Le phoque dans notre histoire et notre culture
Les phoques ont été chassés partout, qu'il s'agisse des petites espèces de phocidés jusqu'aux gigantesques éléphants de mer. Ces animaux si maladroits sur la terre ferme sont une proie tellement facile que la tentation était trop forte. De nos jours, ces animaux sont protégés, mais quelques pays continuent leur chasse, de façon encadrée.
Histoire du phoque
Retour de chasse chez les Inuits de la Baie D'Ungava, dans le Grand Nord du nouveau Québec, il y a une dizaine d'années dans le cadre d'un tournage pour Histoires Naturelles TF1 :
La chasse avait était facile. De loin, de très loin, le plus jeune des chasseurs avait repéré une minuscule boule à la surface de l'eau. Aussitôt, il avait tiré en prenant bien soin de ne pas toucher cette cible que malgré la distance il eut été capable d'atteindre sans coup férir.
Alors que je m'étonnais de cette désinvolture, on vint au secours du « niaiseux » que j'étais en m'expliquant que cette chasse avait pour but de ramener de la viande et non pas de montrer une adresse qui de toute façon n'avait plus rien à prouver. Et qu'il fallait pour cela s'approcher au maximum du phoque pour pouvoir le saisir avant qu'il ne coule après avoir reçu le coup fatal. Il s'agissait pour le moment de l'essouffler en lui faisant peur à chaque fois qu'il referait surface et l'obliger à replonger avant qu'il n'ait eu le temps de refaire le plein d'air. Et de s'avancer ainsi pour balle après balle l'avoir enfin à portée de main.
Maintenant que le travail a été accompli, nous approchons du campement. Du kayak de tête sont prestement débarqués les cent kilo de viande et de friandises que représente pour ces gens un phoque dans la force de l'âge. Aussitôt la grand-mère marmonne quelques mots à l'adresse du phoque pour le remercier de nourrir les siens. Puis, armée de son ulu, ce couteau en forme de demie lune tranchant comme rasoir, elle en entame les viscères et en extrait le foie. A peine a-t-elle terminé ce geste, qu'à l'évidence elle a déjà répété des centaines de fois, qu'une marmaille bruyante et impatiente lui fait fête.
Et la mamie comme une mamie française le ferait avec des bonbons ou des gâteaux, de se mettre à distribuer à ces chères petites têtes brunes des larges tranches de fois chaud et sanguinolent. Les cris s'en vont au fur et à mesure que les petits engloutissent leur friandise puis reviennent pour accompagner les sourires qui ornent ces bouilles épanouies et heureuses Je suis attendri en constatant qu'elles sont maculées de sang comme le sont de confiture ou de chocolat, celles de nos enfants après avoir engloutit leur gouter. La grand-mère croyant que j'aimerais une part de ce festin m'en offre une tranche. J'ai du mal à honorer son présent tant le goût en est puissant et inhabituel à mes papilles d'européen... JP Fleury.
Les Inuits furent et sont toujours des chasseurs de phoques
Autrefois ils chassaient pour utiliser l'intégralité de l'animal, de la peau jusqu'à la chair en passant par la graisse, maintenant ils le font pour la fourrure et peut être et surtout pour continuer à être des Inuits.
Depuis trois siècles, il faut admettre que tout le monde s'y est mis, et de nombreuses espèces de phocidés et d'otariides ont frôlé l'extinction.
Même en France, une colonie de phoque gris qui comptait quelques centaines de spécimens en baie de Somme a été totalement décimée pour la capture des blanchons, ces jeunes phoques à la jolie fourrure blanche.
Depuis 1987, la chasse des blanchons est interdite partout, suite aux mouvements de protestations liés aux images, assez dures il faut le dire, de l'abattage de ces jeunes animaux sur la banquise.
D'une façon générale, les phocidés sont de nos jours relativement bien protégés, même si la chasse est permise dans certains pays. Par exemple, le Canada autorise la chasse du phoque gris et du phoque du Groenland, mais des quotas ont été instaures à partir de 1971. Cette autorisation entraine des protestations vives, mais ces populations de phoques ne sont pas en danger. Pour le seul phoque du Groenland, le nombre d'individus est passé de 1,7 millions à 5,2 millions en 30 ans, de 1970 à 2000. C'est plutôt la méthode de chasse qui est en cause, les phoques étant tués à coups de gourdin (l'akapik), puis saignés. On reproche à certains chasseurs de vouloir faire du nombre durant le temps de chasse autorisé, et de bâcler la mise à mort, faisant souffrir inutilement les animaux.
Il faut cependant dire que ce sont les adultes qui sont maintenant abattus ainsi, puisque la chasse des blanchons est interdite.
La Russie et la Chine achètent volontiers les fourrures de phoques adultes. Les autres produits dérivés du phoque sont soumis à des succès variables, même si la Norvège essaye de valoriser d'avantage le corps de ces animaux.
Les guerres du phoque
Les pêcheurs des îles de la Madeleine, de Terre Neuve et du Labrador, accusent preuves à l'appui, les phoques de faire d'énormes dégâts dans les stocks de homards et de saumons, et de détruire le matériel de pêche aussi considèrent-ils comme primordial, pour les économies locales basées sur la ressource maritime, de réduire le nombre de leur concurrents.
Les images qui ont parcourues le monde de chasseurs qui massacrent à coup de gourdins les bébés-phoques ont permis de faire cesser une pratique barbare et inadmissible qui consistait, pour on ne sait quelle raison obscure, à laisser les victimes agonir en se vidant de leur sang.
L'idée de la défense des bébés phoques est en soit louable et nécessaire. Mais en toute chose l'excès génère la bêtise et l'inefficacité. Certaines attaques devinrent le fait d'activistes coupés des réalités du terrain par la distance et l'aveuglement et firent plus de mal que de bien à la cause animale.
Les activistes ont été critiqués, on leur a reproche de déformer la réalité pour collecter plus d'argent. Même certains défenseurs des animaux trouvent que trop de temps est perdu à défendre des animaux qui ne sont pas en danger, alors que de nombreuses espèces marines sont en situation plus délicate.
En France, tous ces débats autour de la chasse ne se posent pas, les phoques étant totalement protégés depuis 1961. Il faut dire qu'avec quelques centaines de phoques sur l'intégralité de nos côtes leur impact sur les stocks est certainement minime et qu'en plus la chasse ne serait guère rentable. Les colonies de phoques restant en France peuvent prospérer si elles ne sont pas trop dérangées, mais cette dernière condition reste à prouver.
Etymologie
Pinnipèdes signifie « nageoires aux pieds ». Le nom de la famille des phocidés dérive du genre-type, le genre Phoca. Ce terme est tout simplement la désignation latine du phoque.
Les synonymes
Certains phocidés possèdent plusieurs noms, avec des termes souvent empruntés aux dénominations de grands mammifères terrestres. Par exemple, le phoque commun est aussi appelé veau marin. Le plus grand des phocidés est appelé éléphant de mer. On pourra aussi citer, chez les otaries cette fois, le cas des lions de mer.
Les homonymes
Si l'on excepte les éléphants de mer, tous les phocidés ont un nom intégrant le terme « phoque », ce qui veut dire qu'il faut soit utiliser le nom commun complet, soit le nom scientifique en latin, pour savoir de quelle espèce on parle. Notons comme exemple les espèces suivantes : le phoque commun, le phoque du Groenland, le phoque à capuchon, le phoque gris, le phoque annelé et le phoque barbu, ce qui vous donnera au passage la liste des espèces chassées dans l'Atlantique Nord.
On ne confondra pas phoque et foc, ce dernier terme désignant la voile triangulaire à l'avant d'un voilier.
En anglais phoques et otaries sont appelées du même nom : seal.
Quant aux moeurs que l'on prête à ces animaux en leur attribuant des habitudes que l'on avait l'habitude de qualifier de contre nature, il semblerait que ce malentendu ait pour origine la consonance qui existe entre le nom commun phoque en français et le verbe fuck dans la langue de Shakespeare. Les anglophones apprécieront, les autres consulteront le dictionnaire.
Où rencontrer des phoques en France ?
Il existe deux colonies de phoques gris à la pointe de la Bretagne, et 3 colonies de phoques communs, cette dernière espèce étant présente depuis la baie du mont-Saint-Michel jusqu'à la Somme, avec la majorité des spécimens en baie de Somme. Ces phoques sont en général peu dérangés, et en ce qui concerne les phoques gris, beaucoup ignorent jusqu'à leur existence, y compris les habitants du coin. Lors de ma dernière visite sur une des colonies de phoques gris, nous sommes restés une demi-journée à les observer, et nous étions le seul bateau sur l'eau ce jour-là. C'est tant mieux, car ces animaux aiment la tranquillité, et quittent leur rocher pour se jeter à l'eau si on l'approche de trop près. A ce sujet, il faut savoir que les côtes françaises sont d'une façon générale trop fréquentées pour les phoques, et ce n'est pas un hasard si on les trouve dans les zones les plus calmes de notre littoral. Il faut savoir qu'il n'existe que quelques centaines de phoques en France, alors que pour le seul phoque gris, on compte 150 00 spécimens au Canada et 130 000 spécimens dans les îles britanniques.
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.