Des fennecs en France…
Une des conséquences inattendues du conflit qui a ensanglanté l'Algérie de 1954 à 1962 a été la migration involontaire de nombreux fennecs vers la France.
De nombreux appelés du contingent, peut être par reconnaissance pour service rendu au feu, en tous cas charmés par la grâce du petit animal, en ont ramené dans leurs paquetage de retour en France. Bien nourris ces animaux étaient des compagnons charmants mais qui avaient la fâcheuse habitude de vivre la nuit et en particulier de se mettre à hurler sans raison apparente.
Jamais ces fennecs n'ont fait souche. On sait maintenant que les conséquences de la captivité et du dépaysement provoquent des problèmes thyroïdiens chez ces animaux.
Seul reste le souvenir étonné du petit normand que je fus de voir chez un voisin le petit renard blanc aux grandes oreilles s'ennuyer dans une cage dorée.
De nos jours le transport et la vente des fennecs sont interdits en France.
Ça sent le fennec
L'expression a fait flores dans les années soixante au moment où les jeunes français servant en Algérie, ont découvert l'animal et son odeur à la fois, comme celle du renard, musquée et acide.
Les fennecs jouent au football
Les fennecs, les footballeurs de l'équipe nationale de la République d'Algérie sont, à l'image de leur animal totem, des joueurs habiles, vifs et rusés.
Les hommes deviennent des fennecs
Erwin Rommel, général allemand commandant le redoutable Deutsches Afrika Korps pendant la seconde guerre mondiale fut surnommé le Renard du désert.
Les dogons et les renards
Au Mali, réfugiés au cours des siècles au flanc d'une immense falaise, les Dogons, isolés, ont survécus en consultant les oracles. Ils s'en remettent pour prendre les grandes décisions à la sagesse de celui qui est un de leurs ancêtres : le renard.
Quand dois-je vendre mon bétail ? Mon fils doit-il quitter le pays pour aller chercher la fortune en France ?
Le soir venu, un sage, souvent un chasseur de cette caste qui là bas sait faire le lien entre l'esprit des bêtes et celui des hommes, trace dans le sable des formes géométriques parmi des petits cailloux et des brindilles judicieusement disposées puis appâte l'endroit avec des arachides. Le lendemain, il démêle l'entrelacs de traces laissées par le fennec (ou par le renard famélique ou par le chacal, eux aussi habitués de la région) et révèle l'avenir.
Les fennecs et la littérature arabe
Le renard en arabe se dit ta'lab
IBN-AL-MUQAFFA‘ (724-759, VIII° Siècle).
Du livre de Kalila Wa Dimna
Le renard et le tambour
C'est une fable sur l'apparence et la réalité des choses.
On raconte qu'un renard passait dans un bosquet où pendait un tambour, accroché à un arbre. A chaque fois que le vent soufflait dans les branches, celles-ci remuaient et venaient frapper le tambour, et cela produisait un grand vacarme.
Attiré par ce grand bruit, le renard se dirigea vers le tambour ; arrivé près de lui, il le trouva gros et fut persuadé qu'il contenait quantité de lard et de viande.
Il le manipula jusqu'à ce qu'il l'eût fendu, et il s'aperçut qu'il était vide.
Alors il dit :
- "Cela me dépasse. Je me demande si les choses les plus viles n'ont pas la sonorité la plus belle et l'ossature la plus volumineuse".
Al- SHARÎSHÎ (1162-1222, XII°-XIII° Siècle)
On raconte qu'un jour, ayant soif, le renard aperçut un puits sur la poulie duquel était fixée une corde munie d'un seau à chaque bout. Il s'assit dans un des seaux et fut entraîné au fond, où il se désaltéra.
Advint une hyène qui, regardant au fond du puits, crut distinguer un croissant de lune dans l'eau, et vit un renard tapi à côté.
- Que fais-tu là-dedans ?, lui demanda-t-elle.
- J'ai mangé la moitié de cette miche de fromage, lui dit-il, et il reste l'autre moitié pour toi ; descends donc la manger.
- Comment faire pour descendre ?, interrogea-t-elle.
- Assieds-toi sur le seau du haut, dit le renard.
Elle s'assit dans le seau et son poids l'entraîna vers le fond, pendant que le renard montait dans l'autre seau.
Lorsqu'ils se rencontrèrent au milieu du puits, l'hyène demanda au renard :
- Qu'est-ce que c'est cela ?
- C'est là que nos chemins divergent, répondit le renard.
Ce fut le début d'une inimitié que les Arabes considèrent comme proverbiale.
IBN AL-AWZÎ (1186-1256, XII°-XIII° Siècle)
Le lion, le loup, et le renard
Le renard, tout aussi fennec et minuscule soit-il est puissant grâce à ses ruses.
Le lion tomba malade.
Tous les animaux sauvages vinrent lui rendre visite, sauf le renard ; le loup en profita pour le calomnier et raconter des propos mensongers sur son compte.
S'adressant au loup, le lion lui dit :
- Si le renard se présente, préviens-moi.
Entre-temps, le renard fut mis au courant des agissements du loup.
Lorsque le renard arriva, le loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard :
- Où étais-tu, brave cavalier ? Le renard répondit :
- J'étais parti en quête d'un remède pour Sa Majesté.
- Et qu'as-tu trouvé ?, demanda le lion, intéressé.
- On m'a conseillé le remède suivant : un osselet de la patte du loup.
Le lion asséna alors un coup de griffe qui mit en sang la patte du loup, mais ne trouva rien.
Le renard s'éclipsa, puis il vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit :
- Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu t'assieds chez les rois, de retenir ta langue.
Article réalisé par Jean-Pierre Fleury et Malek Mouelhi.