Courant juillet, le réalisateur Spike Lee, à l'occasion d'une campagne Kickastarter, a publié une liste regroupant 86 films essentiels de l'histoire du cinéma à l'attention des réalisateurs en herbe. Outre l'absence étonnante de quelques géants du cinéma comme Howard Hawks ou John Ford, c'est surtout l'impasse sur les réalisatrices qui n'avait pas manqué de décevoir les cinéphiles. Visiblement touché par ces critiques, le cinéaste vient de poster une nouvelle sélection, un peu plus exhaustive mais toujours aussi solide et exigeante.
Chaque année, Spike Lee – papa entre autres du film culte Do the right thing (1989) – donne à ses étudiants en master de la New York University une liste de films essentiels. Quoi de mieux, en effet – les grands cinéastes dont la formation ne repose que sur le visionnage en boucle de la filmographie d'Hitchcock sont d'ailleurs nombreux –, que le cinéma lui-même pour éduquer les apprentis metteurs en scène ? Cette année, c'est via la campagne de financement Kickstarter pour son prochain film que Spike Lee a posté fin juillet sa sélection d'incontournables du septième art.
Mais après avoir essuyé les quolibets de la part d'observateurs regrettant la quasi absence de femmes dans son classement, à l'exception toutefois de Katia Lund, la co-réalisatrice de La Cité de Dieu, une mise à jour discrète a été effectuée. Passant de 86 à 94 films, la liste inclue des œuvres à la fois attendues (Sueurs Froides, Rashomon¸ 8 ½, Un après-midi de chien, Orfeu Negro…) et inattendues (Crazy Kung-Fu, le Bad Lieutenant d'Abel Ferrara, Apocalypto et dans une moindre mesure District 9).
Des génies du cinéma curieusement ignorés…
Chose surprenante : de nombreux réalisateurs particulièrement vénérés sont totalement ignorés par Spike Lee. C'est notamment le cas de John Ford, d'Howard Hawks, de Yasujiro Ozu – auquel Lee répond par la surreprésentation d'Akira Kurosawa (Rashomon, Ran, Yojimbo), nettement moins classique –, ou encore Fritz Lang. De même, un certain nombre de réalisateurs choisis par le cinéaste sont illustrés par des films parfois discutables, à l'instar par exemple pour Spielberg d'Empire du Soleil ou de Zelig pour Woody Allen. À noter aussi que dans le cas d'Orson Welles, Spike Lee préfère La Soif du Mal à Citizen Kane, absent ici.
… et des Français portés aux nues
Remarquons que les Français ne sont pas en reste, avec François Truffaut en tête de liste (Les 400 Coups, La Nuit Américaine), René Clément (Paris brûle-t-il ?), Marcel Camus (Orfeu Negro). Enfin, le Franco-suisse Jean-Luc Godard (À bout de souffle) et le Franco-polonais Roman Polanski (Chinatown) trouvent évidemment leur place.
Et les femmes dans tout ça ?
Pour corriger sa bévue, Spike Lee a ajouté les réalisatrices Euzhan Palcy (Rue Cases-Nègres), Jane Campion (La Leçon de piano), Julie Dash (Daughters of the Dash), Kathryn Bigelow (Démineurs) et Lina Wertmüller, avec pas moins de quatre films dont Pasqualino, qui a fait d'elle en 1975 la première femme nommée à l'Oscar du meilleur réalisateur. Un maigre bilan qui a le mérite de montrer à quel point l'industrie du cinéma prive les femmes d'opportunités. On regrettera néanmoins entre autres l'absence de Chantal Akerman et d'Agnès Varda.