Si par un hasard de plus en plus rare vous découvrez des pieuvres sur l'étal de votre poissonnier favori, n'hésitez pas à en faire l'emplette. Mais choisissez votre future compagne de table parmi celles qui ont encore quelques reflets bruns. Une fois rentré chez vous avec un de ces octopus, assurez-vous que votre poissonnier ait pris soin d'éviscérer sa poche.
Bien que devenue flasque depuis sa sortie de l'eau, la pieuvre a, sinon la peau dure, la chair bien moins tendre qu'une escalope de veau. Afin de la rendre parfaitement consommable, il vous faut donc l'envelopper dans un torchon et battre durant quelques minutes sans omettre un seul de ses huit tentacules.
Une fois ce travail d'attendrissement mené à bien à l'aide d'un rouleau à pâtisserie ou d'un fer à repasser d'arrière-grand-mère, salez et poivrez sans lésiner un court-bouillon aromatisé de thym, de laurier et corsé d'un verre de vin blanc très sec ou de cidre dur. Mais, ne me demandez pas pourquoi, parce que je vous répondrais que je n'en sais rien mais que c'est comme ça : n'utilisez surtout pas de persil !
Plongez votre pieuvre battue à point dans votre faitout, portez-la à ébullition et laissez-la au feu durant vingt minutes encore. Dans une grosse casserole, faites cuire deux pommes de terre par personne, des petits navets, des carottes cultivées dans le sable, trois blancs de poireaux entiers et un gros oignon planté de quelques clous de girofles.
Bien sûr, vous savez faire une mayonnaise, une vraie, montée à la fourchette sans vinaigre, sans sel ni poivre, ingrédients en l'occurrence superfétatoires puisque déjà abondamment présents dans la moutarde. Parmi toutes les origines supposées de la mayonnaise, celle qui prévaut remonterait au 17ème siècle lorsque, afin de mater la grogne de ses marins et soldats lassés de ne plus manger que de la viande avariée lors du siège de Mahon, la capitale de Minorque aux Baléares, l'amiral Richelieu leur fit servir une sauce composée d'huile et d'oeufs battus. Mais d'où qu'elle vienne, votre mayonnaise si simple à réussir se transformera en un délicieux aïoli pour accompagner votre pieuvre. A condition que vous l'ayez montée dans un récipient dont vous aurez au préalable frotté les bords et le fond avec quelques gousses d'ail et utilisé de l'huile d'olive.
Tranchez votre pieuvre cuite, dressez ses morceaux sur un plat au milieu des carottes, des pommes de terre et des navets que - là ce n'est pas interdit -, vous napperez de persil plat finement haché. Il ne vous reste plus qu'à déguster votre octopus tiède en l'accompagnant d'un véritable cidre bouché de bonne ferme ou d'un petit blanc de Chablis coquin et gouleyant.
Article réalisé par Georges Fleury.