La murène et les hommes
Publié le - Mis à jour leLa murène dans notre histoire et notre culture
Histoire de la murène
Pline rapporte que la morsure de ce poisson est dangereuse mais qu'on peut la guérir avec de la cendre de cheveux. Il rapporte aussi qu'elle va souvent à terre pour s'y accoupler avec des vipères. Il constate que le principe vital se trouve dans la queue, ce qui fait que la murène meurt rapidement si on lui brise cette partie (... c'est vrai en tous cas en ce qui concerne les anguilles).
Les romains faisaient grand cas de ce poisson. Pour le nourrir et l'engraisser, ils formaient des parcs dans la mer. Hirius, y nourrissait une telle quantité de murènes, qu'au triomphe de César, son ami, il en put faire servir 6 000 au banquet qu'il donna en son honneur.
La passion pour les murènes prit chez les romains des proportions inouïes. Cassius en avait qui étaient tellement apprivoisées qu'elles venaient à lui au son de sa voix. Il en avait paré une de colliers en or, celle-ci venait à sa demande manger dans le creux de sa main.
Lorsqu'elle mourut, il la pleura et lui fit faire des obsèques magnifiques.
Dedius Pollio, ayant remarqué que la murène avait un goût prononcé pour la chair humaine, eut la cruauté de sacrifier plusieurs de ses esclaves pour nourrir ses poissons.
La murène dans notre assiette
La chair de la murène est bonne, avec une chair sans arrêtes, mais finalement peu consommée en France. D'abord, sa pêche professionnelle est rendue presque impossible par ses moeurs, il n'est pas rentable d'aller chercher les murènes dans chacun de leur repère rocheux. De plus, de nombreux cas d'intoxication alimentaire ont été recensés, cela semble être en relation avec des algues présentes dans les milieux récifaux.
Certains peuples asiatiques consomment la murène de façon régulière, même si elle coûte cher à cause de la difficulté de sa capture.
On notera quelques préparations françaises comme la murène grillée (après marinade) sur la braise, et la murène à la bonifacienne. Cette dernière recette est une cuisson des tronçons de murène dans un poêlon, avec une sauce tomate relevée (ail, persil, laurier) et des raisins secs.
Étymologie
Le nom scientifique de genre, Muraena, est directement le terme latin pour murène. Le nom scientifique d'espèce, helena, est une référence à Helene de Constantinople. Le nom commun murène est évidemment la dérivation du nom latin muraena.
Les homonymes
La plupart des 200 espèces de la famille des Murénidés possèdent un nom commun incluant le terme "murène", on peut d'ailleurs les appeler collectivement murènes. Mais pour celui qui veut parler d'une espèce en particulier, il faut associer l'adjectif, par exemple murène commune, ou murène brune. Rappelons cependant que la seule façon d'éviter la confusion est d'utiliser le nom scientifique, par exemple Muraena helena pour la murène commune, les règles de nomenclature scientifique faisant que l'homonymie et la synonymie sont impossibles.
Les synonymes
La murène commune est également appelée murène marbrée, ou encore murène de Méditerranée.
Où rencontrer des murènes ?
On les rencontre facilement en plongée avec bouteille, l'animal devenant courant dès 15 mètres de profondeur. Il faut simplement s'assurer que le substrat soit approprié, la murène préférant vivre dans les rochers et les coraux. Une fois que l'animal est repéré, il est facile de lui rendre visite régulièrement, puisqu'il stationne souvent de longues périodes dans les mêmes anfractuosités. C'est pour cela que la murène est appréciée des plongeurs, qui viennent souvent la nourrir.
Une morsure redoutable
Il est toujours impressionnant et intéressant de la voir sortir son long corps serpentiforme de son abri pour venir saisir le morceau de poisson tenu par le plongeur. Mais attention, on est loin de l'animal de compagnie. La murène est avant tout un poisson discret, et sortir de son repère devant un intrus est un comportement contre-nature, qu'elle accepte de faire uniquement par attrait pour le morceau de poisson. Il s'ensuit des comportements assez brusques, la murène se saisissant parfois très rapidement du poisson, et retournant prestement dans son trou. Elle peut ainsi blesser les doigts du plongeur, d'autant que différencier doigts et morceau de poisson n'est pas forcement aisé pour elle. Trop d'agitation peut également la perturber, et une morsure en réponse à un agacement excessif est toujours possible.
La morsure de la murène est à la hauteur de sa réputation, les chairs et les tendons peuvent être sectionnés très profondément par les dents caniniformes, et la plaie a une nette tendance à s'infecter, les dents des murènes étant couvertes de bactéries. On a même vu des de grandes murènes du Pacifique sectionner net les doigts des plongeurs. Même avec des gants en néoprène, le plongeur qui voudra nourrir une murène doit être très prudent.
En France, c'est surtout en Méditerranée que l'observation est possible, d'une part parce que les eaux sont claires, mais aussi parce qu'on y trouve les deux espèces de nos côtes, la murène commune et la murène brune. L'observation de la murène commune reste cependant possible sur la façade atlantique, mais moins fréquente.
La Pêche de la murène
En raison de son comportement solitaire et de son mode de vie, cachée dans les rochers, la murène n'est jamais recherchée spécifiquement en pêche sportive. Il arrive cependant, si l'hameçon tombe à proximité de son trou, qu'elle attaque les appâts carnés du pêcheur à la ligne. Il s'ensuivra des contorsions de l'animal qui, une fois ferré, viendra s'entortiller dans la ligne et provoquera un emmêlement agrémenté d'un épais mucus. La murène meurt en général en s'étouffant dans la ligne. Le combat avec un poisson entortillé dans la ligne n'a rien d'agréable. C'est donc une espèce à éviter pour le pêcheur sportif.
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.