La céréale mène le bal
Au départ était l'uisge beatha ou l'usquebaugh, littéralement "eau-de-vie" pour les intimes du gaélique ou du vieux celte, et ancêtre de ce que qui allait se fondre au fil des siècles dans le mot "whisky".
Comme c'est souvent le cas avec les spiritueux, des moines irlandais ou écossais étaient, à l'origine aux commandes des alambics. À la fin du XVème siècle, ils eurent les premiers l'idée d'un distillat d'orge maltée. Associé à la pureté de l'eau et le cas échéant à la saveur de la tourbe, il allait conquérir par la suite la planète tout entière, s'adaptant au passage aux productions céréalières locales. Orge, donc, mais aussi seigle, blé, maïs ou avoine ; le whisky est finalement un pur produit de la terre au gré des céréales cultivées dans le monde.
Du Vieux Continent au Nouveau Monde
Pendant quatre cents ans, le whisky ne sera produit qu'en Irlande et en Ecosse. Une domination qui a suscité, combats incessants à l'appui, la convoitise du puissant voisin anglais. Ce dernier avait très vite saisi tout l'intérêt, en terme de taxes notamment, de prendre en main l'avenir de cet alcool à succès. Echecs... et malt.
Au début du XIXème siècle, la crise économique pousse de nombreux Irlandais et Ecossais à venir s'installer sur le continent américain. La recette du whisky est dans leurs bagages, marquant là le début d'une formidable aventure industrielle.
Le whisky bouge, franchit des frontières, et prend des saveurs et des dénominations propres aux différentes contrées où il est venu se fixer.
La preuve par 3
Aujourd'hui, le whisky se présente schématiquement sous 3 grandes catégories de produits qui sont autant d'expressions de leur terroir originel :
- le scotch et ses multiples variantes (blend, pure malt ou single malt) est la recette originelle. L'obtention de l'appellation Scotch Whisky est liée d'une part à un degré d'alcool qui doit être égal ou supérieur à 40 degrés, et d'autre part à un vieillissement en fût d'au moins trois ans en terre écossaise. On compte plus de 1 000 distilleries en Ecosse, soit autant que de châteaux dans le Bordelais ;
- l'irish whiskey est élaboré à partir d'orge maltée ou d'orge non maltée. La différence avec le scotch réside dans un maltage élaboré au four et non à la fumée de tourbe. Il bénéficie en outre d'une triple distillation (contre 2 en Ecosse) qui lui confère une saveur fumée spécifique, avant de vieillir en fût généralement entre 5 et 12 ans ;
- le bourbon doit son nom au fait d'avoir vu le jour aux États-Unis dans le comté de Bourbon, en plein Kentucky, à la fin du XVIIIème siècle. Les céréales de base sont le maïs (51% minimum), l'orge maltée et le seigle. Lorsque le seigle est dominant (51% minimum), on parle alors de rye whiskey. Le duo bourbon et rye whiskey forme la catégorie American Whiskey.
Émotions plurielles garanties !
Une belle palette de whiskies canadiens complète par ailleurs l'offre nord-américaine. Ajoutons à cela les déclinaisons "made in Japan" ou "made in Australia", les plus connues et reconnues par les amateurs, mais également des variations indiennes, néo-zélandaises ou thaïlandaises, voire les exercices de style auxquels s'essaient, dans certaines de nos régions (Corse, Bretagne), quelques néo-producteurs de whisky.
On comprend alors mieux que, loin d'être un et indivisible, le whisky est au contraire un produit qui se vit et s'apprécie dans la diversité. D'un terroir, pour ne pas dire d'un cru à l'autre, d'un style de distillation à l'autre.