Étymologie
Le mot lapin a une origine un peu nébuleuse, il viendrait de lap qui est déformation du mot clapier.
En latin il était cuniculus, le mot s'appliquait à la fois à notre animal et à une petite galerie souterraine.
Que n'a t-il gardé son nom ancien de connil ou conin qui le désignait, dans notre vielle France, quand le renard s'appelait encore goupil et le blaireau tesson.
Le mot se retrouve encore dans cuniculture qui désigne l'élevage du lapin.
Seulement voilà au cours des siècles le mot conin a pris une toute autre acception, sans doute à cause d'une similitude dans son aspect velu et peut être soyeux. Le sexe de la femme à pris le nom de conin pour créer ensuite le mot... con.
C'est peut être mieux de plus mêler notre bestiole à toutes ses conneries, sa réputation n'a pas besoin d'un tel voisinage pour être déjà celle d'un chaud lapin. Le problème se pose quand même aux observateurs ayant les idées mal placées quand ils tentent une explication à l'origine du mot lapine...
Cette histoire de cons à de quoi étonner les toulousains qui, dans leur parler de tous les jours, font de la résistance sans le savoir en remplaçant les virgules et les points par le mot con, con.
Dans les langues saxonnes le lapin s'appelle rabitt ... ne croyez pas que je continue dans le même registre. On a longtemps appelé les lapins rabotte dans le Berry, robète dans le Nord et encore de nos jours Raboliot en Sologne. Ce mot perdure dans les dictionnaires modernes sous forme de raboulière, ce trou où la lapine met bas ses lapereaux et de rabot, cet outil de menuisier qui est munie d'une grande dent (de lapin) pour rectifier les bois en les rongeant.
Le héros de Genevoix, Raboliot, est malin comme un lapin qui se joue d'un chasseur, un raboliot est un braconnier qui se joue des gardes.
Trêve de connerie donc, un pays ami et voisin tiendrait son nom du fait qu'il apparaissait aux voyageurs comme le pays des connils : des savants ont écrit que le lapin avait baptisé l'Espagne, comme le coq, l'ancienne Gaule. Hispania, viendrait d'un mot carthaginois, spanim, qui signifie lapin.
Il est venu d'Afrique, qui l'a donné à l'Espagne, où il s'était si rapidement propagé que Catulle, surnommait cette dernière contrée cuniculosa, lapinière.
Toussenel, L'esprit des bêtes : "J'ai connu en Champagne un garde, qui pipait les lapins, au moyen d'un appeau, comme le rouge-gorge, et qui le faisait sortir plus vite que le furet. L'art de piper le lapin a été très anciennement pratiqué en Espagne, où le verbe chillar a été inventé pour spécifier ce procédé qui est encore utilisé en Provence".
Le lapin est fils du soleil, comme les Incas.
Le lapin a plutôt bonne réputation
La toilette du lapin
L'expression populaire, il est propre comme un lapin qui souligne une propreté remarquable d'une personne, est fondée sur l'observation de la longue et méticuleuse toilette du lapin.
Avant même que l'on soupçonne l'existence de l'horrible myxomatose qui chacun le sait est conservée par les puces et transmise par les moustiques, les savants fous et les gardes chasse, Henri Coupin écrivait dans Animaux excentriques en 1904 :
"Sous le rapport de la toilette les rongeurs sont certainement les plus délicats des mammifères. C'est presque une question pour eux, de vie ou de mort, car ils sont d'une complexion très délicate qu'abat le moindre parasite ou le moindre microbe. La propreté des souris, des surmulots est des lapins est bien connue de tout le monde. Ils ont comme instruments de toilette leurs fortes incisives, leurs langue, leurs lèvres charnues, leurs ongles dont ils se servent comme un peigne et enfin leur pouce rudimentaire".
Le lapin fait ça comme un lapin
Et chacun y va de son calcul en constatant que c'est miracle que la terre ne soit pas complètement recouverte par les lapins. Un naturaliste à calculer qu'en admettant pour chaque femelle sept portées par an, chacune de huit petits ont obtient, en quatre ans, le chiffre énorme de 1 274 840 individus.
Le culinophile De Cherville, à l'occasion du chapitre intitulé Jeannot qu'il consacre à notre animal dans Histoires Naturelles en action (Ah, le beau titre !) confesse à la fin du 19 ème siècle :
"J'ai pour le lapin une prédilection particulière ; Le désir de pousser sa connaissance jusqu'à la gibelotte entre peut être pour quelque chose dans cette sympathie, mais elle est bien davantage la conséquence de l'intérêt qu'excite en moi la physionomie enjoué et mutine, la vivacité fantasque et la philosophie de ce démon familier de nos bois.
Ce prolétaire de la gent léporine a l'insouciance de cette condition sociale, quand aucune passion politique n'en altère la nature. Un rien le trouble ; un rien le rassure... Il a du pauvre le don de fécondité ; que l'oeil de l'homme se détourne pendant quelques années, que le régime de compression à outrance qui pèse sur sa race soit suspendu pendant quelque temps, et la terre entière, l'avenir seront aux lapins. S'il faut en croire Pline n'a-t-il pas déjà eu raison des remparts de Tarragone en Espagne".
Il est amusant de constater qu'au moment où, Cherville poète de la chose "léporine" écrivait ces lignes, Eugène Pottier, chantre de la condition humaine, écrivait, à l'occasion de la Commune de 1870, les paroles de l'Internationale en préconisant aux prolétaires de faire du passé table rase.
On dit vulgairement, rappelle le dictionnaire de Trévoux en 1780, d'un bourgeois, qui a quelque nouvel habit qu'il est brave comme un lapin (sous entendu qu'il se croit beau comme un lapin avant ses noces), et d'une femme qui fait beaucoup d'enfant que s'est une vraie lapine.
Scarron : "Que nos femelles vagabondes autant que lapines fécondes, puissent promptement remplacer ceux que le fer a fait passer".
Lapiner, mettre bas pour une lapine.
C'est un fameux lapin, se dit d'un homme brave et vigoureux.
Cette réputation de fécondité a quand même valu au lapin ses lettres de noblesse.
Les lapins et les lièvres figurent sur les médailles de l'Espagne et la Sicile. Ils symbolisent alors l'abondance.
Impossible, ça se sait depuis longtemps, d'envisager de marier un lapin avec une carpe.
Mais une lapine avec un lièvre ça marche !
En 1885, Monsieur Roux, président de la Société d'Agriculture de la Charentea obtenu une population de métis que l'on appelle léporides. Les sujets sont féconds entre eux, ils pèsent jusqu'à 7 kg, leur chair rappelle celle du lièvre et leur fourrure est magnifique. L'auteur de l'article, sous le charme, conclut : il n'est pas douteux que tôt ou tard on finira par élever en grand les léporides... Depuis pas de nouvelle...
Le lapin est un grand voyageur
Plusieurs naturalistes et historiens font de l'Afrique de l'Est le berceau de l'espèce lapine. Elle a été ensuite introduite en Espagne, en Italie et dans le midi de la France. C'est en suivant les armées de César, conquérant des Gaules, que les lapins en s'évadant des élevages de l'intendance impériale, envahit l'ensemble de la France.
N'en déplaise aux solognots et à tous les autres, les "raboliots", symbole des petits peuples de la braconne sont des émigrés encore inconnus dans leurs pays, il y a 2 000 ans.
Strabon rapporte que depuis longtemps les lapins s'étaient multipliés en Espagne d'où des grands navires les transportaient à Ostie pour l'approvisionnement de Rome. Il ajoute qu'ils avaient tellement pullulé après leur importation aux Baléares qu'ils y renversaient les arbres, les maisons et rendaient toute culture impossible. Aussi les habitants avaient-ils envoyé à Rome une délégation pour demander qu'on leur concédât une nouvelle terre où ils pourraient vivre en sécurité.
Depuis les lapins ont continué à parcourir le monde dans les mêmes navires que les hommes. Ils ont envahi avec eux d'autres contrées comme l'Écosse au premier siècle ou l'Australie en 1859.
Ces voyages de conserve ont pourtant cessé quand les marins se sont aperçus que s'était au prix de grands périls qu'ils payaient parfois leur cohabitation avec ces quelques livres de chairs vives. Les lapins quittaient leurs cages avant d'être sacrifiés à la table des officiers et se répandaient dans tous les entreponts. A force d'en ronger les bois des oeuvres- vives, ils finissaient par provoquer des voies d'eaux et faisaient couler les bateaux.
Lorsque j'étais embarqué comme mousse, il n'y a pas si longtemps que cela à Granville, le patron de mon chalutier, pourtant homme pragmatique et sensé, virait de bord et rentrait au port lorsqu' un imprudent s'aventurait à ne serait ce que murmurer le mot lapin.
La mémoire collective des marins se souvenait des drames provoqués par notre bestiole. Par superstition le code professionnel interdisait de prononcer son nom comme il est interdit de prononcer directement le nom de Dieu. Le fautif eut il dit "celui qui à de grandes oreilles" ou celui qui est "chassé avec les furets" qu'il n'eut commis aucune faute et contraire même aurait montré son appartenance à cette marine et à ses petites habitudes...
Voyager en lapin se disait à Paris d'un voyageur assis à côté du cocher.
Le lapin est un sage et un malin
C'est La Fontaine qui a crée le personnage de Jeannot-Lapin sympathique et débrouillard.
L'aigle donnait la chasse à Maitre Jean Lapin, qui droit au terrier s'enfuyait au plus vite.
"Je vois fuir aussitôt toute la nation
Des lapins qui sur la bruyère,
L'oeil éveillé, l'oreille au guet,
S'égayoient et de thym parfumoient leur banquet".
La Fontaine, Fables, X, 15, "Discours à Monsieur le Duc de La Rochefoucauld" ou "Les Lapins", v. 10-21.
Quelques mots autour du lapin
Clapir, lorsque le lapin qui est saisit par un prédateur émet des cris de détresse, il clapit.
Le clapier, autrefois appelé loge ou lapinier dans le Doubs, est l'endroit où on élève les lapins. L'idée de prolifération qui vient aussitôt à l'esprit est à l'origine de l'emploi de ce mot pour désigner une habitation surpeuplée.
Un lapin-bélier est un gros lapin domestique qui peut atteindre le poids étonnant de 10 kg.
Une lapinière est une terrine en forme de lapin.
Article réalisé par Jean-Pierre Fleury.