Se soigner avec des médicaments, est-ce vraiment bon pour la santé ?
Publié le - Mis à jour leAvec ce temps digne d'un mauvais mois de novembre, attraper froid est un risque élevé. Or, les médicaments ne seraient peut-être pas le meilleur moyen de guérir. Nous sommes en effet en plein paradoxe car, prévus pour soigner, ils seraient à l'origine de nombreux décès. Au moins 18 000, chaque année, selon le docteur Bernard Bégaud. Si depuis quelques années, le doute s'est immiscé chez le Français vis-à-vis de l'univers pharmaceutique, qui aurait tendance à commercialiser des produits dangereux - on se rappelle de la pilule Diane 35 ou du Médiator -, les nouveaux chiffres en disent plus long sur les risques réels que nous prenons chaque jour.
18 000 décès par an équivalent à 1 500 morts par mois, ou 50 par jour. C'est plus élevé que les décès liés aux accidents de la route et aux suicides, regroupés. Selon la sécurité routière, en 2012 moins de 4 000 personnes sont mortes sur les routes ; et d'après les chiffres de l'INSEE, en 2010 environ 10 000 suicides ont été enregistrés, et les chiffres sont en baisse depuis 1990. Ce nombre équivaut aussi à la moitié de la population d'Auxerre : c'est comme si, en 2 ans, tous ses habitants étaient morts, et la ville rayée de la carte.
Une mauvaise gestion de la surveillance médicale
Si de nombreuses morts sont inévitables, le docteur explique qu'un tiers, soit 6 000 décès, sont causés par une prescription non justifiée. La sur-médication est un thème qui est de plus en plus mis en avant, tant et si bien que les autorités sanitaires ont décidé de réduire l'administration d'antibiotiques et d'accentuer la surveillance des médicaments et ordonnances médicales. Mais selon le docteur Bégaud, ces morts s'inscrivent dans une suite logique car "depuis toujours" la France surveille mal les médicaments et leur distribution. Un médicament qui respecte parfaitement les règles et les normes de commercialisations, peut aussi provoquer de graves pathologies s'il est pris à la légère, dans de mauvaises conditions ou dans un cas qui ne le justifient pas.
L'autre problème, c'est le détournement de médicament. Non pas la contrefaçon ou la vente illicite, mais le changement d'usage prévu. Entendu à la barre dans le procès du Médiator, le docteur Bégaud explique que ce médicament, initialement prévu pour soigner le diabète, à été détourné pour couper la faim, et prescrit à 5 millions de personnes en France qui cherchaient à faire un régime facile, avec une aide médicale. D'une prescription pour soin diabétique, concernant une population spécifique et malade, on passe à la vente d'un régime miracle, pour le commun des mortels. Mais ce n'est pas une première, bien au contraire, c'est très fréquent. Lorsque l'on s'aperçoit que les molécules du médicament agissent sur une autre partie de l'organisme, il alors prescrit pour agir sur cette dernière. Et les détournements se font parfois sans en connaitre tous les effets secondaires.
Des effets inconnus, dangereux et puissants
Ce type de manœuvre a été très contesté notamment dans le cas du Champix, médicament prescrit pour arrêter de fumer, commercialisé en 2006 aux États-Unis. Entre 2006 et 2008, environ 3,5 millions d'Américains l'utilisaient. De nombreux effets secondaires lui ont été attribués, tels que des envies suicidaires, des pensées d'homicides ou encore des hallucinations. Il est devenu n° 1 dans la liste des médicaments à effets secondaires dangereux. Entre temps, il a été mis en circulation sur le marché français (février 2007) et, un an plus tard, de nombreux cas de décès et de suicides, entre autres "effets secondaires graves" lui étaient reliés. Le Champix, vendu comme pilule miracle pour l'arrêt de la cigarette, était, de surcroit, le concurrent et successeur du Zyban, un anti dépresseur détourné.
La molécule du Zyban, le bupropion, était commercialisée sous le nom de Wellbutrin pour aider les dépressifs. Mais elle s'est finalement révélée être meilleure dans la lutte contre la cigarette. Qu'à cela ne tienne, changement de slogan, de nom et de patients. C'est le même scénario pour le Mediator, prescrit à 5 millions de personnes avant sont interdiction de vente en 2009, pour cause d'hypertension artérielle pulmonaire (incurable) et de dysfonctionnements du cœur. Le docteur Bégaud met en exergue le manque de transparence et de communication des médecins libéraux car la majorité des alertes sur les effets secondaires (85 %) viennent des hôpitaux. Le patient faisant confiance à son médecin suit son traitement sans poser de questions, et ne se doute pas des effets néfastes potentiels.
La revue médicale Prescrire avait déja révélé une liste des médicaments à surveiller de près. Cependant, comme l'avait montré une étude psychiatrique, les médecins sont tiraillés entre informer des effets secondaires, ce qui réduit l'impact du médicament, ou les cacher pour multiplier les chances de succès. En effet, plus d'un patient sur 5 prenant à leur insu un placebo, en pensant bien sûr qu'il s'agissait d'un véritable médicament, ont contracté les effets secondaires dont ils auraient pu souffrir. Le médecin – le chef de l'étude – les avait mis en garde de ces effets possibles. Par la seule force de leur esprit, ils les ont développés. Alors, pourquoi ne pas faire la même chose pour guérir ?
Source : L'Express avec l'AFP ; Rue89
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