blue-Eyed Soul ;
- Memphis Soul ;
- Philly Soul ;
- Southern Soul.
Du Rhythm’N’Blues à la Soul : la naissance
Les premiers artistes du genre, considérés comme les véritables pionniers du mouvement, sont à trouver parmi les artistes des années 50 étiquetés par commodité R’n’B. Des chanteurs qui offrent une musique pop, noire américaine. Parmi ces interprètes on citera quelques figures majeures comme Jerry Butler ou Jackie Wilson, de véritables stars qui restent cependant confinées à un public restreint par des modes de distribution et de diffusion de la musique ségrégationnistes. Tous ces enregistrements sont étiquetés "musiques noires" et ne peuvent donc être diffusés que sur des réseaux spécifiques. Un des premiers à casser les codes en revendiquant des chants country et soul, chantant ce qui pourrait s’apparenter à du pur gospel est l’immense Ray Charles, qui sera par ailleurs le premier à utiliser le terme comme titre d’album en 1961. Son Georgia On My Mind est un modèle du genre.
Le début des années 60 voit l’émergence de nombreux talents. Les tubes s’enchainent, ils deviennent vite des standards. Ben E. King avec Stand By Me, l’immense Sam Cooke avec A Change Is Gonna Come, écho à la chanson The Times They Are A Changin’ de Bob Dylan, Major Lance et son rafraichissant Um, Um, Um, Um, Um, Um, Um ou Solomon Burke, alors officiellement "roi de la soul" avec Got To Get You Off My Mind, envahissent les hit parade Rhythm’N’Blues.
À Detroit, la Tamla Motown de Berry Gordy mise sur le côté Pop avec des artistes comme les Temptations et des enregistrements particulièrement raffinés. Un univers habité de cuivres et de cordes, toujours structurés par une basse ronde et clinquante, reconnaissable entre toutes comme dans My Girl.
Du côté de Memphis, le Label Stax développe un style résolument authentique, avec des artistes à fleur de peau comme Otis Redding ou Wilson Pickett créant un répertoire oscillant entre sensibilité extrême et énergie dévastatrice. Un credo emprunté aussi par James Brown, un des artistes majeurs de ce mouvement qui au-delà des nombreux sobriquets dont il se pare pour marquer ouvertement son territoire (Godfather of Soul, Soul Brother N°1, Mr Dynamite), est rien de moins que l’inventeur du Funk.
À Chicago, on retrouve Lou Rawls, qui naviguera tout au long de sa carrière entre gospel, soul, jazz et blues, et sa sublime interprétation de Love Is A Hurting Thing. Mais la "cité venteuse" est aussi connu pour le groupe vocal des Impressions, qui auront signé pas moins de 17 top 10 dans les classements R’n’B entre 1958 et 1975, parmi lesquels on notera People Get Ready, sorti en 1965.
Avec A Sweet Woman Like You, on retrouve un des artistes les plus mésestimés du genre, Joe Tex, qui coécrira des titres pour James Brown et se fera, selon la légende, piller une bonne partie de ses effets de scène par celui-ci. Ce son est celui de la Southern Soul, un son limpide, aux guitares aériennes et clinquantes, dont on retrouvera une parfaite illustration au travers du standard absolu de la Soul, interprété avec brio par Percy Sledge, When A Man Loves A Woman.
Puis s’avance la Reine incontestée de la soul, Aretha Franklin qui après un début de carrière plutôt Jazz chez Columbia, explose et fait les belles heures du label Atlantic Records de Jerry Wexler. Difficile de choisir un titre plutôt qu’un autre dans l’imposante carrière de cette diva, alors nous vous proposons l’écoute de l’intense et cuivré Since You’ve Been Gone (Sweet Sweet Baby.)
De retour à Memphis, on appréciera les œuvres de William Bell dont le I Forgot To Be Your Lover a été pillé par de nombreux rappeurs, les indémodables Sam & Dave, ou le dynamique Johnnie Taylor, tous de l’écurie Stax. Dans la même ville, on s’émerveillera sur ce qui est sans doute un des titres les plus beaux du genre, The Dark End Of The Street, un sommet de sensibilité enregistré par un artiste sous estimé dont seuls les passionnés les plus avertis s’échange avec délectation le nom, James Carr.
Les Seventies, une décennie de mutation
En 1970, la Motown continue d’envahir les charts et pose les bases d’un mouvement très durable en gravant l’œuvre d’une fratrie qui marquera pour toujours l’histoire de la musique, les Jackson 5. Sur I’ll Be There on entend les prémices de ce que sera l’immense carrière de Michael Jackson.
Ce qui définit sans doute le mieux cette décennie, c’est l’omniprésence du Groove, une rondeur de basse qu’on retrouve aussi bien dans The Ghetto de Donny Hathaway que dans les ébouriffantes productions de la Motown que sont le Inner City Blues de Marvin Gaye ou le I Believe (When I Fall In Love It Will Be Forever) de Stevie Wonder.
L’heure est aux supers productions, les cordes sont de plus en plus présentes. En conservant l’énergie des origines et l’aspect émotionnel, la soul se pare d’arrangements toujours plus chargés, toujours plus précieux. Une force qui emmène certains vers la pop et d’autres vers le funk. Bill Withers, Isaac Hayes, les Staples Singers (alors très éloignés des sons de leurs débuts), Billy Paul ou les O’Jays sont les noms les plus marquants de cette époque. Des talents comme Barry White émergeront alors, marquant à la fois une étape complémentaire dans la diffusion vers le grand public, et une forme d’éloignement de l’esprit des premiers interprètes du genre. Mais certaines productions prennent parfois le pas sur l’authenticité et aboutissent à la conception d’œuvres qui paraissent factices.
La première moitié de la décennie verra donc l’apparition de quelques pépites absolues, mais sera souvent identifiée par les spécialistes comme la période de disparition de la soul authentique.
Petit florilège des artistes et des titres qu’il faut avoir écouté sur cette période : Le I Hate IWalked Away de Syl Johnson, samplé par IAM, le révérend Al Green et sa voix de velours sur l’indispensable Let’s Stay Together, la touchante et sexy Millie Jackson, le magistral Wake Up Everybody de Harold Melvin & The Blue Notes, pour ses arrangements lumineux et la voix sublime de Teddy Pendergrass. Sans oublier les débuts d’un certain Lionel Richie au sein du groupe les Commodores, avec l’énorme tube Easy.
Des années 80 à nos jours
Dès lors, la soul music, quoique disparue dans son essence première, est un peu partout. On la retrouve nichée dans des tubes pop, dans le funk, dans des titres disco. Elle réapparait parfois dans des titres miraculeux, comme la reprise du titre de Bob Dylan With God On Our Side par les Neville Brothers de la nouvelle Orléans, puis dans la neo-soul d’une Erykah Badu. On la retrouvera à la source du mouvement qu’on appellera de nouveau, dès la fin des années 90 le R&B, qui celui-ci inclura de nombreuses touches de hip-hop. Alicia Keys en est certainement une des plus dignes représentantes.
C’est enfin d’Angleterre que le mouvement reviendra, dans une version très respectueuse de ses origines, sur le devant de la scène, grâce à des artistes à fleur de peau comme Amy Winehouse et le très touchant Love Is A Losing Game.
Pour terminer, plus vivace que jamais, vous retrouverez la soul dans sa plus simple expression au travers du dernier tube international de John Legend All Of Me.
Un voyage initiatique qui a pour vocation de vous pousser à aller plus loin pour découvrir plus avant dans la carrière de chacun de ces artistes et vous intéresser à celles de leurs contemporains. Mais ceci est une autre histoire.