Le castor s’est longtemps appelé bièvre
Nombreux sont les localités, les cours d'eau et les lieux dits qui se réfèrent à la présence ancienne du castor. La rivière Bièvre en région parisienne, le village de Lamotte Beuvron en Sologne dont le nom rappelle son origine : une motte féodale établie près de la rivière Beuvron (étymologie de Beuvron : "rivière des castors", du mot celtique beber signifiant castor).
Souvent, ces endroits ont ceci de particulier que la plupart des gens ignorent ces rappels du passé. Cela tient au fait qu'à partir du 12ème siècle, le terme savant "castor" (d'origine grecque) a remplacé progressivement le nom vernaculaire de l'animal, à savoir "bièvre" (d'origine celtique). Seul ce dernier se rencontre en toponymie car le mot "castor", qui a supplanté l'autre à une époque où la raréfaction de l'animal s'accentuait, n'a plus réussi à créer des lieux-dits.
Étymologie
Le terme français "castor" a été reçu du latin castor, qui l'a lui-même emprunté au grec (Kastôr). Dans la tradition latine, l'étymologie qui a prévalu explique le mot par le verbe castrare (châtrer, castrer). Les peuples de l'antiquité utilisaient en effet dans leur pharmacopée le castoréum sécrété par des glandes localisées à la base de la queue, mais qu'ils assimilaient aux testicules. Ils chassaient le castor pour se procurer cette substance aux multiples propriétés curatives, objet d'un véritable commerce et même, vu sa relative rareté, d'un trafic de substitution. Ils croyaient généralement, en dépit de la réfutation opposée par certains de leurs auteurs mieux informés, que l'animal se mutilait en arrachant leurs testicules pour éviter la capture. Ce comportement défensif serait à l'origine du nom castor. Pareille étymologie n'a aucune valeur ni zoologique ni linguistique.
Elle a cependant survécu dans la tradition médiévale et, au-delà, dans les croyances populaires européennes. Le nom grec de castor rappelle celui de Dioscures Castor, littéralement "Le Brillant, le Lumineux". Mais les raisons d'un éventuel transfert sont loin d'être élucidées.
Les Grecs de l'antiquité ne se sont pas eux-mêmes expliqués là-dessus. En tout cas, les textes disponibles ne contiennent rien de significatif. Les lexicologues modernes font état du rôle que jouait Castor comme protecteur de la santé des femmes et supputent que le nom du dieu aurait été étendu à l'animal fournisseur du castoréum, lequel était utilisé notamment dans les remèdes des maladies gynécologiques. L'évolution aurait été la suivante, selon une progression dont il existe d'autres exemples: "l'animal de Castor", de là le "Castor", enfin le castor. Pareille spéculation mérite encore d'être confirmée...
Le castor est un grand constructeur
Olaus Magnus écrit en 1555 : "Ils coupent les arbres avec leurs dents et transportent jusqu'à leur gite ; dans ces occasions un vieux castor, paresseux qui se tient toujours éloigné de la société, est mis en réquisition. Les autres le renversent sur le dos, lui chargent le bois entre les pattes comme sur une voiture, le traine jusqu'à leur huttes, le déchargent, pour recommencer ce manège jusqu'à ce que leurs constructions soient finies".
Cette technique de transport est du type de celle que l'on attribue aux rats pour transporter des oeufs et qui a inspiré les plus grands illustrateurs.
Toussenel écrit 19ème siècle dans l'Esprit des Bêtes : "Dieu a pourvu le castor d'une magnifique truelle (la queue écaillée), d'une double scie (la paire de dents incisives), il l'a doué de mains comme l'homme, le tout pour en faire un ingénieur des ponts et chaussées de première classe".
L'association des Castors fut très active au sortir de la guerre au moment de la grande crise du logement. Il s'agit d'une association d'entraide reconnue d'intérêt publique qui regroupe des individus entreprenants ayant pour but de construire leurs propres maisons. L'Union faisant la force, le savoir faire et l'envie de chacun multipliés par le nombre, c'est des dizaines de milliers de maisons qui furent solidairement construites permettant à beaucoup de foyers d'accéder à la propriété. De là à prétendre que ces courageux construisaient leurs maisons avec leurs queues... Il n'y avait qu'un pas que les plaisantins franchissaient allègrement.
Étant considéré comme "l'ingénieur de la nature" en raison de son ingéniosité, sa maîtrise des travaux hydrauliques, et ses constructions, le castor figure sur de nombreux blasons. Il est présent notamment sur les armoiries de Bièvre, commune forestière belge.
Il est la mascotte de plusieurs universités aux Etats-Unis et au Royaume -Uni.
Le castor est l'emblème officiel du Canada et de l'État d'Oregon aux États-Unis.
Le castor est un pharmacien
Le castoréum est considéré comme une panacée, c'est bien sûr exagérer ses vertus mais...
Le castor se nourrit d'une grande quantité d'écorces et feuilles de solanacées comme les saules et les osiers. Ces arbres sont réputés pour contenir de grandes quantités d'Acide Acétylsalicylique autrement dit d'aspirine, le médicament actuel se rapprochant le plus de la panacée.
Sans le savoir nos anciens avaient constaté que le castoréum contient de l'aspirine puisqu'ils en préconisaient contre les maux de têtes ainsi que pour "fluidifier les mois des femmes".
Le castoréum est l'une des six matières premières animales de la parfumerie avec le musc, l'ambre gris, la civette, la cire d'abeille et l'hyraceum. Son odeur tient du cuir, de l'huile animale, de la fourrure.
La fourrure du castor, réduite à son duvet est très estimée. Les poils soyeux en sont retirés et sont feutrés pour faire des chapeaux, ou tissés pour faire des gants, des rubans et des étoffes. La chair du castor passe pour excellente lorsque l'animal s'est nourri de nénuphars ; celle de la queue est regardée comme un mets très délicat.
L'Eglise assimilait la chair du castor à celle du poisson et en permettait la consommation en temps de carême et de jeun.
En Sibérie, un collier fait de dent de castor empêche les maux de dents des enfants. Les os de cet animal y guérissent aussi des maux de pieds.
Pour palier sa quasi-disparition en Floride à la fin du 19ème siècle et éviter la faillite des petits trappeurs, un philanthrope ayant fait fortune en inventant et commercialisant le Tabasco eut l'idée de faire venir d'Amérique Centrale des cousins des castors, les ragondins appelés également nutrias. Son initiative fut un succès au point que les derniers castors furent momentanément sauvés, que les trappeurs purent vendre leurs peaux aux anglais qui se "toquèrent" de chapeaux faits de poils de myocastor. Des élevages firent flores dans le Sud des Etats-Unis et la mode aidant quelques années plus tard en Europe. Depuis ces bestioles se sont enfuis de leurs enclos, ont fait souche et prolifèrent sous le nom peu enviable de ragondin.
Homonymes
Un castor est un chapeau fait de feutre de castor.
Le castor est une sorte de torchis dans la région de Beauvais.
La castorine est une étoffe fine faite de laine et de poils de castor.
On disait péjorativement de quelqu'un c'est un demi-castor quand un individu cherchait à paraitre au dessus de son rang et que manifestement il n'avait pas de quoi se payer un chapeau en peau de castor.
Simone de Beauvoir était appelée par Jean-Paul Sartre, Castor. Ce surnom tient à la consonance entre Beauvoir et Beaver (le castor dans la langue de Shakespeare). Simone de Beaver devint pour ses intimes, Castor.
Article réalisé par Éric Tournier et Jean-Pierre Fleury.