Histoire du congre
Toutes les personnes étant familières de près ou de loin avec les écosystèmes marins de France sont susceptibles de rencontrer cet animal. Le pêcheur à la ligne le rencontrera du bord ou en bateau.
Le pêcheur à pied trouvera des petits spécimens à l'occasion en cherchant les homards lors des grandes marées. Les pêcheurs professionnels comme les amateurs le trouveront notamment dans les filières de casiers.
Il existe une vraie pêche professionnelle du congre aux palangres, un métier qui demande une maîtrise de ses gestes lors des innombrables manipulations des spécimens de taille souvent très respectable.
Enfin, le plongeur ne manquera pas d'être impressionné par les congres énormes qui habitent les épaves de notre littoral. Bref, tout le monde peut le rencontrer, et tout le monde s'en méfie, parce qu'on dit qu'il mord... et le fait est que ce poisson très fort et toujours en mouvement peut à tout moment donner un coup de mâchoires lorsqu'il est manipulé.
Sans être très dangereuse, la morsure donne une vilaine plaie, le congre râpant profondément la peau avec ses petites dents et mettant la chair à vif sur une large surface.
Cependant, un congre qu'on ne provoque pas est avant tout un animal discret qui ne vous attaquera pas spontanément. Cet animal commun est fréquemment cité dans les ouvrages relatifs au milieu marin, on pourra ainsi citer "Les travailleurs de la mer" de Victor Hugo.
Etymologie
Le nom commun congre vient du nom scientifique conger, qui est le terme latin pour désigner l'animal.
C'est d'ailleurs une constante pour le nom du congre dans la plupart des pays de son aire de répartition : congrio en espagnol, conger eel en anglais, congro en portugais, etc.
Les congres se trouvant souvent ensemble, notamment sur les épaves, il y aurait peut-être un rapport avec le terme latin congressus, qui signifie réunion, et qui a notamment donné le mot congrès.
Les synonymes
On évitera à tout prix l'appellation anguille de mer qui lui est parfois donnée, car elle entraine une confusion presque immédiate avec l'anguille européenne, un poisson extrêmement ressemblant au congre. L'anguille européenne vit en mer comme en eau douce grâce à sa grande tolérance aux variations de salinité. Le nom commun de Conger conger doit être congre ou congre d'Europe, cette dernière appellation permettant d'éviter la confusion avec les autres membres de la famille des congridés.
Où rencontrer des congres ?
Tout notre littoral est concerné, le congre étant un poisson opportuniste qui exploite tout type d'obstacles.
Si vous habitez près de la mer, vous seriez sûrement surpris de connaitre le nombre de congres qui nagent sur la côte. Ces poissons sont très discrets de jour, les baigneurs ne les voient jamais, et les plongeurs en apnée qui longent les rochers ne les rencontrent que rarement, mais la nuit, le monde marin change.
Les congres sortent des anfractuosités rocheuses, où ils étaient totalement invisibles, et commencent à parcourir les rochers côtiers, les ouvrages portuaires, et tout endroit susceptible d'abriter des proies, ou encore des animaux morts, le congre étant un fantastique nettoyeur des fonds marins.
En pêchant depuis une pointe rocheuse, là où les promeneurs regardent le paysage le jour, il n'est pas rare de prendre 7 ou 8 congres de suite pendant la nuit. Celui qui plongerait de nuit le long des rochers tomberait immanquablement sur ces longs poissons en pleine chasse
Le congre est casanier
On a vu des congres devenus tellement gros à l'intérieur de leurs trous qu'en apparence ils ne pouvaient plus en sortir.
Jacques Lemanchois, qui pendant toute sa vie a plongé parmi les épaves du débarquement en Normandie, racontait qu'il en avait trouvait un énorme manifestement coincé dans l'habitacle d'un char américain.
Jacques Lemanchois, musée des Epaves à Port-en-Bessin
Route de Bayeux - 14 520 Commes
Tel : 02 31 21 17 06
La pêche du congre, bas de ligne en acier obligatoire
C'est un poisson vigoureux, qui tentera à tout prix de rejoindre son repère rocheux. Même s'il ne peut produire le rush d'une carangue ou d'un autre poisson connu pour sa nage rapide, il ne faut pas sous-estimer la puissance du congre. Sa pêche nécessite un montage conséquent. On utilisera un corps de ligne en nylon 60 centièmes lors des pêches de bordure, pour ne pas trop limiter les capacités de lancer. En bateau, un nylon 70 centièmes est préférable, puisque plus résistant et sans inconvénient pour la pêche, le montage étant simplement déposé à l'aplomb de l'embarcation. Le plomb sera monté sur un coulisseau de bonne qualité et l'émerillon sera lui-aussi de qualité irréprochable. Le bas de ligne sera composé d'un mètre d'acier résistant au moins à 15 kg et d'un hameçon en relation avec la taille de l'esche. Comme il est préférable de présenter des esches de bonne taille, comme une petite seiche ou un bon morceau de maquereau, un numéro 5/0 n'est pas exagéré.
A la touche, on sortira le congre d'autorité du fond pour éviter qu'il ne rejoigne son abri. C'est vrai du bord comme depuis un bateau, en particulier si l'on explore une épave. Le premier reflexe du congre est de se ruer vers les obstacles, et il faut dire qu'il est assez doué pour ça.
La pêche du bord
Le pêcheur qui désire pratiquer depuis le bord le recherchera dans les ports ou depuis les rochers, notamment les pointes rocheuses. L'essentiel est de pêcher les endroits qui offrent au congre des abris pour vivre et qui lui donnent sa nourriture. Si l'on pratique depuis les rochers, on privilégiera les zones riches en crustacés, comme les étrilles, les crabes verts et les tourteaux. Il est donc bon d'aller repérer les lieux à marée basse, pour s'assurer que les congres y trouvent leur pitance. La pêche du bord est bien meilleure que ce qu'on peut croire, il suffit de trouver le bon endroit pour enchainer de nombreuses captures. Il faut tester différents postes depuis les rochers, et toujours être prêt à pêcher dès le début de la nuit, qui est souvent le meilleur moment. Les congres sortent de leur torpeur diurne et sont extrêmement actifs durant une heure ou deux, le pêcheur devra donc exploiter au maximum le crépuscule et le début de la nuit. Celui qui voudra consommer le congre devra le tuer dès sa capture, en l'assommant, pour éviter les morsures, toujours possibles avec cet animal qui bouge sans cesse. Si vous privilégiez la remise à l'eau, vous devez ferrer à la touche pour que l'hameçon ne soit pas engamé trop profondément et utiliser des pinces pour le décrochage, ne laissez pas vos doigts traîner trop près de la gueule de l'animal.
Le congre dans les assiettes
Chez le poissonnier ne vous laissez pas "refiler" des darnes prélevées dans la partie arrière de l'animal. Plus on s'approche de la queue, plus il y a des arêtes.
Quand les pommes de terre sont bonnes et que la crème est épaisse la chair du congre prend un peu d'intérêt, autrement... De toute façon c'est toujours "la sauce qui fait ce poisson là".
En Normandie, à Granville et à Chausey, on gardait et préparait le congre de la manière suivante : le congre, accroché par la tête, était ouvert sur toute sa longueur puis vidé et nettoyé à l'eau de mer. Comme le ferait un trappeur pour sécher une peau, la femme du pêcheur écartait le poisson à l'aide de petites baguettes de bois avant de le saler, le poivrer pour ensuite le laisser au soleil le temps suffisant au séchage sans qu'il soit nécessaire de le saler. Ainsi apprêté, il pouvait se conserver comme se conserve une morue salée ou une anguille fumée.
Au moment de la préparation, il fallait bien sûr le faire blanchir dans du lait ou du cidre, ensuite... quand les pommes de terre sont bonnes et que le beurre est frais...
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.