Comment reconnaître la truite ?
Une truite n'y retrouverait pas ses petits !
Notre truite autochtone salmo trutta présente une écologie et une morphologie très variable, ce qui entraîne un problème non résolu sur la dénomination des différentes écomorphes. Traditionnellement, on distingue quatre sous-espèces de la truite en France : la truite fario (Salmo trutta fario), la truite de mer (Salmo trutta trutta), la truite de lac (Salmo trutta lacustris) et la truite de Corse (Salmo trutta macrostigma). Mais dans les faits, la situation est beaucoup plus complexe.
Le statut des truites fario, de mer et de lac ne correspond pas à la définition d'une sous-espèce, car leurs caractéristiques ne dépendent pas d'un isolement géographique. En fait, dans la même rivière, certaines truites issues de la même ponte peuvent rester sédentaires quand d'autres vont migrer en lac ou en mer. Il s'ensuit des morphologies et des tailles totalement différentes, dépendantes du milieu environnant. Il s'agit d'écomorphes, c'est-à-dire de morphes dépendants de l'écologie de l'animal. On parlera donc de préférence de Salmo trutta morpha fario, Salmo trutta morpha trutta, Salmo trutta morpha lacustris.
Pour la truite de Corse, le problème est inverse. Il n'y a pas d'échange génétique entre la truite de Corse et celle du continent. Or, la truite de corse est différenciable anatomiquement de la truite du continent, ces deux conditions pouvant lui valoir le statut d'espèce à part entière. Comme le cas n'est pas tranché, nous en resterons à Salmo trutta macrostigma, donc une sous-espèce.
Description
Les différentes formes de la truite autochtone (Salmo trutta) se reconnaissent principalement grâce à leur robe. Toutes les formes présentent de petites écailles (115 écailles le long de la ligne latérale), des nageoires ne présentant que des rayons mous, une seule nageoire dorsale, des nageoires pelviennes en position abdominale, et une nageoire adipeuse qui précède dorsalement le pédoncule caudal. La bouche est assez grande, avec un maxillaire qui se prolonge en arrière du niveau de l'oeil. Le bord postérieur de la nageoire caudale est presque droit, mais il parait échancré lorsque ladite nageoire est légèrement repliée.
La truite fario (Salmo trutta morpha fario)
L'écomorphe de rivière, dite truite fario, est un poisson magnifique. La robe est le plus souvent brune à jaune, avec de nombreuses ponctuations noires et des tâches rouges moins nombreuses. Il est fréquent d'apercevoir un liseré blanc sur les bords inférieurs des nageoires pelviennes, anale et caudale. Chaque bassin ou même parfois chaque rivière possède sa souche autochtone avec sa livrée originale où les tâches rouges et noires sont réparties de manière spécifique.
La truite de lac (Salmo trutta morpha lacustris)
La robe est en général argentée, mais selon la durée du séjour en lac, elle peut également être assez proche de celle de la truite fario. Le plus souvent, la truite de lac montre des tâches noires plus grandes et plus nombreuses que la truite fario. Les tâches rouges disparaissent souvent chez cette écomorphe.
La truite de mer (Salmo trutta morpha trutta)
La truite de mer montre une robe argentée, le dos étant plus foncé. Les tâches rouges sont absentes alors que les tâches noires sont présentes, mais assez petites et en faible nombre. Lorsqu'une truite de mer s'est bien nourrie en milieu marin, le corps peut devenir très massif au point qu'il est aisé de la confondre avec un saumon de belle taille.
Longueur maximum : 1,40 m.
Poids : 15kg.
La truite macrostigma (Salmo trutta macrostigma)
Sa robe est relativement similaire à celle de la truite fario, mais on notera une caractéristique importante, provenance de son nom latin : la macrostigma montre de grandes tâches sombres sur les flancs. C'est la truite corse.
Taille et poids
La truite fario peut mesurer 1 mètre pour 20 kilos, mais dans les eaux acides, comme celles de Bretagne, un poisson de 40 centimètres est déjà un superbe spécimen. Les plus grandes tailles se rencontrent chez les formes migratrices, avec une longueur maximale de 1,40 mètre pour un poids (insoupçonné par bien des pêcheurs) de 50 kilos.
Longévité
Une quinzaine d'années.
La truite et ses cousins naturels
La truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)
La cousine la plus courante dans le monde et en France est la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), une espèce nord-américaine, très facile à élever et plus tolérante que notre truite autochtone. Ces particularités lui ont valu d'être introduite presque partout dans le monde.
On reconnaît la truite arc-en-ciel à ses flancs souvent violets, le dos étant verdâtre. La robe est constellée de très nombreux points noirs, de petite taille. Il n'y a jamais de points rouges. Elle entre en forte concurrence avec la truite fario mais elle a la bonne idée de ne pas (pourquoi ? c'est encore un mystère) se reproduire naturellement dans les eaux françaises (à l'exception de rares endroits comme le lac des Bouillouses dans les Pyrénées et le centre de pêche de Sommedieue en Lorraine).
Longueur maximum : 1,20 m.
Poids : 25 kg.
La truite marbrée (Salmo marmoratus)
Une petite aire de répartition limitée à la partie supérieure des ruisseaux alpins. Surtout présentes en Italie, elle se reconnaît à sa robe, montrant comme son nom latin marmoratus le laisse supposer, de nombreuses marbrures.
D'autres salmonidés en France
Il est possible de rencontrer d'autres salmonidés en France, par exemple les ombles (genre salvelinus : l'omble chevalier, l'omble de fontaine et le cristivomer) et le saumon atlantique (Salmo salar). La confusion est possible avec ce dernier, car un saumon de retour de migration ressemble beaucoup à une truite de mer. Le maxillaire dépasse le niveau de l'oeil chez la truite alors qu'il s'arrête au même niveau chez le saumon. Les juvéniles de saumons (les tacons), avant leur descente vers la mer, peuvent ressembler à une truite sédentaire. On peut différencier les truites au fait qu'ils ont le maxillaire plus court, une forme plus élancée et la caudale plus échancrée que le jeune saumon.
Les éperlans (Osmerus eperlanus)
Les éperlans et les capelans possèdent également la fameuse nageoire adipeuse. Ils sont aussi des salmoniformes.
La truite et ses cousins artificiels
Pour satisfaire la curiosité des pêcheurs, en réservoir artificiels, les ichtyologues ont "inventé" nombre d'avatars de la truite connus sous les noms de gold, de jaunes ou de bleues.
Ethologie de la truite
La truite fario, sédentaire, aime les parties oxygénées des cours d'eau, et ne peut se reproduire que si des gravières sont présentes. Les truites de lac et de mer naissent en eau douce, dans ces mêmes parties oxygénées, mais effectuent une migration qui les conduit à dévaler les cours d'eau vers un lac ou vers les eaux salées, où elles trouveront plus de nourriture. Elles doivent cependant revenir en eau douce, dans les cours d'eau graveleux, pour leur reproduction.
Alimentation
En rivière, la truite se nourrit principalement d'invertébrés et de petits poissons. Les proies les plus fréquemment trouvées dans les contenus stomacaux sont les larves et les adultes d'éphémères, de trichoptères et d'odonates, les petits mollusques et crustacés, ainsi que les vairons et les chabots. La truite de lac va se focaliser sur le poisson, notamment les Cyprinidés et les juvéniles des autres espèces. La truite de mer adore les Clupéidés, (sardines) mais les crevettes et les lançons sont également consommés.
Quant à la macrostigma, elle présente un régime alimentaire curieux lié à la pauvreté des ruisseaux corses. Elle consomme beaucoup de têtards et d'urodèles, des proies qui sont souvent délaissées par les truites du continent.
Activité
La truite fario aime se poster à l'arrière des chutes, juste avant le radier, lorsqu'elle est en période de chasse. Mais à la moindre alerte, ce poisson très craintif retourne se cacher dans la chute, sous les berges ou sous les cailloux. En lac et mer, les truites chassent activement dans les bancs de poissons, parfois en groupes.
Reproduction
La truite, quelle que soit le morphe considéré, dépose ses oeufs dans les graviers, à la fin de l'automne. Les adultes creusent un nid dans le gravier à l'aide de forts mouvements de la queue, puis recouvrent les oeufs fécondés. Ces derniers sont peu nombreux (quelques milliers par femelle), gros et chargés de vitellus. Ces réserves permettront aux embryons de passer l'hiver, car l'oeuf n'éclora que le printemps suivant. Notons que des crues trop fortes et des eaux trop chargées peuvent détruire la fraie ou colmater les gravières.
Carte d’identité de la truite
Classe: Ostéichtyens (les poissons osseux).
Ordre : Salmoniformes.
Famille : Salmonidés.
Nom : Salmo trutta.
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.