Tout le monde est d’accord : l’écureuil n’est pas un glandeur
Toussenel, L'esprit des bêtes, fin 19éme siècle
"L'écureuil affectionne particulièrement la faîne et la noisette, deux fruits qui donnent de l'huile, emblème de lumière et de richesse ; deux fruits qui proviennent du coudrier et du hêtre, arbres symboliques de l'industrie utile. Ce qui signifie que les ambitieux de cette catégorie doivent leur élévation à leurs talents et à leur industrie, et qu'ils sont fils de leurs oeuvres.
Il n'est pas rare de voir cette classe d'ambitieux, quand l'âge de la retraite a sonné, abandonner les affaires et se retirer dans quelque villa délicieuse pour, jouir de la fortune qu'ils ont su amasser, et méditer à loisir sur Horace, Jomini et Tacite. Par allusion à cette attitude, l'écureuil renonce à la gymnastique quand arrive la saison d'hiver, et se retire dans le creux d'un vieux chêne pour jouir dans une douce quiétude de la fortune qu'il a su amasser".
L'écureuil, occupé, obsédé, qu'il est, à amasser frénétiquement, a longtemps été comparé à un usurier et avait mauvaise réputation. Ce n'est que récemment qu'il est devenu le symbole de cette vertu éminemment française qu'est l'épargne.
Mais attention ! En réalité notre industrieux animal serait plutôt le symbole d'un placement à la Maddof, de cette sorte de placement sûr mais dont on ne retrouve jamais les fruits sur son compte... les écureuils épargnent en cachant les fruits de leurs labeurs dans de endroits connus d'eux seuls. Connus mais vite sortis de leur cervelle d'écureuils, c'est pourquoi il n'est pas rare de voir, pendant l'hiver, un de ces faux vertueux mourir de faim à côté de son magot dont il a oublié jusqu'à l'existence... Une révélation à faire disparaitre tous ces écureuils un peu trop vite cités en exemple qui n'en finissent pas de jouer les vertueux et de donner des leçons confortablement perchés sur les enseignes de nos caisses d'épargne.
Notez donc que si votre patronyme est Lécureuil, Légureux ou c'est courant dans le midi Esquirol votre ancêtre éponyme était peut être roux, sans doute usurier et peut être les deux à la fois.
Étymologie
En latin il est sciurus mot qui vient de deux mots grecs ombre et queue et qui signifie suivant les auteurs qui fait de l'ombre avec sa queue ou qui vit à l'ombre de sa queue.
Les écureuils du Kalahari se protègent de la chaleur (plus de 60°) en dressant entre le soleil et leur corps leur appendice caudal qui agit alors comme un parasol.
Synonymes
Jacquet : autre nom de l'écureuil.
Dès potron-jacquet est un synonyme de dès potron-minet qui signifie littéralement dès que les chats ou les écureuils montre leur cul (le poitron en vieux français était le postérieur et plus familièrement le cul). La locution est utilisée pour dire tôt le matin.
Dans le Berry il est écurieu, en provençal esquirol, et en wallon spirou.
Il est amusant de noter que, dans la célèbre bande dessinée crée par Rob- Vel en 1938 et rajeunie par Franquin à partir de 47, c'est le facétieux personnage humain qui s'appelle Spirou. L'écureuil, son compagnon présent lui aussi dans toutes les pages, s'appelle quant à lui : Spip.
Les écureuils des steppes sont appelés spermophiles.
En latin sperma la graine, philos qui aime ; rien à voir donc avec une quelconque déviance mais simplement un attrait pour les graines qu'ils stockent et consomment abondamment.
Les écureuils volants sont appelés polatouches. Polatouche est issu du mot russe polatouka. Le polatouche est la mascotte du département de l'Oise.
Homonymes
Un écureuil, dans un pressoir à vis, est une roue à cage qu'un homme entraine par son propre poids afin d'enrouler la corde de serrage.
Au Mont Saint Michel, de telles roues sont visibles dans le Musée, elles étaient actionnées par des prisonniers pour monter les matériaux de construction au sommet de la Merveille.
L'écureuil fournit des fourrures estimées. Les plus belles viennent de Sibérie et de Laponie, et sont connues dans le commerce sous le nom de petit-gris.
Des poils de la queue des écureuils on faisait des pinceaux.
On croyait encore à la fin du 19ème siècle qu'un écureuil mâle brulé était le meilleur remède pour guérir les chevaux, un écureuil femelle pour guérir les juments. A cette même époque plus d'un jongleur et d'un danseur de corde se croyait à l'abri du vertige en faisant usage de la poudre de cervelle d'écureuil.
La chasse et la captivité
Les écureuils ont longtemps été chassés pour la qualité de leur chair. Faciles à tirer silencieusement à l'arc et à la fronde ou à piéger avec un appât à base de poissons, ils étaient un gibier facile pour les gens du peuple qui risquaient les galères pour avoir chasser un lièvre.
Les écureuils ont longtemps été mis en captivité où ils avaient la réputation d'être les plus aimables et les plus propres des bestioles.
Les témoignages sont nombreux : On prenait les petits au nid, on les nourrissait avec du pain et du lait ou bien on les donnait à allaiter à une chatte de bon caractère.
Laissé seul dans la maison, il flaire tout, fouille tout, ronge et vole tout c'est pourquoi on le tenait dans une case de fer blanc en ayant soin de lui donner des morceaux de bois pour user ses incisives de rongeur.
Jeunes les écureuils sont pacifiques voire affectueux. Plus âgés, particulièrement les mâles au moment du rut deviennent agressifs et peuvent infliger de profondes morsures.
L'avenir des écureuils ou mille bonnes raisons de les épargner
La chasse et la mise en captivité des écureuils européens sont interdites en France.
Les écureuils, autrefois si nombreux, sont aujourd'hui de plus en plus rares.
Les prédateurs traditionnels que furent les martres sont maintenant protégés. Autrefois piégées pour leur fourrure, les martres sont maintenant, dans certaines régions, nombreuses au point de ne laisser aucune chance de survie à nos malheureux animaux.
Il ne viendrait plus à l'esprit d'un garnement de tirer un écureuil avec son lance-pierres ou sa carabine à plomb ou même de l'obliger à tourner toute sa vie dans une cage. Mais, hélas pour notre gentille bestiole elle a trouvé des ennemies encore plus implacables sous la forme des automobiles et de chats domestiques qui s'évertuent à en faire disparaitre les populations résiduelles.
Et surtout elle est victime de la mondialisation. D'abord sous la forme de maladies venues d'ailleurs comme la VHD (Virus Hemoragic Desease) qui à l'instar des lapins fait crever les petits mammifères en provoquant des hémorragies pulmonaires fulgurantes. Seules quelques gouttes de sang sur le bout du nez d'un animal en apparente bonne santé signent les basses oeuvres de la terrible épizootie.
Elle est victime également de la venue dans les forêts périurbaines de l'arrivée des écureuils de Corée appelés également tamias. Ces écureuils gris venus d'Asie, en ayant officiellement transités par la Corée, sont des travailleurs émigrés venus se mettre au service des loisirs des enfants occidentaux. Ils sont devenus des NAC (Nac est un acronyme signifiant : Nouveaux Animaux de Compagnie). Ils sont en vente libre dans les animaleries.
Comme tous les animaux de compagnie, le moment des vacances venu, les tamias sont "remis en liberté" dans les forêts aux abords des grandes villes. Ils y seraient les bienvenus, s'ils ne prenaient pas la niche écologique des derniers écureuils européens et ne remettaient pas en cause le fragile équilibre environnemental en transportant nombres de parasites vecteurs eux-mêmes de maladies. Au risque d'être taxés de xénophobie, les scientifiques n'hésitent pas à révéler qu'un écureuil de Corée dans la force de l'âge peut être porteur, sans apparemment en souffrir plus que ça, de plusieurs centaines de larves de tiques toutes plus ou moins porteuses elles-mêmes de la terrible maladie de Lyme, souvent fatale aux humains.
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.