Dame-belette
Publié le - Mis à jour leL’étymologie en dit long sur les rapports des hommes et des belettes
"Du palais d'un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S'empara c'est une rusée", La Fontaine, "Le Chat, la belette et le petit lapin".
Belette, nous disent Henriette Walter et Pierre Avenas dans leur essentiel ouvrage "L'Etonnante Aventure des Noms des Mammifères" chez Robert Laffont, signifie "petite belle". Ils ajoutent ce terme affectueux constitue une antiphrase, dite propitiatoire, destinée à conjurer les méfaits de ce mammifère carnassier réputé pour sa voracité.
En d'autres termes cette petite bestiole qui ne pèse pas plus de 50 gr toute mouillée, a toujours suffisamment inquiété les humains pour qu'ils la flattent afin de s'en attirer les bonnes grâces.
Ses différents noms à travers l'Europe
Cette tendance à la flagornerie se retrouve, avec des variantes, dans de nombreuses langues européennes
En italien elle est donnola (demoiselle), en breton kaerell (mot issu de kaer qui signifie beau), en anglais elle est parfois fair (venant de fairy= fée), en espagnol, elle est comadreja (la commère), en roumain nevastuica (la jeune mariée). Les Turcs, dit Sonnini dans son Voyage en Grèce, l'appellent gallendish, et les Grecs niphista, deux mots qui signifient nouvelle mariée.
C'est dans ses origines grecques et latines qu'il faut aller chercher (mais cette fois c'est exagéré dans l'autre sens) ses véritables caractéristiques.
En grec, elle est galê. C'est le même qui était utilisé pour désignait le chat, lui aussi domestiqué pour chasser les souris.
En ces époques lointaines, la fourrure des belettes était utilisée pour faire des casques, c'est ce même mot qui, par déformations successives a donné à notre langue le mot casque.
La cruauté constatée de la belette a fait que les requins se sont appelés galea en grec byzantin ... pour ensuite donné galère en allusion à la forme de l'étrave de ces bateaux. Ce même mot galea, se retrouve de façon étrange dans le mot mygale.
En latin, la belette est mustela. Mus qui signifie souris, la proie préférée des belettes.
Dans les vielles langues germaniques la belette est wisulon qui signifie puanteur en références à son odeur musquée. Elle est donc wiesel en allemand et weasel en anglais.
Les belettes et la compagnie des hommes
Il existe de nombreux écrits et témoignages où les belettes sont présentées comme des auxiliaires efficaces pour débarrasser les maisons des rats et des souris et les jardins des taupes.
Attention quand même, en ces temps lointains les belettes étaient souvent confondues avec les putois et surtout avec les cousins domestiques de ces derniers: les furets.
Avant le 12ème siècle, les chats domestiques étaient absents de France. Ceux sont les Croisés qui les ramenèrent de leurs aventures guerrières au Moyen-Orient en même temps que les oignons, les prunes et les abricots. (Le chat sauvage, felis-sylvestris, naturellement présent en France n'a jamais été domestiqué. Toutes les races de chats présentes dans nos maisons sont issues d'un même ancêtre, sûrement le chat des sables, originaire d'Egypte).
La belette chasseuse
Les belettes étaient donc tolérées autour des maisons pour trucider les souris et les rats noirs ratus ratus. Les rats gris ou surmulots ratus norvegicus n'ont envahit l'Europe (eux aussi venant du Moyen-Orient) qu'à la fin du 18ème siècle.
Elles n'avaient pas leur pareil pour combattre les taupes qu'elles poursuivaient jusqu'au fond de leurs galeries.
Les belettes furent aussi domestiquées et s'avérèrent d'étonnants animaux de compagnie. Curieuses de tout, joueuses, elles étaient toujours de belle humeur et attentives.
Wood, naturaliste anglais : "Sa vivacité, son agilité, son murmure la font ressembler à un écureuil. Souvent quand le soleil vient sur mon lit, elle accourt où les rayons tombent, se couche et y murmure quelques temps".
Homonymes
La belette est une planche de bois blanc comme le peuplier.
La belette est une betterave en Bourbonnais.
La belette est une petite charrue dans le pays de Caux.
Préjugés et croyances
On croit que la belette met au monde ses petits par la bouche. Cette ineptie viendrait du fait qu'on a vu une mère transporter ses petits en les tenant dans la gueule mais on n'a pas pris garde que le chat domestique faisait la même chose.
On croit que la morsure des belettes produit des ulcères de mauvaises natures qui seraient fatales en particulier aux vaches.
Par contre dans certaines contrées les paysans se persuadent que la présence d'une belette est un gage de bonheur et de prospérité pour leur maisonnée.
La belette vit en groupe et s'attaquerait alors à des adversaires disproportionnées
On a vu des belettes mordre les pieds d'un cheval, et ne lâcher prise qu'après bien des efforts du cavalier et de sa monture.
Tsudi, Les Alpes 1859, "Dans le canton d'Unterwald, en Suisse, on prétend avoir observé des groupes de 100 belettes".
John Franklin explorateur et naturaliste anglais, dans "La vie des Animaux vers 1860", raconte : "Monsieur Brown revenait de Gilmerton, près d'Edinbourg, quand il vit sur une hauteur, un homme qui se livrait à une gymnastique si violente qu'il ressemblait plus à un fou qu'à une personne raisonnable... En se rapprochant, il vit que cet homme avait été attaqué et qu'il se défendait contre une bande de petits animaux qu'il prit d'abord pour des rats. En se rapprochant, il s'aperçut que le malheureux étaient au pries avec une vingtaine de belettes. Mr Brown se joignit au combattant. S'étant armé d'un bâton, il en frappa plusieurs et les étendit sans vie sur le sol. Les survivantes s'intimidèrent et se sauvèrent vivement dans les rochers.
Le pauvre écossais était exténué de fatigue, il avait soutenu contre les belettes une lutte de plus de vingt minutes. Les affreux animaux en voulaient à sa gorge et sans l'assistance de Mr Brown, il fût immanquablement tombé, victime de leur furie.
Le miraculé raconta les circonstances de l'attaque. Voyant sur son chemin une belette il avait tenté de la tuer en lui coupant tout moyen de retraite. La belette avait poussé un cri et instantanément toute la colonie avait jailli, et l'attaque avait commencé".
La belette en littérature
Dans les écrits grecs compilés par Elien, elle est associée à la sexualité en particulier dans le mythe de Galanthis qui pour des raisons qu'il serait indiscret de dévoiler fût changée momentanément en belette par Junon, elle fut en même temps condamnée à faire ses enfants par la bouche.
La belette est présente dans quatre Fables de la Fontaine
Le combat des rats et des belettes ; La chauve- souris et les deux belettes ; La belette entrée dans un grenier, et la très fameuse Le chat, la belette et le petit lapin.
Elie Wiesel (Wiesel signifie belette en allemand), prix Nobel de la Paix en 1986, écrivain de la Shoa, est l'auteur de 3 pièces de théâtre et de 15 romans dont la Nuit, "Le Mendiant de Jérusalem et le Golem aux éditions du Seuil".
Article réalisé par Jean-Pierre Fleury.