La pieuvre dans notre histoire et notre culture
Histoire de la pieuvre
L'animal est étrange, et pourtant courant.
Chaque région possède au moins une espèce de pieuvre, parfois plusieurs. Il est donc normal qu'Octopus vulgaris, comme ses cousins du monde entier, se retrouvent dans les représentations artistiques, dans les récits et dans les légendes de toute la planète.
Dans le mythe hawaïen de la création, les univers sont construits successivement, sur les ruines de l'univers précédent. Le poulpe serait le seul survivant du monde qui a précédé le nôtre.
Tous les pays des rivages de la Méditerranée ont utilisé les pieuvres dans leurs représentations artistiques, on en trouve dans des grottes de Minos datant de l'âge du Bronze. Elles sont nombreuses sur les vases, les amphores et les fresques des époques grecques et romaines.
La pieuvre est aussi utilisée comme symbole à connotation négative, de n'importe quelle mafia, les bras des pieuvres représentant le réseau. Dans les films à succès "James Bond", l'organisation secrète qui menace le monde a pour logo une pieuvre.
On n'oubliera pas le cas de Davey Jones, la pieuvre la plus récente de l'histoire du cinéma, et un personnage très réussi de la trilogie "Pirates des Caraïbes".
Le poulpe de nos côtes, céphalopode surtout présent en Méditerranée, a abondé certaines années dans la Manche, souvent après des hivers doux, pour disparaître la saison suivante. Ces années fastes, les poulpes ont été considérés comme une véritable peste par les éleveurs de poissons et mollusques.
Etymologie
Le terme céphalopodes veut dire "pieds sur la tête", ce qui est adapté non seulement à l'apparence mais aussi à la réalité évolutive de la pieuvre. Les bras de la pieuvre dérivent du pied ancestral des mollusques, un organe unique qui servait à ramper sur le substrat. Le terme octopodiformes veut dire à 8 pieds, de même pour le nom de famille, octopodidés.
Pour rappel : la terminaison des noms de taxons dépend du rang taxonomique, les noms d'ordre se terminant par -iformes et les noms de famille par -idés.
Octopus, le nom de genre de notre poulpe, vient du latin et a la même signification.
Quant à vulgaris, le nom d'espèce, il n'a guère besoin d'être traduit. Le poulpe est effectivement l'octopode commun sur nos côtes.
Le terme commun poulpe vient du latin Polypus, lui-même dérivant du grec polypos, qui signifie nombreux pieds.
Le terme pieuvre aurait été introduit par Victor Hugo dans son roman "Les travailleurs de la mer", emprunté du vocabulaire des îles anglo-normandes où l'auteur était en exil. Néanmoins l'origine antérieure est probablement le vieux français, pieuvre serait également une dérivation de polypus.
Les synonymes
Pieuvre et poulpe peuvent être employés pour désigner Octopus vulgaris. Attention cependant, car on peut dire également "les" pieuvres, et dans ce cas, on désigne l'intégralité des octopodiformes.
Mina est le mot breton qui désigne la pieuvre.
Légendes et faits
L'antiquité :
Le kraken, une île flottant à la surface des eaux ou le mythe de la pieuvre géante : les récits d'Aristote et de Pline compilés par Elien au 3ème siècle, mentionnent un animal géant qu'ils nomment polype puis kraken. C'est ce kraken qui apparut aux marins "identique à une île flottant à la surface des mers". D'après Trebius, un de ces individus se distingua à Bétique en venant à terre piller le réservoir de salaisons. Il fut surpris par une véritable armée d'hommes et de chiens, les habitants eurent tout loisir de s'étonner alors de ses dimensions.
Le monstre avait une tête grosse comme 15 amphores, ses tentacules, qui mesuraient 30 pieds de long (soit une dizaine de mètres), étaient si grosses qu'un homme seul ne pouvait les étreindre, les suçoirs ressemblaient à des bassins... et les dents étaient proportionnelles... Ce détail retire beaucoup de crédibilité au récit puisque les poulpes n'ont pas de dents mais un bec unique !
Les temps moderne :
A l'issue d'un travail systématique, Denys de Montfort révélait à la demande de Buffon dans une publication parue en 1801 qu'il existait deux sortes de céphalopodes géants, auxquels il donna les noms de "Poulpe Kraken" et de "Poulpe Colossal" :
- Le Kraken, connu dès l'antiquité grâce à Elien et Pline et remis dans l'actualité par des témoignages de baleiniers américains s'est révélé être le calmar géant Architeuthis, Cet animal décrit scientifiquement en 1857 peut atteindre et dépasser la quinzaine de mètres de longueur.
- Le Poulpe Colossal, lui n'est toujours pas identifié. C'est lui qui pourtant terrifiât les marins bretons au large de l'Angola. C'est lui qui figure sur l'exvoto offert en remerciement de leur sauvegarde dans la Chapelle Saint-Thomas à Saint-Malo.
La science moderne :
Les calmars géants sont une réalité, mais qu'en est-il des pieuvres géantes ?
On l'a vu avec Haliphron atlanticus et Enteroctopus dofleini, de très grandes pieuvres existent mais peuvent-elles devenir réellement gigantesques ? La plupart du temps, les récits faisant état d'une pieuvre monstrueuse échouée sur la côte concernent en fait des carcasses très putréfiées de cétacés, comme cela s'est passé en 2003 au Chili. Une histoire similaire divise la communauté scientifique depuis plus de 100 ans. Elle concerne une épave trouvée sur les côtes de Floride en 1896 et surnommée "le monstre de Floride". La grosse masse de chair, en très mauvais état et complètement informe, attira l'attention du public et de scientifiques. On estima d'abord que l'animal était un poulpe géant, que l'on nomma Octopus giganteus, et dont on estima l'envergure à 60 mètres. Un article de 1995, basé sur l'étude comparée de tissus de l'épave conservés avec des céphalopodes et des cétacés actuels affirment qu'Octopus giganteus n'existe pas et que la piste d'un cétacé demeure la plus probable.
Jusqu'à preuve du contraire, Haliphron atlanticus est donc la plus grande pieuvre connue. Elle ne mesure pas 60 mètres mais reste très impressionnante.
Article réalisé par Arnaud Filleul.