Le coelacanthe est toujours vivant !!!
Le coelacanthe fait partie de ces célébrités du monde animal dont l'histoire passionnante mérite d'être connue. Il faut savoir que la famille des coelacanthidés était riche de nombreuses espèces durant l'ère Mésozoïque. Le groupe est extrêmement bien connu des paléontologues qui voient en ce poisson un proche parent des tétrapodes. Car c'est bien là tout l'intérêt de son étude : il est apparenté aux vertébrés terrestres et c'est donc également notre plus proche parent poisson. On pensait que ce groupe avait disparu voici 100 millions d'années en raison de son absence dans les strates fossilifères depuis cette période.
Tout le monde avait accepté sa disparition lorsqu'une découverte incroyable se produisit. En 1938, en se promenant dans un marché d'Afrique du sud, Miss Latimer remarqua un poisson à l'allure particulière. Ce scientifique n'était pas un spécialiste des poissons, mais ses connaissances en anatomie lui permettaient cependant de dire que ce curieux poisson ne ressemblait en rien à ce qu'elle connaissait. Elle acheta le spécimen et, de plus en plus intriguée, elle fit un croquis rapide et l'envoya au docteur Smith. Devant le croquis, le spécialiste eut un choc. Bien que dessinés de façon simplifiée, tous les caractères anatomiques des coelacanthidés étaient clairement illustrés sur ce schéma. Les campagnes de recherche de nouveaux spécimens allaient débuter et le coelacanthe allait devenir une célébrité. Miss Latimer était bien loin de penser à l'effervescence que sa découverte allait créer, mais pour le reste des temps, le coelacanthe porte son nom : Latimeria chalumnae.
Un coelacanthe, des coelacanthes
Le coelacanthe montre les traits caractéristiques des poissons sarcoptérygiens, ce groupe qui contient les espèces qui ont effectué la sortie des eaux.
On remarquera plus particulièrement les nageoires monobasales, des nageoires caractérisées par une série d'ossements qui sont l'homologue de nos membres. C'est une nageoire de ce type qui s'est transformée en pattes chez nos ancêtres. Maintenant, il faut bien comprendre que le coelacanthe n'est pas notre ancêtre direct, mais un survivant d'un groupe qui contient de nombreuses formes disparues, y compris les dits ancêtres.
Depuis 1938, de nombreuses et intenses recherches ont permis de trouver et même de filmer le coelacanthe dans son milieu naturel.
On l'a ainsi rencontré au large des Comores, du Kenya, de Tanzanie, de Mozambique, de Madagascar, et d'Afrique du Sud.
Plus incroyable encore, une deuxième espèce, Latimeria menadoensis, a été découverte en Indonésie, à Sulawesi, puis décrite en 1999. Ce coelacanthe a d'abord été repéré par hasard sur un marché par un touriste, Mark Erdmann, qui a mis la photo sur internet. Un scientifique fit alors part de la valeur de la découverte à Erdmann, qui demanda aux pêcheurs locaux de garder le prochain coelacanthe capturé. Cela ne tarda pas, en 1998, un spécimen de 30 kilos fut capturé vivant, ce qui permit aux scientifiques d'observer l'animal de son vivant, pendant environ 6 heures. Celui-ci avait une robe brune, alors que l'espèce des côtes africaine est bleuâtre. Ce spécimen est maintenant conservé à l'institut des sciences d'Indonésie.
Et l'aventure continue, puisqu'en 2007, un spécimen de 50 kilos fut capturé près de Manado et conservé vivant 17 heures dans un filet, en bord de mer, avant de mourir. L'animal que l'on croyait éteint offre en fait de vraies possibilités de recherches, et il y a fort à parier que l'histoire ne va pas s'arrêter en si bon chemin.
Ethologie des coelacanthes
La biologie et le comportement de la première espèce de coelacanthe découverte, Latimeria chalumnae, est maintenant bien connue.
Les intrusions dans le monde marin, toujours risquées par 100 mètres de profondeur coutèrent la vie à un des plongeurs. Mais les images obtenues en 2000, sur les côtes du Mozambique permirent de montrer des animaux, tête vers les bas, faisant des mouvements très lents et bougeant chaque nageoire de manière indépendante.
Les scientifiques supposent que les coelacanthes ont des phases de quasi-hibernation en profondeur, leur permettant de minimiser leur métabolisme, et de limiter leur besoin en nourriture.
Les coelacanthes sont des animaux de profondeur, ce qui explique leur discrétion. On les trouve de jour depuis 90 mètres de fond jusqu'à 700 mètres. Cependant, ils semblent monter dans la colonne d'eau durant la nuit, puisque des spécimens ont été rencontrés à une cinquantaine de mètres de fond lors de sessions nocturnes. Ces animaux se nourrissent de toutes sortes de proies qu'ils rencontrent dans leur habitat rocheux des profondeurs : calmars, seiches, anguilliformes en tout genre, mais aussi des petits requins. La reproduction est mal connue, mais on sait que le coelacanthe est ovovivipare. Cela signifie que les oeufs ne sont pas libérés dans le milieu extérieur, les petits effectuant leur croissance dans le ventre de leur mère. Cette dernière libère environ 5 juvéniles parfaitement autonomes, après un développement embryonnaire qui s'étend probablement sur 1 an.
D'après les études des stries d'accroissement des otolithes, on pense que le coelacanthe doit vivre une centaine d'années.
Fait remarquable, le poumon est vestigial chez cette espèce, alors que ces ancêtres montraient un poumon bien développé. Mais c'est précisément le changement de milieu et l'adaptation à la vie en profondeur qui a sauvé cette espèce du sort de ses plus proches parents. C'est pour cela que le coelacanthe a donné un essor considérable à la cryptozoologie, beaucoup estimant que si cela est arrivé une fois, il se peut qu'il y ait beaucoup d'autres survivants des temps passés dans les profondeurs des océans.
Les "cousins" des coelacanthes
Les dipneustes sont avec le coelacanthe les derniers poissons sarcoptérygiens vivant de nos jours.
Ce sont des poissons d'eau douce qui peuvent respirer l'air atmosphérique, ils ont des poumons fonctionnels en plus de leurs branchies.
On distingue les genres Neoceratodus, Protopterus et Lepidosiren, ces 3 genres ne contenant que des espèces dulçaquicoles, que l'on trouve respectivement en Australie, en Afrique et en Amérique du Sud.
Le dipneuste africain est capable de rester des mois dans la vase d'une mare asséchée, respirant dans son cocon de mucus, et attendant les premières pluies pour sortir.
La pauvreté spécifique actuelle reflète mal le succès évolutif passé du groupe dont on recense 14 familles d'espèces fossiles. C'est durant le Dévonien que le groupe des dipneustes a été le plus florissant. Les fossiles de dipneustes sont assez faciles à identifier car, outre l'anatomie générale, ils possèdent des plaques dentaires très particulières présentant des ornementations caractéristiques. Celle présentée sur la photo appartient à Proceratodus wagneri, une espèce du Dévonien.
L’évolution est imprévisible
Enfin, précisons que l'évolution, dans ses incessants essais, se répète souvent. La sortie des eaux qu'avaient effectuée nos ancêtres sarcoptérygiens est effectuée de nos jours par des poissons actuels, les périophtalmes, des espèces particulièrement présentes en Asie et en Afrique.
Les périophtalmes de péri (autour) et ophtalm (oeil) ont des yeux globuleux, dressés sur la tête et très mobiles, leur permettant de voir tout autour d'eux. Ces poissons de mangroves, qui sont en fait des gobies transformés, sont capables de se hisser sur les vases et même sur les branchages.
Que vont-il devenir ? Vont-ils avoir le même succès évolutif que nos ancêtres ? Vont-ils donner de nouvelles espèces d'animaux terrestres ? Nul ne le sait, car la seule règle de l'évolution, c'est qu'elle est imprévisible.
Article réalisé par Arnaud Filleul.