Comment gamal est devenu chameau et dromadaire ?
Nos anciens à l'instar des anglais qui les appellent indifféremment camel qu'ils aient une ou deux bosses, n'avaient pas encore découvert le mot dromadaire et appelaient tous les "vaisseaux du désert" : chameaux.
Le chameau Arabesque a une grosse bosse sur le dos, le Médois en a deux.
Avant tout, il faut se souvenir que Mahomet, le Prophète, eut pour premier métier celui de chamelier.
Le chameau qui porte l'étendard d'or, que la caravane de pèlerins va offrir sur le Tombeau de Mahomet à la Mecque, est exempt de porter un fardeau le reste de sa vie. On prétend même que cet heureux animal ressuscitera et jouira des félicités du Paradis éternel.
Le chameau doit être respecté tant que créature de Dieu et s'est plus prosaïque également comme élément essentiel de la sécurité d'un voyage dans le désert.
Cet animal est porté en haute estime. Son nom arabe Gamal est un prénom courant, comme en témoigne celui du Raïs, fondateur de la République d'Egypte, en 1956, Gamal Abdel Nasser.
Comment bien soigner son chameau ?
Voici quelques préceptes énoncés il y a quelques siècles et qui peuvent être observés encore de nos jours.
Un chameau aime la musique
Le maître doit le suivre en chantant et en sifflant. Plus il chante fort et mieux il marche.
Attention quand même à trop siffler on risque de faire pisser son chameau.
Siffler aux oreilles d'un cheval ou...d'un chameau est la méthode utilisée pour que l'animal s'allège avant un effort ou une course. Dans ma petite enfance, lorsque je me mettais à siffler dans la maison, j'entendais les anciens me dire "arrête de siffler, tu n'es pas une écurie".
Un chameau ne s'étrille pas comme un cheval, il se bat comme un tapis.
Le poil de chameau est tellement dense, seuls des coups de badines peuvent venir à bout de la poussière du désert.
Il faut goudronner son chameau
Lorsqu'au sortir de l'hiver le chameau mue, sa peau à nu est attaquée par des myriades d'insectes, pour le soulager seule une bonne couche de goudron est efficace.
Le chamelier doit être attentif aux petits caprices de son chameau. Il doit se souvenir que son compagnon de route a une aversion prononcée pour les chevaux, le lions et c'est plus inattendu pour ... les thons.
Le chamelier doit savoir laisser faire la nature. Lorsque le moment du rut arrive, il doit laisser son reproducteur s'isoler avec une des femelles de son harem et lui donner le temps pour ses amours. L'étalon couvre la femelle pendant une journée entière !
Le chameau peut-il baraquer ? Yes it can…
Lorsqu'un chameau s'abaisse pour recevoir la charge, on dit qu'il baraque. Cette action parait tellement pénible et contre nature qu'on a longtemps cru qu'on devait le martyriser dés la naissance pour obtenir cette soumission. Voilà comment un Sieur Tavernier décrit la chose au 18éme siècle : "le chameau a cela de particulier, qu'on l'accoutume à se baisser pour recevoir la charge. Car dés qu'il est né, on lui plie les quatre pieds sous le ventre, on lui met un tapis sur le dos dont les bords sont chargés de pierres, afin qu'il ne puisse pas se relever pendant vingt jours".
Etymologie
Le dictionnaire de Trévoux, au 18ème siècle donne une origine hébraïque au mot chameau. Selon Nicot, il vient de gamal qui a donné camelus en latin. Mais, selon Iso Magister, il viendrait d'un mot grec qui signifie curvum, les courbes, à cause des bosses qu'il a sur le dos. Charleton s'égare mais donne une origine plus originale, chameau viendrait d'un mot grec qui signifie "je travaille". En français moderne qu'il ne pouvait pas connaitre on pourrait traduire : "je bosse"...
Dans le chameau tout est bon
Le chameau donne son poil, il sert à remplir des matelas, il fait des cordes, des sacs, des couvertures, on le feutre pour faire des tentes.
Il donne son cuir pour faire des livres, des malles, des chaussures.
Il donne sa viande qui est excellente quand elle est fournie par de jeune animaux.
Il donne sa graisse pour faire la deroua qui est un mets "délicieux" d'après le Général Daumas (Du Chameau d'Afrique, 1854). Cette graisse est utilisée dans les lampes pour l'éclairage.
Il donne ses os, qui une fois blanchis et polis sont travaillés comme de l'ivoire.
Il donne sa bouse qui sert de combustible.
Il donne son lait. Le lait de la chamelle est extrêmement riche au point d'intoxiquer ceux qui n'en ont pas l'habitude. Ce lait sert à préparer les aliments, et sert à atténuer les effets "pernicieux" causés par l'ingestion trop fréquente de dattes.
Il est monnaie d'échange ou plutôt étalon-or
Une fiancée peut étalonner sa beauté et son intérêt aux yeux de son promis au nombre de chameaux qui sera proposer pour son achat.
Il donne sa vie et son eau. En toutes dernière extrémité le nomade avant de mourir de soif, éventre son chameau et s'abreuve de l'eau contenue dans son estomac.
Il donne son nom à une lettre de l'alphabet grec. Gamal serait devenu Gamma, en raison de sa similitude de forme avec le cou d'un chameau.
Quelques petits inconvénients quand même, les chameaux ne sont pas parfaits
Le chameau a une haleine fétide qui évoque celle d'une charogne mélangée au parfum d'un skons.
Le chameau a mauvais caractère, il est mordeur et capable d'infliger des graves blessures. Il manifeste son mécontentement en régurgitant et en agitant frénétiquement la partie supérieure de ses organes digestifs, cette manifestation hautement inesthétique s'accompagne de borborygmes étranges rappelant le bruit d'un évier qui se débouche.
Le chameau ne crie pas, il blatère.
Les chameaux sont-ils sobres ?
Les chameaux sont loin d'être sobres si on se réfère à la définition que donne le Larousse de la sobriété : Tempérance dans le boire et le manger. Nos animaux sont des monstres d'intempérance puisqu'ils sont capables d'un seul coup de boire plus d'une centaine de litres d'eau. Si au contraire on se réfère à leur extraordinaire faculté de se contenter, quand ils en sont obligés, de presque rien là on peut peut-être parler de sobriété.
Les chameaux et les dromadaires des travailleurs infatigables
Capables de marcher des semaines sans boire, se contentant de peu de nourriture, supportant des charges de plus de cent kilos, ils ont fait avec les hommes, pour les hommes des milliards de kilomètres depuis les premiers temps de leur domestication il y a 5 000 ans.
Pas de Route de la Soie, pas d'échanges de marchandises rares, pas de sel sans les caravanes qui se croisèrent pendant des siècles de la mer de Chine à l'Atlantique.
De nos jours certains sillonnent encore les déserts d'Ethiopie, de l'Arabie et du Sahara. Les chameliers expliquent avoir choisi les chameaux plutôt que les camions en disant simplement : un chameau ça ne tombe jamais en panne.
Les chameaux et dromadaires dans l'art de la guerre
Les chameaux de Bactriane étaient utilisés par les Persans comme une forteresse vivante. Ils les chargent d'un bât lourd qui est l'affut d'une petite pièce de canon.
Les dromadaires sont les véhicules essentiels des guerres arabes. Sans eux les Légions bédouines emmenées par Lawrence d'Arabie n'auraient pas pu vaincre les blindés ottomans.
L'Armée française a longtemps compté dans ses rangs des méharistes.
Un méhariste était monté sur un dromadaire ou mehari en arabe. Ces troupes étaient chargées de la pacification des régions sahariennes de l'Empire français.
Les chameaux et dromadaires compagnons de loisirs
Des courses de dromadaires (appelés Hogen) ont lieu depuis la nuit des temps tous les jours dans le désert. Maintenant des compétitions très officielles et encadrés ont lieu dans des camelodromes modernes à Laäyoune au Maroc ou dans les émirats. Un crack peut être revendu plusieurs dizaines de milliers de dollars.
Les chameaux traversent la mer
En Amérique du Sud, au 15ème siècle, les Espagnols débarquent au Chili sur des chameaux.
Les dromadaires participent également à la conquête de l'Australie. Ils sont utilisés pour transporter les rails de chemin de fer, puis pour l'exploitation des mines de sel.
En Australie, près de 60 000 chameaux sont retournés à l'état sauvage et ont réussi à survivre au point que, par endroits, posent de graves problèmes de surpopulation.
Les chameaux dans les arènes
Des combats sont organisés en Asie de l'Inde jusqu'en Turquie.
Les plus puissants des chameaux doivent s'affronter comme ils s'affronteraient dans la nature pour la possession du harem. Les animaux hurlants et couverts de bave sont surexcités. Quarante hommes armés de bâtons sont nécessaires pour les séparer à l'issue du combat.
Voici un extrait du règlement encadrant les combats à Selcuk, Turquie.
Premièrement, avec son apparence imposante, le chameau fera fuir son rival. Deuxièmement, un des chameaux devra faire hurler l'autre en le coinçant et le mordant. Et enfin, il y a la victoire remportée lorsqu'un des propriétaires décide de retirer son chameau du combat pour qu'il ne subisse pas plus de souffrance. Sur quoi, le propriétaire jettera la corde de son chameau parterre, ce qui signifiera que son chameau a été battu.
Le camélia, l'herbe à chameau ?
Cette superbe fleur n'a rien à voir avec ces arbustes que l'on voit rouler, poussés par les vents du désert et qui constituent une bonne part de la nourriture des chameaux. Pourtant le camélia est une fleur que Joseph Kamel (chameau en allemand), un botaniste tchèque ramena de Chine en 1739.
Linné lui attribua la découverte de cette plante en latinisant son nom pour en faire le camélia.
« La Dames aux Camélias » est une oeuvre romanesque d'Alexandre Dumas fils paru en 1848. C'est une histoire d'amour entre Marguerite Gautier, une courtisane atteinte de phtisie et d'un jeune bourgeois Armand Duval. Cette oeuvre a été adaptée pour l'opéra par G.Verdi, il s'agit de la Traviata.
Article réalisé par Jean-Pierre Fleury.