Les premières relations des hommes et des crocodiles
Pline explique que les Romains ont longtemps étaient sans connaître les crocodiles : ce n'est qu'en 58 av J.C que Scaurus en montra au peuple. Auguste, lui en fit venir un grand nombre de vivants contre lesquels il fit combattre des hommes. Héliogabale en nourrissait.
Les crocodiles étaient pour les romains et les autres peuples des animaux redoutables. Il n'est pas surprenant qu'on leur ait attribué des vertus extraordinaires. Il n'y a presque aucune partie de leur corps à laquelle on n'ait attaché le pouvoir de guérir quelque maladie. Leurs dents, leur chair, leurs intestins, tout était merveilleux.
"Dans les pays où se trouvaient des crocodiles ils inspirèrent une grande terreur et la crainte dégrada la raison. On en fit des Dieux ; on leur donna des prêtres. La ville d'Arsinoé aussi appelée Crocodilopolis leur fut consacrée. On renfermait religieusement leurs cadavres dans les Hautes Pyramides, auprès des tombeaux des rois. Maintenant, dans cette même Egypte, où on les adorait il y a 2 000 ans, on a mis leur tête à prix. Telle est la vicissitude des opinions humaines", de la Cépède Histoire Naturelle des quadrupèdes ovipares, 1789.
Elien au 3 ème siècle parle du gavial de l'Inde. Celui-ci était décrit comme portant une corne au bout du museau.
Dans le cabinet de curiosités de Louis XVI était conservé une mâchoire renfermée dans une pierre calcaire trouvée dans les environs de Dax et qui après examen s'avère avoir appartenu à un gavial.
Les récits des voyageurs regorgent des attaques des crocodiles qui poussent la hardiesse jusqu'à monter dans les bateaux pour se saisir des matelots. Les crocodiles auraient je cite : "une réelle prédilection pour la chair des "nègres"."
Paradoxalement, Aristote parle de la facilité avec laquelle le crocodile se laisse apprivoiser.
Plus tard, le Sieur Brue dans son récit de voyage à Bissaü relate : « On a remarqué, avec étonnement, dans la rivière Rio San Dominguo, que les caïmans ou les crocodiles, qui sont ordinairement des animaux si terribles, ne nuisent ici à personne. Les enfants en font leur jouet, jusqu'à leur monter sur le dos et même les battre sans en recevoir aucune marque de ressentiment ».
Les crocodiles ont toujours été chassés
Au Sénégal, on ose l'attaquer pendant qu'il est endormi dans des endroits où il n'y a pas assez d'eau pour bien nager. Les chasseurs vont à lui audacieusement, le bras gauche enveloppé dans un cuir. Ils l'attaquent à coups de lance. Ils lui ouvrent la gueule, la tiennent sous l'eau et l'empêchent de se fermer en plaçant la sagaie entre les mâchoires, jusqu'à ce que le crocodile soit suffoqué par l'eau qu'il avale en trop grande quantité. Ce témoignage est signé Labat.
En Egypte on le capture grâce à des fosses creusées sur le trajet entre les lieux de repos à terre et l'eau.
Jean-François de la Harpe rapporte dans ses Récits de voyages 1885 : "Les sauvages de Louisiane ont une autre manière de le prendre, ils se réunissent en nombre et s'avancent au devant du crocodile. Ils portent un arbre qu'ils ont coupé par le pied. Le crocodile va la gueule béante ; mais en enfonçant leur arbre dans cette large gueule, ils l'ont bientôt renversé et mis à mort".
1920, Jean Michonnet alors âgé de 14 ans s'enfonce en pays Bavongo au Gabon pour y chasser les énormes crocodiles qui y pullulent. Ses exploits merveilleusement relatés par Christian Dedet dans la "Mémoire du Fleuve" (Phoébus, 1999) l'amènent à devenir "l'empereur du crocodile". Lui et son équipe chassent à l'occidental avec fusil et balles de gros calibre mais aussi et surtout à la méthode locale plus économe en munitions. Cette méthode est la plus simple que l'on puisse imaginer mais elle requiert un courage au dessus du concevable. Elle consiste à s'immerger dans un endroit que l'on sait être le territoire des plus gros crocodiles, à repérer les trous dans lesquels ils vivent sous la berge. Il suffit alors, en plongeant dans l'obscurité glauque de faire le tour de ces trous pour y repérer les monstres. En apnée, le chasseur tente de ligoter sa proie en essayant avant tout d'immobiliser les mâchoires (les crocos ne sont pas très puissants quand il s'agit d'ouvrir la gueule) pour ensuite hisser les plusieurs centaines de kilos de viande, de peau et de dents sur la berge, bien sûr aidé par le reste de l'équipe.
Plus récemment, Steve Irvin, a acquis une immense popularité dans le monde entier et particulièrement en Australie en animant la très appréciée émission télévisée "Crocodile Hunter".
Toujours en short et en tenue kaki devant les caméras, il savait payer de sa personne pour attraper, sans jamais les tuer ou même les blesser les plus énormes et les plus sauvages des crocodiles. Pendant 15 ans, sans autre arme que ses mains et une corde, il fut capable moyennant quand même quelques blessures, de capturer, de soigner et de relâcher les animaux les plus dangereux de la création. On le vit même descendre dans un bassin avec son nouveau né dans les bras pour nourrir une bonne dizaine d'énormes sauriens. A ceux qui mirent à cette occasion ses facultés mentales en doute, il rétorqua : "Il n'est jamais trop tôt pour apprendre les dangers de la nature".
Ce ne fut pas un crocodile qui mit fin à ses aventures et à la série télévisée. En 2006, pendant un tournage, il fut terrassé par la piqure d'une raie pastenague et l'Australie pleura longtemps celui qui pour elle incarnait l'esprit du "bush" qui habitait les pionniers.
En Louisiane et en Floride, les bayous et les Everglades sont le royaume des alligators , il faut dire "gators" si on veut être dans le coup.
Les gators ont failli disparaitre au début du 20 ème siècle (on estime à 100 millions le nombre d'alligators tués entre 1870 et 1970). C'est vers 1920 que leur situation fut la plus critique. Mais c'est à cette date qu'ils furent sauvés par les ragondins, le Tabasco et un philanthrope.
L'histoire est la suivante, elle est volontiers racontée à qui visite le musée : Usine Tabasco à Avery, Island en Louisiane : Mr Mac Ilhenny, ayant à cet endroit même fait fortune en inventant le tabasco, s'inquiéta de la quasi-disparition des castors, la principale ressource des trappeurs dans les bayous avoisinants. Pour palier ce manque de gibier à fourrure il fit venir à grands frais d'Amérique du Sud des myocastors ou ragondins. Cet acte de philanthropie réussit au-delà des espérances, les nouveaux venus se multiplièrent au point de sauver (pour un temps) le commerce des peaux et chose plus surprenante de permettre aux populations d'alligators de se reconstituer en puisant dans cette réserve de proies faciles et abondantes.
Il est amusant de noter que sans cette initiative nous ne serions pas actuellement en France envahis par les ragondins. Ces faux castors et faux rats ont continué le voyage pour finir par traverser l'Atlantique et s'échapper des fermes où ils étaient élevés pour leur fourrure.
Les alligators furent de 1967 à 1987 totalement protégés au point d'être responsables de nombreux accidents. 11 morts leur sont imputables entre 2001 et 2006.
Il est possible dans le plus petit restaurant de Louisiane de "déguster" de la viande d'alligator élevé dans une des nombreuses fermes spécialisées. La chair qui a goût de poulet est passable en combo le ragout traditionnel cajun mais est carrément détestable en gatorburger.
Les crocodiles sacrés
Le lac sacré d'Anivorano : à 75 km de Diégo-Suarez. Les énormes reptiles vivant dans ce lac seraient, selon une légende, les habitants d'un village transformés en crocodiles pour avoir refuser à boire à un voyageur.
Une procession part du village proche avec musiciens et danseurs. Les crocodiles sont sensibles à cette musique qui signifie que l'on va leur offrir la moitié d'un boeuf sacrifié en leur honneur. Aux premières notes les plus gros sortent et se réservent les endroits stratégiques pour avoir les meilleurs morceaux.
Ces crocodiles qui sont presqu'encore des humains ne sont pas chassés. Leurs congénères des lacs voisins ne bénéficient pas des mêmes faveurs. Les villageois utilisent encore des méthodes traditionnelles pour les capturer.
Une première méthode consiste à attirer à l'aide d'un appât l'animal dans une sorte d'étroit goulet dans lequel il ne pourra pas se retourner. Le crocodile étant du fait de sa morphologie incapable de faire la moindre marche arrière, n'a d'autre alternative que de voir son trépas arriver sous la forme de coups de machette.
Une autre méthode consiste à repérer sur le sable la trace que laisse un crocodile quand il va à terre pour prendre la chaleur du soleil. Les chasseurs malgaches parsèment ce trajet de scorpions qu'ils attachent vivants prêts à en découdre et à piquer tout ce qui passe à leur portée. Les crocodiles qui sont très sensibles au venin de scorpions meurent quelques mètres plus loin.
En Côte d'Ivoire, à Yamassouko, des crocodiles gardent le palais du président défunt Houphouêt Boigny. Ces crocodiles atteignent de belles tailles (5 m) en profitant de la nourriture offerte par les visiteurs. C'est là que se situe une histoire que l'on raconte depuis longtemps en Afrique : Une riche américaine visite le palais en compagnie de son adorable caniche nain qui ne quitte jamais ses bras protecteurs. Cette dame s'entiche de nourrir les monstres qui se prélassent devant elle. Elle lance en leur direction un morceau de poulet que l'on venait de lui vendre au demeurant fort cher. Le gentil toutou à sa mémère pensant qu'il s'agit d'un jeu de baballe se précipite et disparait immédiatement dans la gueule du saurien étonné d'avoir enfin autre chose à se mettre sous les dents que du poulet, toujours du poulet.
Des larmes de crocodiles : Celles de l’hypocrisie
Le tyran Idi Amin Dada qui terrorisa l'Ouganda au milieu des années 70 se réjouissait en feignant de s'en plaindre de l'efficacité des crocodiles qui disait-il l'aidaient dans sa politique en faisant disparaître les cadavres de ses opposants.
Article réalisé par Jean-Pierre Fleury.